Championnats du monde de cyclisme 2025 : l’édition la plus dure de l’histoire à Kigali ?

Après l’exploit de Tadej Pogačar et sa victoire monumentale en solitaire lors des championnats du monde à Zurich en 2024, une nouvelle aventure se profile déjà à l’horizon. Les regards sont désormais tournés vers Kigali, capitale du Rwanda, où se dérouleront les championnats du monde de cyclisme 2025. Ce n’est pas seulement une course, c’est un véritable défi qui se dessine, un combat contre soi-même et la montagne. Du 21 au 28 septembre 2025, Kigali sera le théâtre de ce qui pourrait bien être l’épreuve la plus exigeante de tous les temps.

Par Jean-François Tatard – Photos : ©UCI / captures d’écran X

Le parcours de 2025 à Kigali est une véritable épreuve d’endurance, conçu pour tester les limites des coureurs. Sur le papier, ce championnat se présente comme l’un des plus difficiles jamais imaginés, un défi qui pourrait bien surpasser les légendaires éditions de Bogotá en 1995 ou de Sallanches en 1980. Avec un dénivelé total de près de 5 500 mètres pour la course élite masculine, chaque ascension, chaque montée semble pensée pour briser les certitudes des coureurs les plus aguerris. Le redoutable Mur de Kigali, entre autres, incarne cette brutalité. À chaque kilomètre, l’effort demandera plus que de la force physique, il exigera une résilience hors du commun.

Pour saisir l’étendue de ce défi, il suffit de se replonger dans deux éditions mythiques qui ont marqué l’histoire du cyclisme : Bogotá 1995 et Sallanches 1980, où des légendes du sport ont forgé leur gloire sur des parcours tout aussi impitoyables.

Bogotá 1995 : la difficulté de l’altitude

En 1995, les championnats du monde se sont déroulés à Bogotá, en Colombie, dans un contexte de grande tension, où les espoirs espagnols reposaient sur les épaules de Miguel Indurain. Après des semaines d’entraînement acharné dans les montagnes du Colorado, il était arrivé en Colombie en grande forme, prêt à décrocher ce titre mondial qui manquait à son palmarès, après cinq victoires consécutives sur le Tour de France. Mais, malgré son imposante préparation et sa domination, c’est finalement Abraham Olano, un de ses coéquipiers, qui a pris la tête de la course dans les derniers kilomètres.

 

Le parcours, particulièrement difficile, comportait une boucle de 17,7 kilomètres entre 2 550 et 2 950 mètres d’altitude, rendant l’effort de chaque coureur d’autant plus intense. Indurain, qui avait tenté de tester ses adversaires dans les dernières ascensions, n’a pas pu empêcher Olano de se détacher à 19 kilomètres de l’arrivée. Alors qu’Indurain se contentait de contrôler le groupe derrière, Olano, malgré une roue arrière crevée, maintenait une avance de 35 secondes sur ses poursuivants, dont Marco Pantani, Mauro Gianetti et… Indurain lui-même. À la fin, c’est Olano qui a franchi la ligne en vainqueur, offrant à l’Espagne une victoire bien méritée.

L’exploit d’Olano n’était pas qu’une simple victoire ; c’était le fruit d’une stratégie collective brillante, où Indurain, tout en étant parfaitement préparé, savait qu’il fallait soutenir son coéquipier dans ce moment crucial, même si cela signifiait abandonner la victoire personnelle.

Sallanches 1980 : la consécration de Bernard Hinault

En 1980, les championnats du monde à Sallanches ont marqué l’histoire du cyclisme, notamment grâce à la domination sans faille de Bernard Hinault, qui, au matin de la course, annonçait à son équipe : « C’est OK, vous pouvez mettre le Champagne au frais pour ce soir. » Loin d’être une simple boutade, cette déclaration était l’expression d’une confiance absolue, renforcée par une équipe de France dirigée par Jacques Anquetil, avec des coéquipiers comme Bernard Thévenet, bien qu’en fin de carrière. Le parcours de Sallanches, long de 268 kilomètres, était redoutable, avec la Côte de Domancy à franchir non pas une, mais vingt fois ! Le dénivelé total de 4 600 mètres, que l’on peut comparer à celui des championnats d’Innsbruck en 2018, mettait à l’épreuve chaque coureur, non seulement par sa distance mais surtout par la répétition des ascensions.

Hinault, sûr de sa force, avait élaboré une tactique simple : « Vous vous occupez de la première moitié de la course, je m’occupe de la deuxième. » Pourtant, dès le deuxième tour, c’est lui-même qui partait en échappée, imposant un rythme effréné qui éliminait peu à peu ses adversaires. À 100 km de l’arrivée, ils n’étaient plus que sept en tête, dont le champion italien Baronchelli et le Belge Pollentier. Mais c’est dans la dernière ascension, où Hinault a observé minutieusement les faiblesses de ses rivaux, qu’il a frappé un dernier coup décisif. Repérant que Baronchelli, au moment clé de chaque ascension, passait sur son plus petit développement, Hinault a exploité cette faiblesse pour faire exploser son dernier adversaire. À l’arrivée, Hinault franchissait la ligne avec un avantage d’une minute sur Baronchelli, après avoir montré toute sa puissance et sa tactique implacable.

