Yoann Offredo et les voix du vélo à la télé

Dans les coulisses du vélo à la télé : Yoann Offredo et les voix du peloton

Le Tour de France. Les Classiques. Les cols mythiques, les échappées solitaires, les sprints furieux, les défaillances et les renaissances. Si ces moments vibrent dans les salons, c’est aussi grâce à ceux qui les racontent avec passion. Derrière chaque image de France Télévisions, il y a une équipe. Des voix. Des regards. Des anciens coureurs devenus passeurs d’émotions. Et parmi eux, Yoann Offredo qui a ouvert sa porte à 3bikes pour une entrevue exclusive. Un homme qui a roulé au plus près du bitume et qui aujourd’hui, avec pudeur et intensité, en dévoile les secrets…

Par Jean-François TATARD – Photos : Instagram Yoann Offredo / DR

Une reconversion née du chaos

Yoann Offredo n’a pas quitté le peloton de son plein gré. C’est la violence de la chute, la brutalité d’un diagnostic qui a tout précipité. Grand Prix de Denain, 2019. Héliporté, paralysie suspectée. Le verdict tombe : œdème à la moelle épinière. Il continue pourtant, repousse les limites, termine le Tour de France dans un corps qu’il ne reconnaît plus. Une ligne franchie sur les Champs-Élysées, le cœur en vrac, l’avenir flou.

Yoann Offredo et les voix du vélo à la télé
Comme de nombreux coureurs, Yoann Offredo a souffert dans sa chair.
Yoann Offredo et les voix du vélo à la télé
C’est ici que tout aurait pu s’arrêter. C’est ici que tout a commencé autrement. Yoann Offredo, entre douleur et renaissance.

Et puis, le confinement. Zwift. Une émission virtuelle. Une chance. “C’est là que tout a démarré.” France Télévisions tend un micro. Yoann l’attrape. Le consultant naît dans l’ombre d’un drame.

La voix qui tremble, puis qui s’affirme

Ses premiers mots en direct, Yoann les compare à ses débuts en amateur, en FSGT : “Je vomissais avant les courses.” Le trac, la peur de ne pas être légitime. L’écran comme une ligne de départ. Mais une adrénaline familière surgit. Le frisson du direct. La mise en danger. Comme un sprint final, sauf que cette fois, c’est avec les mots qu’on se bat.

Il apprend. Il écoute. Il doute, mais avance. Le consultant hésitant devient une voix reconnue. Et derrière le micro, c’est encore le coureur qu’on entend : celui qui sait ce que c’est que d’avoir mal, de douter, d’espérer.

Une bande unie par la route

France Télévisions, ce n’est pas un simple plateau. C’est une caravane de personnalités. Yoann y trouve sa place. À ses côtés : Marion Rousse, qu’il décrit avec tendresse comme “élégante”. Jalabert, “le panda”, protecteur derrière sa rigueur. Voeckler, “le public” incarné, passionné, habité. Alexandre Pasteur, encyclopédie à cravate, mémoire vivante de la petite reine. Et puis les autres. Une alchimie, pas toujours fluide, mais sincère. “On est différents, mais complémentaires.”

Il confie avoir cru, au départ, que “Jaja ne l’aimait pas.” Mais le lien se crée, la confiance s’installe. Marion, elle, joue un rôle clé. Elle apaise, conseille, montre la voie pour ne pas se perdre dans les commentaires acides des réseaux sociaux.

Yoann Offredo et les voix du vélo à la télé
ls venaient de mondes différents, se croisaient avec prudence. Puis le respect a fait son œuvre, et l’amitié a pris le relais. Offredo et Jalabert, deux générations, une même passion.

Un regard venu de l’intérieur

Offredo ne se contente pas de lire la course. Il la ressent. Il l’a vécue, souffert. Il sait ce que c’est que de rouler en échappée pendant 150 kilomètres pour rien. Il devine, parfois, les gestes de fatigue avant qu’ils n’arrivent. “C’est une lecture que seuls les anciens pros peuvent avoir.” Voilà pourquoi leur parole a tant d’impact.

Ce qu’il apporte, ce n’est pas seulement une analyse tactique. C’est une forme de poésie brute. Quand il évoque la solitude d’un coureur qui abandonne, c’est lui qu’il raconte. Ce jour-là, dit-il, il a compris la force de son rôle : être un passeur d’émotions. Donner à voir ce qu’on ne montre pas.

