Gérard Zanko, le philosophe du bitume

Sur les routes sans fin de France et d’ailleurs, Gérard Zanko roule depuis quatre décennies avec une constance et un amour de la liberté qui forcent l’admiration. Plus qu’un cycliste d’endurance, il est un philosophe du chemin, trouvant dans chaque coup de pédale une leçon d’authenticité et de résilience. Lors d’une sortie sur les petites routes de campagne, nous avons recueilli ses mots comme on parcourt les pages d’un livre…

Par Jean-François Tatard – Photos : DR

Le soleil perçait à peine, mais Gérard était déjà prêt, sourire aux lèvres, calme et concentré, son visage reflétant une sérénité rare. « Je suis avant tout un passionné de liberté » m’a-t-il confié dès les premiers tours de roue, son regard fixant l’horizon. Sa passion pour le vélo est née presque par hasard, avec des compétitions commencées tardivement dans les années 80. « Un coup de chance« , dit-il modestement, qui a orienté toute sa vie.

La longue route, une méditation en mouvement

Pour Gérard, le vélo dépasse le cadre du sport. C’est une méditation en mouvement, une forme de communion profonde avec la nature, une plongée dans le silence de l’âme qui lui permet de toucher à une forme rare de vérité et de liberté. En selle, il se libère de la frénésie du quotidien et laisse les paysages l’envelopper ; il écoute le murmure du vent, la symphonie des roues sur l’asphalte, et suit le rythme tranquille de la route qui s’étire sous lui comme une invitation à l’instant présent. “Ce qui me pousse à avancer, même sous la pluie battante ou dans le souffle glacé du vent, c’est l’instant présent”, explique-t-il avec cette sérénité douce, presque mystique. Pour lui, chaque kilomètre, chaque souffle est une opportunité de se perdre pour mieux se retrouver. Chaque coup de pédale devient ainsi un hommage au moment présent, que celui-ci soit fait de pure joie ou de lutte intérieure.

À ses yeux, l’endurance n’est pas un exercice de force brute, mais une discipline du corps et de l’esprit, une école patiente et exigeante où l’on apprend l’humilité face à ses propres limites. Gérard trouve dans cette persévérance une noblesse discrète, une voie qui l’aide à affronter la vie avec le même équilibre qu’il applique sur la route.

Dans ses défis les plus intenses, comme sa traversée monumentale des États-Unis, de Los Angeles à New York, Gérard a ressenti l’endurance dans toute sa pureté et a appris à repousser les frontières de son mental et de son corps. “Les longues heures dans le désert du Mojave m’ont appris la persévérance sous le soleil impitoyable. Chaque coup de pédale dans cette chaleur écrasante était une victoire silencieuse, une affirmation de soi”, se rappelle-t-il, ses yeux s’illuminant de cette flamme qui habite les souvenirs inoubliables. Chaque étape, chaque montée dans ce désert brûlant est devenue pour lui une métaphore de la vie elle-même, une invitation à affronter les difficultés sans perdre son calme, à persister même quand l’horizon semble infini.

Pour Gérard, ces parcours sont autant de leçons de constance et de courage, des épreuves qui forgent la volonté et la capacité d’accepter les moments où le chemin se fait plus rude. Chacune de ses aventures est un voyage intérieur qui transcende la performance, un apprentissage du vrai courage : celui qui consiste à avancer, non pas pour gagner, mais pour exister pleinement, pédalée après pédalée, dans une harmonie rare et sereine avec l’univers qui l’entoure.

Un homme de paradoxes : la simplicité dans l’excellence

Sous cette allure élégante et saisissante, Gérard cultive pourtant une philosophie qui marie minimalisme et authenticité. Dans un monde où le superflu tente sans cesse de s’imposer, il incarne une forme rare d’élégance qui ne passe jamais inaperçue. “L’élégance, c’est la simplicité sublimée par la vérité de l’instant,” déclare-t-il avec éloquence, un sourire complice illuminant son visage. Sur la route comme dans la vie, il recherche la justesse, les petits gestes essentiels et les détails simples qui ajoutent profondeur et sens à chaque moment. Son style est à la fois audacieux et raffiné, fidèle à une vision où le vélo devient un art de vivre, une expression sincère de soi qui ne nécessite ni excès ni fioritures.

