Quelle est la valeur des performances des femmes cyclistes professionnelles ?

Le niveau des meilleures femmes cyclistes professionnelles est élevé, comme le montrent les temps d’ascension sur les grands cols du dernier Tour de France femmes avec Zwift, ou encore l’épreuve contre la montre des Jeux olympiques. Des performances bien supérieures à celles de la plupart des cyclistes amateurs masculins.

Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com / ©Billy Ceusters

Sur le Tour de France femmes avec Zwift, l’Autrichienne Valentina Cavalar (Arkéa-B&B Hotels) et la Néerlandaise Demi Vollering (SD Worx) ont escaladé le difficile col du Glandon (19,3 km – 1437 m de dénivelé – 8,1 % de pente moyenne) en 1h05’26 et 1h05’27 selon les données de Strava, ce qui les place respectivement aux 92 et 94e rangs hommes et femmes confondus sur… 30 087 cyclistes classés. Mais le QOM (l’équivalent du KOM au féminin) est détenu par la Britannique Illi Gardner, une ancienne professionnelle reconvertie en chasseuse de cols, en 1h05’13, une performance établie en solo le 6 juillet 2024.

À titre de comparaison, le meilleur temps absolu enregistré par l’application appartient à Laurens Ten Dam lors d’une étape du Tour de France en 2012, en 57’53, devant six compétiteurs du Tour de l’Avenir en 2021 qui ont grimpé le col en un peu plus de 58′. Un peu plus loin dans le classement du segment, dans la catégorie des meilleurs cyclosportifs, on trouve des temps de 1h02’39 pour Thomas Lemaitre le 29 août 2021 sur la GFNY Vaujany, et de 1h02’50 pour Peter Pouly sur la Haute Route Alpes le 21 août 2012. Notre collaborateur David Polveroni, excellent grimpeur et avec un palmarès bien fourni sur les cyclosportives de montagne, avait quant à lui établi un chrono de 1h03’52 le 14 juillet 2015.

La différence de vitesse entre les meilleurs hommes et les meilleures femmes est ici d’un peu plus de 10 %.

Lors de cette dernière étape du Tour de France femmes, les coureuses devaient ensuite affronter la montée finale de l’Alpe d’Huez. Sur Strava, le segment le plus significatif ne prend pas en compte le dernier kilomètre dans la station, plus plat, et affiche 12,62 km à 8,3 % de pente moyenne, pour 1047 m de dénivelé. Demi Vollering a établi un chrono de 47’19, à une moyenne de 16 km/h, pour une vitesse ascensionnelle de 1333 m/h, ce qui correspond à environ 5 watts/kg, au huitième jour de course et à la fin d’une étape de 150 km et plus de 4000 m de dénivelé. Le QOM appartient néanmoins à Illi Gardner toujours, en 43’54, établi le 2 juillet 2024, sur une montée sèche, mais en solo. Les données Strava de la Britannique indiquent une puissance moyenne de 242 watts pour un poids annoncé de 44 kg sur son profil Zwift, soit 5,5 watts/kg. On vous laisse apprécier le niveau.

Demi Vollering (ici sur le Tour de France Femmes 2022) est l’une des meilleures grimpeuses actuelles. ©Billy Ceusters

Chez les hommes, le KOM de ce segment est détenu par l’Américain Sepp Kuss le 14 juillet 2022 sur le Tour de France devant Romain Bardet, en 36’53. Chez les amateurs, les meilleurs temps sont détenus par l’ancien pro Stefan Kirchmair en 38’28 le 1 juillet 2022, Andrew Feather le 27 septembre 2022 en 38’43, ou encore Arthur Blanc le 3 septembre 2020 en 39’27, mais à chaque fois sur des montées sèches, des performances qu’il faut donc comparer à celle d’Illi Gardner et pas à celle de Demi Vollering. Il faut aussi préciser que la Néerlandaise avait effectué avant la montée finale un peu plus de 50 km seulement accompagnée de sa compatriote Pauliena Rooijakkers, qui lui a pris très peu de relais. À noter enfin que sur ce segment, Illi Gardner est classée 68e hommes et femmes confondus, sur 154 000 cyclistes.

