Test du nouveau Factor Ostro VAM

Le Factor Ostro VAM revient dans une version quelque peu allégée par rapport à la précédente et toujours plus aérodynamique selon la marque. Il est secondé par une paire de roues redoutable d’efficacité, pour un ensemble destiné à la pure performance. Voici le test d’une machine sans concessions. 

Par Guillaume Judas – Photos : ©Vincent Lyky

Digne héritier du Factor One, conçu pour complémenter le très léger O2 VAM, l’Ostro VAM s’est rapidement imposé comme le modèle de pure compétition de la gamme de la marque britannique dès sa sortie en 2020. C’est d’ailleurs le modèle de vélo utilisé le plus souvent et sur tous les terrains par les coureurs de l’équipe Israël – Premier Tech. Présentée en février 2024, cette nouvelle version de l’Ostro VAM s’annonce un peu plus légère (environ 50 g pour le kit cadre) et assez largement plus aérodynamique avec un gain de 7 watts à 48 km/h selon Factor, soit plus concrètement un gain de 0,6 secondes par kilomètre à cette vitesse-là par rapport à l’ancienne version.

Ce nouvel Ostro VAM s’accompagne d’une nouvelle paire de roues Black Inc. développée avec le cadre, avec une hauteur de jante différenciée de 48 mm à l’avant et 58 mm à l’arrière, une largeur interne de 23 mm idéale pour les pneus de 28 à 30 mm de section, des rayons carbone et des roulements céramiques CeramicSpeed. Des roues avec crochets, qui ne se limitent donc pas à une pression de gonflage de 5 bar, et qui affichent un poids redoutable de 1280 g la paire malgré les jantes hautes.

En cumulant donc le gain de poids sur le cadre et sur les roues, Factor annonce ainsi un allègement de 260 g environ sur l’ensemble par rapport à la version précédente. Équipé en Shimano Dura-Ace Di2, avec un cockpit Black Inc., une selle Selle Italia SLR Boost et des pneus à chambre à air Michelin Power Cup, l’Ostro VAM s’affiche ainsi à la pesée à un poids de 7,282 kg avec pédales, un porte-bidon et un support de compteur en taille 52. Il est ainsi parmi les vélos les plus légers utilisé par les pros, tout en étant particulièrement rapide. Rares sont en effet les cadres avec des tubes d’apparence si massifs qui s’affichent à un tel poids de 820 g. Pour ce faire, Factor a misé sur des tubes particulièrement fins, que l’on peut sentir ployer sous la pression du doigt en certains endroits. Un vélo dont il faudra prendre soin dans certaines situations, notamment lors des transports ou en l’appuyant contre un mur.

De nouvelles normes aérodynamiques

Les principaux gains aérodynamiques ont été obtenus en tirant parti des changements apportés à la réglementation UCI quant aux dimensions des différents tubes du cadre, qui s’affranchissent du fameux rapport 3:1, qui imposait jusque là une longueur des tubes ne pouvant pas dépasser trois fois leur largeur. Factor a ainsi pu élargir certaines parties du cadre et en affiner d’autres afin d’optimiser au mieux le rapport poids/aéro du vélo.

L’Ostro VAM se distingue d’abord par une partie avant spectaculaire, avec des fourreaux de fourche particulièrement larges et effilés, une douille de direction qui présente de face une forme de sablier et qui est destinée à diriger les flux d’air autour des jambes du cycliste, et qui se montre là aussi plutôt large vue de profil. Ensuite, on remarque un tube supérieur en forme de cône qui se rétrécit plus sensiblement vers la tige de selle que sur l’Ostro précédent. Le tube et la tige de selle sont quant à eux plus étroits et se présentent de face comme une lame. Ce même tube de selle révèle de profil une échancrure pour épouser la roue arrière et ainsi être optimisé sur le plan aérodynamique avec la roue Black Inc. en 58 et un pneu de 28 mm de section. Du côté des haubans, on remarque leur finesse relative, et une forme légèrement revue par rapport à la précédente version de l’Ostro. La boîte de pédalier demeure semblable au premier modèle, large et imposante, et liée à des bases arrière là aussi aux dimensions importantes.

