Partager la publication "Julian Lino : un nom, une histoire, un destin, ou quand le passé éclaire le présent"
Julian Lino nous a ouvert sa porte pour partager avec nous son parcours, ses choix et sa vision du cyclisme d’aujourd’hui. Fils de Pascal Lino, maillot jaune du Tour de France pendant onze jours et vainqueur du Tour de l’Avenir, il a grandi sous l’ombre d’un père au palmarès impressionnant. Une fierté, certes, mais aussi beaucoup de pression.
Par Jean-François Tatard – Photos : DR
« Honnêtement, je suis fier de porter le nom Lino. Ce n’est pas toujours évident quand, sur un podium, on vous présente comme ‘le fils de‘. Mais ça m’a poussé à essayer de me faire un prénom. Mon père m’a donné beaucoup de conseils, et partager cette passion reste un plaisir ! »
Dès ses jeunes années, Julian a baigné dans le monde du cyclisme. Il rivalisait avec Valentin Madouas, aujourd’hui vice-champion olympique, et se mesurait aux meilleurs. « Il était dur de rivaliser avec Valentin, il a toujours tout gagné ! Mais il a aussi été celui qui nous a tous tirés vers le haut. Il reste un modèle d’humilité et de réussite aujourd’hui. »
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Ses premiers souvenirs forts de course, il les raconte avec émotion : « Je dirais ma première course sur piste que j’ai remportée, les 100 tours de Vannes. Je m’étais dit qu’après tout, j’étais pas mauvais ! »
Un autre moment clé de sa jeunesse a été sa huitième place aux championnats de France du contre-la-montre juniors, sur un vélo loin des standards de l’époque. « J’étais sur un MBK de David Millar de 2001 chez Cofidis ! C’était pas le meilleur vélo, mais je me suis dit que je pouvais quand même rouler vite ! »
Une carrière faite de hauts et de bas
Du VC Loudéac à Bike Aid en passant par l’UC Nantes et Nice Métropole, Julian a évolué dans des structures variées, chacune lui apportant son lot d’expériences. « Sans hésiter, mon passage chez Bike Aid a été le plus marquant. Après avoir échoué à sept secondes de la deuxième place aux championnats de France CLM, on m’a offert cette opportunité à l’échelon supérieur. Ce fut une sacrée expérience humaine. »
Mais le cyclisme de haut niveau est impitoyable. A-t-il exploité tout son potentiel ? Avec le recul, Julian pointe un élément clé qui lui a peut-être manqué : « J’aurais aimé être davantage accompagné pour la partie CLM et aéro, mais en Continental, les moyens sont faibles. J’ai gardé le même vélo de 2014 à 2023… Je pense avoir perdu pas mal à cause de ça. »
Un autre obstacle s’est dressé sur son chemin : la maladie de Basedow, un dysfonctionnement de la thyroïde. « Ce n’a pas été simple à gérer à haut niveau. J’ai eu pas mal de hauts et de bas, mais je suis fier d’avoir été coureur avec une glande qui reste encore difficile à contrôler aujourd’hui. »
Et les regrets ? « Mise à part la partie CLM où j’aurais aimé un top 10 au championnat de France pro, je n’ai pas de regrets. Si je devais changer un truc, ce serait peut-être d’avoir fait du cyclo-cross étant jeune, pour l’agilité et la giclette ! »
Le moment le plus difficile de sa carrière ? « Sacrée question… Il y en a eu pas mal ! Mais je dirais ma saison 2017 au VCP Loudéac. Rien ne s’est bien passé, à part une ou deux victoires en CLM. »
Se faire un prénom après un père légendaire
Porter un nom reconnu est un privilège autant qu’un défi. « C’est un mix des deux ! Ce n’est pas simple à porter, mais ça m’a permis d’avoir les conseils d’autres grands noms du vélo. » Et la comparaison permanente avec son père ? « Disons que peu de gens peuvent terminer cinquième du Tour de France… donc on fait presque toujours moins bien ! »
Le virage du gravel : une nouvelle liberté
Aujourd’hui, Julian a troqué le bitume pour les chemins, trouvant un nouveau souffle dans le gravel. « L’ambiance et l’esprit gravel, clairement. On ne se prend pas la tête, mais on fait la course à fond. On passe la ligne, on mange un gâteau et on boit une bière ! Ça casse un peu les codes du vélo de route. »
Les compétitions gravel lui ont aussi permis de voyager et de découvrir d’autres horizons. « J’ai été aux USA, au Danemark, en Écosse, en Belgique, en Italie, en Espagne… Ça permet de découvrir des coins sympas et de s’ouvrir l’esprit. »
En parallèle, il a trouvé un rôle clé chez DAGG Distribution, où il est animateur réseau et responsable des ambassadeurs et partenaires. « J’aime ce que je fais et on m’a accordé de la confiance rapidement. »
Une vision lucide du cyclisme actuel
Le cyclisme a-t-il évolué dans la bonne direction ? Julian est mitigé : « Il est plus élitiste, ce n’est plus uniquement un sport populaire. Le prix du matériel, tout est plus cher aujourd’hui et cela crée une barrière à l’entrée. Dire que c’est une évolution positive ou négative reste complexe. Disons que tout est plus professionnel : il faut tout calculer, les watts, la nourriture, le sommeil… »
Son conseil aux jeunes qui rêvent de passer pro ? « Développer des qualités techniques et physiques jeunes, en faisant du cyclo-cross par exemple, et augmenter petit à petit le volume. Mais surtout, s’amuser sans se prendre trop la tête dans les jeunes catégories. Faire des efforts sous forme de challenge pour ne pas s’écœurer et éviter le burn-out plus tard. »
L’avenir : plus pro que vélo
Julian a trouvé un équilibre entre vie professionnelle et passion du vélo. Installé à Nice, il travaille depuis chez lui et voyage beaucoup pour des événements. « J’essaie de garder un bon rythme sportif pour ma ligne ! J’ai la chance de rouler sur un Factor, donc j’y vais le matin ou sur la pause du midi. Mais on ne parle plus vraiment d’entraînement, je n’ai pas de programme. J’essaie juste de me défouler et de prendre du plaisir. »
Son avenir ? « Un gros poste chez DAGG Distribution ! » dit-il en riant. « Mes projets sont davantage du côté professionnel et familial. Le vélo restera ma manière d’avoir les idées claires et de rester en forme. Ça fait partie de mon équilibre. »
Julian Lino n’a peut-être pas eu la carrière de son père, mais il a tracé son propre chemin, avec humilité et détermination. Un parcours riche d’enseignements, marqué par des choix forts et une passion intacte pour le vélo, sous toutes ses formes.
Et s’il y a une leçon à tirer de son histoire, c’est bien celle-ci : le nom que l’on porte ne définit pas notre destin, c’est ce que l’on en fait qui compte.
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