Partager la publication "À quelle intensité faut-il rouler pour progresser ?"
S’entraîner toujours en intensité ou proche du maximum de ses possibilités est un très mauvais calcul pour progresser, même si cela part d’un désir de bien faire. Dans la plupart des sports d’endurance, les athlètes de haut niveau pratiquent plutôt ce qu’on appelle l’entraînement polarisé. Et si vous appliquiez cette méthode ?
Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com
Selon un principe empirique qui veut que dans n’importe quel domaine 80 % des effets sont le produit de 20 % des causes, nous constatons que cette répartition des efforts est appliquée par la plupart des sportifs de haut niveau à l’entraînement. C’est-à-dire qu’ils passent 80% de leur temps à s’entraîner en endurance, et 20% à travailler en intensité. Si vous lisez entre les lignes, vous pouvez donc considérer que 80 % de leur progression est la conséquence de 20 % du temps qu’ils passent à s’entraîner.
Partant de ce constat, nombreux sont ceux qui estiment pouvoir se passer des 80% du temps qu’ils pensent inutile ou presque, pour se concentrer uniquement sur les 20 % « rentables ». Pratique. Mais cela conduit à l’échec la plupart du temps, d’une part parce que les intensités sont souvent mal choisies, et d’autre part parce que cette méthode ne s’appuie pas sur une base de condition assez solide, un peu comme si l’on construisait le toit d’une maison sur des fondations en papier.
Rapide ou lente : quelle vitesse choisir ?
Si l’on suit donc ce principe à la lettre, l’allure de l’entraînement devrait être soit lente, soit rapide, mais rarement entre les deux. Car entre les deux, c’est souvent de la fatigue inutile et sans bénéfice. D’ailleurs, même si vous prenez plaisir à rouler à une intensité intermédiaire, à chasser la moyenne ou à vous complaire dans les pelotons rapides de Longchamp ou des groupes du mercredi ou du dimanche matin dans n’importe quelle région, vous sortez très peu de votre zone de confort.
Dit autrement, et selon le principe des 80-20 appliqué au sport, s’entraîner à allure moyenne vous userait progressivement tout en apportant très peu d’effets en termes de progression.
Évidemment, la réalité est un peu plus complexe que cela, et vous devez distinguer trois zones principales de travail pour comprendre leurs effets : l’entraînement à basse intensité, l’entraînement à intensité moyenne et l’entraînement à intensité élevée.
L’entraînement à basse intensité
C’est le concept le plus facile à comprendre. Il s’agit de s’entraîner en dessous du seuil ventilatoire, ou autrement dit en dessous du seuil aérobie. C’est une allure qui favorise la consommation des graisses de réserve, optimise le fonctionnement du système cardio-vasculaire, améliore les capacités d’oxygénation musculaire, draine les déchets et produit ce qu’on appelle la récupération active.
Mine de rien, ce type d’entraînement a aussi un effet sur le développement du VO2 Max et de la puissance musculaire. Et enfin, c’est aussi l’intensité la plus favorable à l’entretien d’une bonne santé en général.
L’entraînement à intensité moyenne
Vous vous situez ici entre les seuils aérobie et anaérobie, une intensité comparable à celle que vous adoptez naturellement pour grimper un ou plusieurs cols dans la journée. Vous êtes bien occupé, mais à l’équilibre entre l’intensité de l’effort et l’accumulation des déchets à l’origine des grosses douleurs musculaires.
C’est en quelque sorte l’allure de compétition, la zone idéale pour réaliser les meilleures performances dans un sport d’endurance, celle où il faut être bon. C’est surtout une allure d’entraînement qui rassure.

Elle vous laisse croire que vous êtes en forme, parce que vous pouvez y réaliser les meilleures moyennes. Vous êtes quelque part dans la zone de confort. La zone est intéressante car c’est l’intensité de course pour la plupart des cyclosportifs, mais pour la faire progresser il faut plutôt l’encadrer que de rester à l’intérieur.
L’entraînement à intensité élevée
… ou autrement dit, la zone rouge. Elle n’est jamais agréable à aborder, mais c’est l’intensité qui vise à développer les capacités maximales sur les plans musculaire et cardio-vasculaire. On parle ici de travail à PMA, de sprints, d’efforts en anaérobie, qui font mal aux jambes et donnent parfois le goût de sang dans la bouche. Mais ce sont ces efforts courts et violents qui apportent un réel bénéfice en termes de gain de puissance et de capacité à faire la différence dans les moments clés d’une épreuve.

Les exemples sont nombreux d’exercices et de programmations pour s’améliorer dans ce domaine, mais il faut garder à l’esprit que ces entraînements ne doivent jamais représenter plus de 20 % du temps passé à l’entraînement chaque semaine. Au-delà, vous récupérez mal, vous accumulez beaucoup de fatigue, et vous limitez vos capacités aérobies par le principe des vases communicants. Ne vous étonnez pas alors de ne pas progresser, voire de carrément régresser, car vous entrez en surentraînement.
Lever le pied pour progresser…
Pour résumer, vite ou doucement, il faut choisir. Vous êtes trop nombreux à vous entraîner dans la zone d’intensité intermédiaire. Elle vous amuse, c’est l’allure des groupes, ce sont des sollicitations qui vous donnent l’impression de faire les efforts nécessaires, mais finalement vous faites tout ce qu’il faut pour avoir ce qu’on appelle le « compteur bloqué ». Ces séances génèrent une fatigue importante, mais l’intensité n’est pas suffisamment conséquente pour permettre à l’organisme de progresser.
Et quant aux séances vraiment intenses, indispensables pour élever votre niveau, il faut faire juste ce qu’il faut pour ne pas sombrer dans l’excès d’entraînement.
En parallèle, une base d’entraînement à basse intensité permet d’acquérir et d’entretenir ce qu’on appelle le foncier, travailler techniquement et régénérer l’organisme pour être parfaitement disposé à travailler intensément quand c’est nécessaire.
Ce qu’on appelle l’entraînement polarisé, avec le rapport entre 80 % d’endurance et 20 % de hautes intensités, prend tout son sens, si on se rappelle qu’en cyclisme, ce qui est vraiment difficile n’est pas de rouler longtemps, mais c’est de savoir rouler vite à un moment donné.
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