Loïc Lamouller : le voyage d’un ancien coureur vers la simplicité et la vérité

Pour 3bikes, nous avons retrouvé Loïc Lamouller, ancien grand espoir du cyclisme français, pour revisiter son parcours atypique. Des premières victoires prometteuses aux désillusions des pelotons professionnels, Lamouller nous ouvre les portes de sa carrière avec une sincérité rare. À travers ses succès, ses épreuves et ses choix de vie, il nous plonge dans les coulisses d’un monde exigeant, mais aussi dans les valeurs profondes qui l’ont guidé bien au-delà des podiums. 

Par Jean-François Tatard – Photos : DR

Loïc Lamouller, pour ceux qui ne se souviennent pas c’est l’histoire d’un prodige du cyclisme façonné par des routes interminables, des kilomètres avalés avec passion, et un destin forgé dès l’enfance. C’est son père qui l’a initié au cyclisme, non pas en tant que compétiteur, mais comme randonneur, pédalant des centaines de kilomètres à travers la France. Dès l’âge de sept ans, Loïc suivait la roue paternelle sur des balades de 50 kilomètres, et à 12 ans, il s’attaquait déjà à des parcours de 200 kilomètres. Sa première rencontre avec la compétition, toutefois, n’était pas de son fait. Un jour, un président de club, épaté par les prouesses du jeune garçon, persuada son père de l’inscrire pour une course. Loïc protesta, trouvant la compétition inutile, préférant l’ivresse de la route pour elle-même. Mais, à peine engagé dans le défi, il se classa cinquième, validant l’achat de son vélo d’occasion. Dès lors, il enchaîne les victoires avec la régularité d’un métronome.

Loïc Lamouller : le voyage d’un ancien coureur vers la simplicité et la vérité
Loic Lamouller, l’un des cyclistes les plus doués de sa génération.

Sa première victoire en 1991 est inoubliable : Loïc franchit la ligne d’arrivée sous les larmes de Michel Baaziz, entraîneur des jeunes du club, qui lui murmure que, s’il continue ainsi, il pourra toutes les gagner. Ce mot, il l’a pris au pied de la lettre. « Ok, maintenant on va s’entraîner et se préparer« , déclara-t-il alors à son père. À partir de là, Lamouller n’a qu’un mot d’ordre : progression. Jamais dans une recherche de la gloire, il se passionne pour la science derrière l’effort, dévore des livres de technique et optimise ses entraînements comme un chercheur en laboratoire.

L’année 1996 restera pour lui un sommet. Sa victoire à la Classique des Alpes Juniors n’est pas un exploit isolé : elle est le fruit d’un programme minutieux monté avec son entraîneur Jean-Pierre Demenois. Ensemble, dès février de cette année-là, ils ont tracé un plan sur un tableau blanc. Loïc savait où il allait, chaque sortie s’inscrivait dans une stratégie de course à venir. La Classique des Alpes a démontré sa capacité à grimper et lui a ouvert des portes chez les pros, où on lui promet déjà une place comme stagiaire. Quelques semaines plus tard, il remporte également le Championnat de France Juniors, un exploit qui marque la fin d’une saison rêvée où il réussit à « dérouler le programme » avec la précision d’un coureur déjà chevronné.

Loïc Lamouller : le voyage d’un ancien coureur vers la simplicité et la vérité
L’année 1996, pourtant a l’aube d’une carrière puisqu’en deuxième année junior seulement, restera pour lui, le sommet de sa carrière.

Mais derrière ce succès se cache une éthique inébranlable et un mental aussi affûté que ses jambes. Lamouller n’a jamais ressenti la compétition comme une simple quête de victoire. « Je cherchais à m’améliorer, à repousser mes compétences dans leurs limites« , dit-il. Il confesse même avoir su qu’il serait un jour professionnel dès sa première victoire, mais la confiance qui l’animait n’était pas arrogante : elle relevait d’une conviction née de son amour pour le cyclisme bien fait, éthique et rigoureux.