Comme sur la plupart des vélos modernes, le profil du nouvel Ostro se distingue donc par une partie avant et une partie basse du cadre avec des tubes plats et larges pour favoriser le transfert de puissance, et plus de finesse autour de la zone liée à l’assise pour un peu plus de confort. Le tout avec des profils et des dimensions de tubes destinés à limiter au maximum les perturbations des flux d’air autour du vélo à grande vitesse. Par ailleurs, l’Ostro VAM accepte des pneus jusqu’à 32 mm de section, de manière à offrir une marge de manoeuvre pour ceux qui recherchent à absorber encore un peu plus les vibrations. Cependant, le vélo et les roues sont étudiés pour fonctionner le plus efficacement possible sur le plan aérodynamique avec des pneus de 28 mm, selon Factor.

L’Ostro VAM n’est compatible qu’avec les transmissions électroniques, comme c’était déjà le cas auparavant. Mais compte tenu de la forme très affinée du tube et de la tige de selle, la batterie est désormais logée dans la zone inférieure du cadre, près de la boîte de pédalier.

Le poste de pilotage Black Inc. conserve des caractéristiques identiques à la précédente version, elle-même bien plus ergonomique que sur le Factor One essayé en 2019. Il présente un évasement, avec une partie basse 3 cm plus large que la partie haute. La partie basse du guidon est parallèle au sol, ce qui permet de se sentir bien calé avec les mains dans cette position. La partie supérieure se montre longue et plate, et prolonge parfaitement la poignée de frein pour plus de confort. Enfin, la partie haute effectue une légère courbure pour un positionnement naturel des poignets avec les mains en haut du guidon, par exemple lors d’une longue ascension. Les durites cheminent à l’intérieur du guidon et pénètrent dans la douille de direction par l’avant, sans perturber le diamètre de braquage du vélo, ni même la possibilité de la ranger facilement dans un coffre de voiture, comme c’est le cas par exemple avec un Cervélo S5 ou un Cannondale SystemSix. Annoncé autour de 380 g, le cockpit n’est pas particulièrement léger, mais il est en tout cas très rigide.

Un équipement à la hauteur

Pour accompagner ce cadre porté vers la performance pure, Factor n’a pas lésiné en proposant un vélo équipé avec un groupe très haut de gamme, à savoir le Shimano Dura-Ace Di2 à un tarif de 13 360 €. L’Ostro VAM est également disponible en Shimano Ultegra Di2, ou avec le nouveau groupe Sram Red AXS, ou encore le Force AXS. Le kit cadre est quant à lui vendu à 5990 € (avec cockpit et tige de selle) et les roues à 3190 €.

Des roues qui mériteraient à elles seules un article tant elles semblent efficaces et polyvalentes en même temps, avec le poids d’une paire de roues de montagne, grâce notamment aux rayons fins en carbone, mais qui contrairement à d’autres roues qui utilisent cette technologie, bénéficient d’une tension qui peut toujours être réglée. La finition de très haut vol s’accompagne de moyeux redessinés avec des flasques plus hauts pour optimiser la rigidité latérale, et des roulements CeramicSpeed qui participent à l’étonnante impression de fluidité de l’ensemble. On retrouve d’ailleurs également des roulements CeramicSpeed au niveau du boîtier de pédalier au format T47 (comme un Press Fit 30, mais avec un filetage), de manière à confirmer si besoin était l’attention portée par Factor aux moindres détails pour favoriser la performance sur cet Ostro VAM 2024.