Cette quête d’authenticité, dépouillée de tout artifice, lui permet de poursuivre ses défis avec une grâce et une prestance qui forcent l’admiration, défiant le poids des années avec une détermination tranquille. “À 62 ans, je fête mes 40 ans de passion pour le vélo,” glisse-t-il, son regard pétillant de fierté. Ni entraînements intensifs ni régimes draconiens ; son secret réside dans une écoute profonde de son corps, une attention respectueuse à ses besoins. Pour Gérard, cette écoute est essentielle : un équilibre entre effort et repos, un respect profond pour le rythme naturel de l’existence.

Le vélo, pour lui, n’est pas un simple sport, mais un mode de vie où cohabitent harmonieusement rigueur et simplicité. C’est une pratique où le plaisir de l’effort prime sur la recherche de la performance, où la sérénité l’emporte sur la course effrénée contre le temps. Gérard incarne ainsi une sagesse rare, celle qui nous rappelle que le vrai défi n’est pas de repousser ses limites à tout prix, mais de trouver la paix dans le rythme de chaque instant, de chaque parcours. Pour lui, c’est là que réside la vraie victoire : avancer, avec équilibre et passion, dans une fidélité inébranlable à soi-même et au monde qui l’entoure.

« Le vélo, c’est plus qu’un sport »

Pour Gégé, comme l’appellent affectueusement ses amis, le vélo transcende la simple pratique sportive : c’est une métaphore riche et profonde de l’existence humaine. Chaque montée vertigineuse, chaque détour imprévu, chaque instant de doute se transforme en une réflexion sur le parcours de la vie elle-même. « Le vélo m’a appris la persévérance, l’humilité et la valeur du travail silencieux, confie-t-il avec une sagesse tranquille. Ce que je rencontre sur la route est souvent le reflet des épreuves de la vie quotidienne. » Par cette quête intérieure, il inspire des cyclistes de tous horizons à aller au-delà de la quête de la performance, leur montrant comment découvrir un équilibre plus profond entre plaisir et dépassement de soi.

Gérard n’est pas en quête d’exploits pour la gloire ou la reconnaissance. Son désir véritable est de partager la beauté d’un mode de vie actif, durable et sincère, où chaque pédalage devient une célébration de la vie. « Ce que j’aimerais que chacun retienne de ma démarche, c’est le plaisir authentique, celui qui émerge au-delà des kilomètres et des prouesses », dit-il, son regard vibrant d’une passion inébranlable. Pour lui, le vélo est une source intarissable de bonheur, un appel à l’aventure qui invite chacun à rompre avec la routine, à savourer les moments simples et à embrasser l’existence avec sincérité et gratitude.

À travers ses mots, Gérard nous rappelle que la beauté réside dans la simplicité des choses : chaque instant vécu sur la selle, chaque paysage admiré, est une invitation à prendre le temps de vivre pleinement. En pédalant, il nous montre la voie vers une vie riche de sens, où chaque coup de pédale nous rapproche non seulement de nos objectifs, mais aussi de nous-mêmes.

Au fil des kilomètres partagés, j’ai saisi ce qui distingue Gérard des autres cyclistes : une véritable philosophie de vie, celle qui fait de chaque trajet une quête intérieure, une immersion dans l’essentiel. Pour lui, chaque aventure est une ode à la liberté et au présent. Gérard Zanko, avec son sourire bienveillant et son endurance indéfectible, incarne une sagesse rare, celle qui nous rappelle que le plus beau des voyages ne se mesure pas en kilomètres parcourus, mais en moments pleinement vécus. Au-delà de la performance, il nous invite à redécouvrir la richesse de la route, à en savourer chaque instant, comme un trésor offert à ceux qui savent ralentir et apprécier.

=> Tous nos articles Portraits