Cette victoire ne fut pas seulement un exploit physique, mais un chef-d’œuvre de stratégie et d’intelligence de course, où Hinault, fidèle à son caractère, a su combiner ses talents naturels avec un sens tactique aigu pour remporter un titre mondial mémorable.

Et en 2024 à Zurich ?

Le championnat du monde de cyclisme 2024 à Zurich n’a pas seulement été une course à couper le souffle, mais aussi un parcours redoutable qui a véritablement mis à l’épreuve les plus grands noms du cyclisme mondial. Le tracé de cette édition, long de 274 kilomètres avec 4 470 mètres de dénivelé, avait été conçu pour favoriser les grimpeurs-puncheurs. Les coureurs devaient d’abord affronter 85,9 kilomètres de parcours en ligne avant de se lancer dans un circuit local autour de Zürich, qu’ils devaient parcourir à sept reprises.

Le profil de la course a été une véritable succession de défis : des ascensions longues et sinueuses, des pentes à fort pourcentage et des portions de descente techniques qui n’ont cessé de piéger les plus téméraires. Il était évident que la gestion de l’effort allait être cruciale sur un tracé aussi exigeant. La distance, le dénivelé et l’intensité du parcours auraient épuisé même les coureurs les plus solides, mais c’est précisément dans ces conditions que Tadej Pogačar a démontré toute l’étendue de son génie.

Le Slovène, déjà favori avant la course, a fait preuve d’une force exceptionnelle, attaquant dans les moments clés, notamment dans les derniers tours, où la fatigue se faisait ressentir. Les multiples ascensions, et en particulier les pentes les plus abruptes autour de Zürich, ont mis à l’épreuve la résistance physique et mentale des concurrents. Mais Pogačar, avec une gestion parfaite de son effort, a pris les devants à 100 kilomètres de l’arrivée, en solitaire, et a filé vers la victoire, à la manière d’un champion absolu. Ce parcours, entre technicité et difficulté extrême, a forgé une épreuve d’anthologie et un exploit à la hauteur des plus grands moments du cyclisme mondial.

Kigali 2025 : un terrain de jeux unique

Le parcours des championnats du monde de cyclisme 2025 à Kigali n’est pas seulement une épreuve de force, mais un véritable test de résilience. Bien que l’altitude soit plus modérée que celle de Bogotá, la capitale du Rwanda se distingue par son terrain impitoyable et ses montées vertigineuses. À 1 500 mètres d’altitude, les coureurs devront déjà lutter contre une fatigue prématurée, mais c’est la nature du parcours qui fera toute la différence. Les 267,5 km du circuit, avec près de 5 500 mètres de dénivelé, forment un véritable casse-tête pour les puncheurs et grimpeurs, où chaque ascension semble plus longue, plus dure, et plus percutante. Des montées comme celle de Kimihura, une torture pour les jambes et l’esprit, et le Mur de Kigali, avec son 8,1% de pente sur 800 mètres, seront les moments-clés, tout comme Domancy en 1980 ou le Mont de la Ligne en 1995, où l’histoire de la course pourrait basculer.

L’UCI a dévoilé le parcours de la course en ligne du championnat du monde 2025 à Kigali.

Mais ce ne sont pas seulement les montées qui définiront ce parcours, il faudra aussi compter sur les conditions climatiques. L’humidité et la chaleur intenses du Rwanda offriront un défi bien différent des altitudes de Bogotá ou des montagnes alpines de Sallanches. La gestion de l’hydratation, la capacité à maintenir un rythme régulier dans la chaleur, et l’adaptabilité face à ces conditions extrêmes seront essentielles pour survivre à cette épreuve.

Le contre-la-montre sera lui aussi très difficile.

Les favoris pour cette course titanesque sont déjà bien identifiés. Tadej Pogačar, champion en titre, a prouvé sa capacité à briller dans des conditions de grande difficulté, comme sa victoire en solitaire à Zurich après plus de 100 kilomètres d’échappée. Remco Evenepoel, fort de son impressionnant palmarès dans les classiques et les Grands Tours, semble également prêt à relever le défi. Les autres prétendants comme Primož Roglič et Richard Carapaz, souvent résilients face aux parcours les plus complexes, ne seront pas à sous-estimer. Mais cette fois-ci, la stratégie ne suffira pas. Ce sera une question de gestion parfaite de l’effort, d’attaques sur des pentes cruelles, de récupération dans des conditions éprouvantes et, surtout, de volonté. Seuls ceux qui sauront puiser dans leurs dernières réserves auront une chance de sortir victorieux.

Ce championnat ne sera pas simplement une course, mais un tournant dans l’histoire du cyclisme, puisque pour la première fois les championnats du monde se tiendront sur le continent africain. Le Rwanda, avec sa passion grandissante pour le cyclisme, son paysage spectaculaire et son énergie incroyable, offrira une atmosphère unique. Mais au-delà du décor, c’est la bataille mentale, physique et émotionnelle qui s’annonce. Ce sera un test ultime de caractère, où les véritables champions se révéleront dans l’enfer de Kigali. Les championnats du monde 2025 ne seront pas seulement un événement sportif, mais un chapitre historique que les amateurs de cyclisme n’oublieront jamais.

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Jean-François Tatard

- 43 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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