Préparer, ressentir, improviser

Avant chaque émission, Yoann travaille. Il regarde les profils d’étape, les statistiques. Il échange avec Pasteur, confronte les idées. Mais il laisse aussi de la place à l’instinct. “J’aime ne pas trop figer les choses.” Il veut rester dans le présent, dans la course vivante, et non dans la récitation.

Le direct, pour lui, c’est encore une course. Il faut gérer, s’adapter, relancer. Et parfois, se taire aussi. Laisser la beauté d’un paysage ou la violence d’une attaque parler d’elle-même.

Entre tension et complicité

Bien sûr, il y a des désaccords. Notamment avec Jalabert ou Voeckler. Des visions différentes du cyclisme. Des débats. “Mais c’est sain”, insiste-t-il. Car tous partagent une passion commune : faire vibrer le public. Et au fond, ils savent que la richesse vient de leurs divergences.

Les critiques ? Elles blessent, surtout au début. Un seul commentaire négatif suffisait à gâcher sa journée. Mais avec le temps, et grâce au soutien de Marion, il a appris à s’en détacher. “Je me protège.” Il donne le meilleur. Ça lui suffit.

Yoann Offredo et les voix du vélo à la télé
Dans l’intensité du direct comme dans les silences des coulisses, Marion Rousse a été un repère. Entre eux, une bienveillance discrète, précieuse, indéfectible.

Un rôle social, presque thérapeutique

Yoann reçoit des messages. Beaucoup. Des anonymes qui traversent des épreuves. “On ne se rend pas compte, mais un mot, un regard peut changer la journée de quelqu’un.” Sa sincérité touche. Il devient plus qu’un consultant : un confident, un repère.

Et puis, il y a cette volonté de transmettre. De parler sport, bien sûr, mais aussi santé, résilience. “C’est ce qui me porte.” Il rêve de développer encore son projet “L’effet YoYo”, d’écrire peut-être. De continuer à tendre la main.

Un nouveau rythme de vie, un équilibre fragile

Cette nouvelle vie, il l’apprécie. Il est plus présent pour ses filles. Moins souvent sur la route. Mais il ne cache pas que concilier sa maladie (la sarcoïdose qui le touche depuis un an, et qu’il vient de révéler au public) et ses engagements reste un défi. Il avance comme il peut. Avec humilité. Avec courage.

Car tout en lui transpire l’effort. Pas seulement l’effort physique. L’effort de rester debout, de continuer à croire, à aimer, à vibrer.

Yoann Offredo et les voix du vélo à la télé
Saison 2018, les pavés de « Roubaix » encore dans les jambes, la poussière sur le visage, mais aux côtés de lui, l’essentiel : ses filles.

L’homme derrière la voix

Ce qui frappe chez Yoann Offredo, c’est sa transparence. Il ne joue pas. Il ne triche pas. Il doute, il pleure parfois. Mais il avance. Et à travers l’écran, cela se sent. Son message aux fans est à son image : “N’oubliez pas que derrière chaque dossard, il y a un humain.” C’est là qu’est sa force. Dans cette capacité à rappeler que le sport n’est pas une machine à spectacles, mais une galerie de destins.

Et maintenant ?

Le cyclisme évolue. Il file vers plus de technologie, plus de chiffres, plus de spectacle mondialisé. Mais au milieu de cette course à la performance, Yoann Offredo garde les yeux rivés sur l’essentiel : l’âme du vélo. Celle des échappées folles qui n’aboutissent à rien, des petites équipes qui rêvent grand, des gestes de panache gratuits, pour l’honneur. “C’est ça, la beauté du vélo.

Et si France Télévisions parvient à nous faire ressentir cette beauté, c’est parce qu’elle confie ses micros à ceux qui ont transpiré, souffert, vibré sur les routes. Yoann Offredo en est l’un des plus sincères témoins. À chaque prise de parole, il nous rappelle que parfois, les plus grandes émotions ne naissent pas d’un podium, mais de ce qu’on raconte une fois la ligne franchie — là où commence la vraie victoire : celle de l’humain.

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Jean-François Tatard

- 44 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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