Loïc Lamouller : le voyage d’un ancien coureur vers la simplicité et la vérité
Une conviction née de son amour pour le cyclisme bien fait, éthique et rigoureux.

Son passage chez les pros ne s’est cependant pas fait sans heurts. Au premier stage hivernal, la déception est immense : l’atmosphère manque d’émulation et de partage, il sent vite que ce n’est pas l’esprit d’équipe qu’il espérait. Il comprend que le monde des pros est un autre terrain, où l’intensité n’a plus de place et où les conseils sont rares. Un collègue expérimenté lui confie alors en riant : « C’est le même sport, mais ce n’est pas le même sport« . Un choc pour le jeune champion, qui a toujours progressé grâce à une programmation millimétrée et à l’appui de son entourage. Plus dur encore : la tentation de se laisser happer par des pratiques peu éthiques. Lui qui avait bâti toute sa carrière sur le dépassement de soi comprend vite qu’on attend autre chose. Lors d’une chute durant le Tour, blessé au genou, il se voit proposer des traitements invasifs pour “sauver” son Tour, ce qui le pousse à appeler sa femme pour lui annoncer sa décision : « Demain, je prends le départ et j’abandonne. C’est terminé pour moi. »

Loïc Lamouller : le voyage d’un ancien coureur vers la simplicité et la vérité
Loic mène l’échappée sur une étape du Dauphiné en 2003.

Cet abandon symbolise un point de non-retour. « La pression aurait pu m’emmener à une certaine tentation », avoue-t-il. Mais il choisit de rester fidèle à ses principes, conscient que le sport doit rester un lieu de dépassement authentique, non d’artifice. Les années qui suivent sont marquées par une désillusion certaine ; il sent que son potentiel n’a pas été pleinement révélé dans un système qui favorise d’autres méthodes. Il le reconnaît aujourd’hui : l’amertume demeure face aux exploits qu’il aurait pu réaliser dans un contexte plus sain.

Malgré cela, Loïc ne quitte jamais vraiment le vélo. Après sa carrière, il tente de monter une marque et un magasin de cycles, mais le contexte économique difficile le force à arrêter en 2009. Ce n’est qu’en 2018, grâce à un voisin amateur, qu’il renoue avec le cyclisme. Il se fixe de nouveaux défis, notamment les brevets randonneurs qualificatifs pour le Paris-Brest-Paris, qu’il entreprend courageusement malgré une greffe de peau. Aujourd’hui, il continue de se préparer pour ce défi et avoue, à 45 ans, avoir retrouvé le feu sacré. Il reste cet éternel passionné de progression, qui optimise ses séances de musculation et surveille sa diététique.

Loïc Lamouller : le voyage d’un ancien coureur vers la simplicité et la vérité
À 45 ans Loïc avoue avoir retrouvé le feu sacré.

Aujourd’hui, Loïc Lamouller a troqué la compétition pour des aventures personnelles, parcourant près de 9 000 kilomètres par an sur des routes qui l’ont vu grandir. Et pourtant malgré les sacrifices et les déceptions, son regard reste empreint de gratitude envers le cyclisme, une passion qui a façonné son parcours. Nous nous sentons d’ailleurs chanceux d’avoir eu l’opportunité de rencontrer Loïc, une figure fascinante que nous admirions déjà dans notre jeunesse. De cette entrevue, nous garderons que Loïc incarne une inspiration vivante pour les nouvelles générations, les encourageant à embrasser leur propre chemin, loin des pressions de la performance.

Avec une authenticité inébranlable, il nous rappelle que le véritable succès ne se mesure pas en médailles ou en classements, mais dans la fidélité à soi-même et à ses rêves. Sa détermination à poursuivre sa passion, quelles que soient les circonstances, nous enseigne que la vraie victoire réside dans le voyage lui-même, dans chaque coup de pédale, chaque rencontre sur la route.

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Jean-François Tatard

- 43 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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