Un chrono des JO stratosphérique

Parlons maintenant de l’épreuve contre la montre des Jeux olympiques de Paris, le 27 juillet 2024, qui s’est disputée sur une distance de 32,4 km. Hommes et femmes ont parcouru la même distance, le même jour et dans les mêmes conditions (pluvieuses).

Remco Evenepoel l’a emporté chez les hommes en 36’12, à une moyenne de 53,702 km/h, devant Filippo Ganna à 15 secondes et Wout van Aert à 25 secondes.

Grâce à un matériel équivalent à celui des hommes et à un aérodynamisme optimisé, les femmes sont assez proches des hommes sur les épreuves contre la montre.

L’Australienne Grace Brown s’est quant à elle imposée chez les femmes en 39’38, à une moyenne de 49,050 km/h, devant la Britannique Hanna Henderson à 1’31 et l’Américaine Choe Dygert à 1’32. Un écart de 3’26 avec Remco Evenepoel, mais qui aurait tout de même placé Brown en 27e position de la course hommes, à la hauteur du Slovène Jan Tratnik. Les quatre seuls coureurs amateurs engagés sur l’épreuve olympique, en provenance de « petites » nations du cyclisme, sont tous derrière.

On trouve sur ce type d’effort une différence de vitesse d’environ 9 % entre le meilleur homme et la meilleure femme.

Plus de différence entre les hommes et les femmes sur les efforts explosifs

Le gap de performance entre les hommes et les femmes semble plus marqué sur les efforts plus courts, comme par exemple sur la montée raide du Mur de Huy (1,23 km à 11,7 % de pente moyenne), théâtre de l’arrivée de la Flèche wallonne dans les deux catégories.

Le meilleur temps chez les femmes sur le segment Strava appartient à Demi Vollering, en 3’54, un chrono établi le 30 septembre 2020, une date inhabituelle pour la classique belge qui avait été décalée cette année-là à cause de la pandémie. Une course où elle avait pris la troisième place, 6 secondes derrière sa compatriote Anna van der Breggen et la Danoise Cécile Utrup Ludwig, qui n’ont pas publié leurs données sur Strava.

Chez les hommes, le meilleur temps sur l’application appartient à Michael Woods en 2020 toujours en 3’04, année où il avait pris la troisième place de la Flèche wallonne, dans le même temps que Marc Hirschi, vainqueur, et Benoit Cosnefroy, deuxième sur la ligne. Un temps qui est semble-t-il supérieur de 5 secondes au record officieux (non vérifiable sur Strava) établi par Julian Alaphilippe l’année suivante, lorsque le Français s’était imposé avec le maillot de champion du monde sur le dos.

Le chrono de Demi Vollering la place en 152e position hommes et femmes confondus, sur 31 498 athlètes classés sur le segment. Chez les amateurs, le meilleur chrono est détenu par le jeune Français Louis Coqueret en 3’36, une performance établie à l’entrainement le 15 juillet 2020.

La différence de vitesse sur cette ascension entre la meilleure femme et le meilleur homme approche ici 25 %, ce qui montre que les meilleures athlètes féminines sont un peu plus désavantagées sur les efforts explosifs.

Quoi qu’il en soit, ces données démontrent à quel point les meilleures coureuses cyclistes professionnelles sont des sportives hors normes, bien meilleures que la très grande majorité des cyclistes amateurs, compétiteurs, cyclosportifs ou cyclistes du dimanche. Des éléments qui ne peuvent que faire apprécier le cyclisme féminin à sa juste valeur, même si le niveau des coureuses se densifie encore au fil des ans, et que certaines performances vont encore logiquement progresser.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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