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L’ego, moteur du sportif assidu
Pour être un sportif assidu, l’ego est souvent un bon moteur. Mais on dit qu’il est parfois mal placé, pour aboutir à certaines situations, sinon cocasses, en tout cas conflictuelles et alimentées par notre société ouverte sur la communication, les réseaux sociaux et une forme de libre expression. Profitons plutôt de notre ego à bon escient !
Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com
Quand l’ego dérape : illusions et conflits
Il est aujourd’hui très simple de communiquer avec l’extérieur, alors même que paradoxalement, on passe de plus en plus de temps à l’intérieur de chez soi. À l’intérieur de soi pourrait-on même avancer, tant il est plus facile de donner le change et de travestir un peu la réalité, à partir du moment où l’on se présente ou se confronte moins directement avec nos semblables. Voyez nos modes de communication : téléphone, Internet, réseaux sociaux, sites de rencontres…
La pratique sportive n’échappe pas à la règle, avec des participants de moins en moins nombreux aux épreuves « officielles », mais toujours plus de pratiquants qui partagent virtuellement leurs sorties, leurs expériences, leurs performances. Centrés sur eux, sur leur pratique, sur leur vision des choses et parfois plus vraiment connectés avec la réalité.
Et c’est parfois cocasse, comme ces nouveaux pratiquants, qui dès lors qu’ils ont quelques sensations de vitesse dans les descentes s’imaginent futur vainqueur du Tour de France. Ou d’autres qui entretiennent un fan club, à partir de traces GPS, de performances supposées (où, quand, comment, face à qui ?) et de commentaires provocateurs.
Besoin d’une forme de reconnaissance
Avoir de l’ego, c’est avoir en quelque sorte une fausse représentation de soi-même, des pensées ou des attitudes construites à partir de souvenirs ou d’expériences et qui diffèrent de ce que nous sommes vraiment. On se souvient avoir monté ce col par une belle journée d’été, et les sensations n’étaient pas si désagréables. Voire euphorisantes. Et nous voilà grimpeur au niveau professionnel !
L’ego transforme notre besoin d’amour et d’acceptation de nous même en besoin de reconnaissance. Bon, nous n’allons pas faire le procès à charge de l’ego, car c’est bien un moteur reconnu de tout sportif assidu, et particulièrement à notre avis dans une discipline aussi difficile et chronophage que le vélo. Sans un minimum d’ego, comment vouloir se dépasser, avoir des objectifs, ou même aller rouler quand la météo ne s’y prête pas vraiment ? Et ne dit-on pas qu’il faut un ego plutôt développé pour devenir un champion ? Certains mettent même la barre très haut. Et au pied du mur, il faut alors « assurer », ou alors passer pour un idiot.
Le cycliste de devant
L’ego, c’est ce qui pousse la plupart des pratiquants à vouloir rattraper sur la route le cycliste de devant. C’est plus fort que tout. Quand deux cyclistes seuls se suivent en pleine campagne à quelques centaines de mètres d’intervalle, le second cherche presque toujours à revenir sur le premier. Puis à le dépasser, s’il le peut et si ses moyens physiques le lui permettent. Car l’ego fait parfois oublier que les règles du jeu ne sont pas vraiment établies au départ, et que si le cycliste rattrapé est simplement dans la lune ou en séance de « récupération active », il peut aussi avoir du répondant. C’est toujours une question de point de vue. Mais plutôt grisant en règle générale. Et source de progrès pour ceux qui en usent au bon moment. Ou au contraire salvateur pour ceux qui refusent de se voir vieillir.
Dans ce cas, si l’ego entretient l’illusion d’une jeunesse et d’une puissance petit à petit envolées (le style est toujours là, mais plus la force !), la raison nous rappelle à l’ordre. Et mieux vaut aller rouler seul en laissant perdurer la légende qu’on s’est forgée, plutôt que d’être confronté directement à la réalité des années qui sont passées. Car heureusement, nous sommes en capacité de reconnaître ces tromperies de notre ego. Et de parfois les admettre et de faire avec. Le vélo impose aussi une forme d’humilité. Il se fait un malin plaisir tôt ou tard à remettre les choses à leur place. Avec l’expérience, on sait que ce moment arrive bien plus souvent qu’on le souhaiterait.
Le virtuel et ses travers
Mais dans ce monde de communication de plus en plus virtuelle qui est le nôtre, l’espace de l’expression de notre ego est quasi infini. Parfois fantasmées, souvent invérifiables, nos « performances » sont étalées, voire relayées, ce qui contribue à renforcer ce même ego. Les images que l’on diffuse de nous-mêmes sont le plus souvent contrôlées. Jusqu’à oublier que les photos sont retouchées. Mais qu’importe tant qu’il s’agit de se faire du bien. C’est humain après tout.
Pour revenir au sport, le sédentaire qui se découvre pratiquant et qui est emballé par ses progrès, c’est plutôt frais. Quant à nous les autres, si cela nous permet de trouver un certain équilibre, eh bien soyons consentants, sinon complices. Toutefois, les choses peuvent déraper lorsque nos sentiments sont brouillés par notre seul point de vue, notre seule expérience.
Ainsi, un sportif objectivement modeste ou physiquement limité (par son talent, par son manque d’entraînement, par sa volonté) peut avoir du mal à imaginer que les capacités d’un coureur professionnel soient largement supérieures aux siennes. Au regard de son expérience, de son vécu, de ses souffrances, la montée d’un col à 20 km/h est impossible. Son ego se manifeste alors par de la protestation, une lente entreprise de décrédibilisation et de tentative de destruction, permise par l’espace de liberté – et les failles – de nos systèmes de communication.
Sur les forums Internet ou les réseaux sociaux, des milliers d’anonymes la plupart du temps cachés derrière un pseudonyme, ont la possibilité de manifester à travers le prisme le plus sombre de leur ego. Pas forcément par souci de justice et d’équité, mais plus souvent par jalousie. L’ego de l’humain n’a certes jamais eu besoin du monde virtuel pour s’exprimer.
Depuis l’apparition des courses cyclistes, des mauvaises langues se font un malin plaisir à commenter et à critiquer les performances des uns et des autres sur le bord de la route. Mais la virtualité des échanges leur donne l’impression d’avoir plus de poids, plus d’importance.
Élément moteur
Finalement, existe-t-il un ego bien placé, surtout dans le domaine du sport ? Question de point de vue, encore une fois. Si nous partons du principe que cette faiblesse est inévitable, apprenons surtout à en éviter les pièges. Pour s’en servir comme un élément moteur de la performance et du dépassement de soi.
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