Machine exclusive

Parmi les grandes marques, deux philosophies s’opposent dans le domaine des vélos haut de gamme. Il y a celles qui proposent un vélo pour tout faire dit « polyvalent », comme Specialized avec le Tarmac SL8, Pinarello avec le Dogma F, ou Cannondale avec le nouveau SuperSix Evo. Et puis celles qui proposent deux vélos différents, l’un pour les parcours roulants et rapides en favorisant l’aérodynamisme et la rigidité, l’autre pour grimper ou se montrer plus accessible en favorisant le gain de poids et la nervosité du cadre. C’est le cas chez Cervélo avec les S5 et R5, chez Orbea avec les Orca et Orca Aero, chez Canyon avec les Aeroad et Ultimate, ou encore chez Bianchi avec les Oltre RC et Specialissima par exemple. Chez Factor, c’est plutôt cette conception qui a été choisie avec l’Ostro VAM et l’O2 VAM, deux machines totalement opposées en termes de comportement, même si l’Ostro est utilisé quasiment sur tous les terrains par les pros de l’équipe Israël – Premier Tech.

L’Ostro VAM dans cette nouvelle version n’évolue pas ainsi radicalement dans son comportement par rapport au modèle de 2020. Il reste un vélo très rigide qui privilégie la stabilité et l’efficacité à haute vitesse au côté complaisant mais moins percutant des vélos destinés à la haute montagne. J’ai trouvé cette machine particulièrement exigeante dans certaines conditions, notamment en ville sur des sessions de parcours nécessitant de nombreuses relances, sur des côtes courtes et pentues ou sur des séances d’entrainement en fractionnés avec des séries de sprints répétés. Le vélo s’est révélé en revanche conforme aux attentes sur les longs bouts droits exposés au vent, dans les descentes rapides, ou même dans les ascensions assez longues avec un pourcentage régulier.

La machine est légère sur la balance, ce qui se traduit par un gain chiffrable directement sur les temps d’ascension en développant une puissance constante. Et ce d’autant plus que la boîte de pédalier ne montre aucune faiblesse en retransmettant l’intégralité des watts fournis. Sur le plat avec le vent de dos ou de côté, j’ai pu apprécier aussi la prise de vitesse et le maintien assez aisé de celle-ci, grâce notamment à la stabilité dont le vélo fait preuve. L’Ostro VAM semble se positionner comme sur des rails et je n’ai jamais ressenti de difficulté à maintenir les trajectoires, même sous des rafales de vent de côté à 40 km/h.

Dans les descentes, le vélo prend beaucoup et rapidement de la vitesse. Lors de ma première sortie avec l’Ostro, j’ai pris une descente toute droite à 8% sur 800 m : un rapide coup d’oeil au compteur a montré une vitesse de 76 km/h, me permettant de battre un record personnel sur une route que j’ai empruntée près de 600 fois selon Strava. L’impression est aussi favorable lorsque la déclivité est moins nette sur des faux plats descendants. L’Ostro VAM prend de la vitesse presque comme un pur vélo de contre-la-montre, et il démontre ainsi qu’il s’agit d’un des vélos de route les plus efficaces du moment quand il faut affronter la résistance de l’air.

Mais à l’instar d’un vélo de chrono justement, sa rigidité reste toujours bien présente, dominante même. Corolaire de sa grande stabilité, sa direction semble lourde et parfois difficile à manier pour éviter au dernier moment un trou sur la route ou pour effectuer des petits mouvements du guidon en position en danseuse. Il m’a même fallu revoir plusieurs fois le réglage des roulements de direction et l’ajuster à la limite du jeu pour espérer conserver un peu de liberté dans les mouvements du guidon. Moi qui aime bien relancer régulièrement en danseuse, je me suis surpris à rester plus souvent assis sur la selle à cause de ce manque de maniabilité, et finalement à buter un peu au sommet des faux plats ou petites bosses que j’aurais pu normalement passer en injection.

Finalement, malgré son poids à la baisse, ses roues légères et fluides, son excellente transmission, son confort correct pour un vélo de cette catégorie et l’absence totale de bruit parasite sur l’ensemble de la machine et quel que soit le revêtement, j’ai trouvé cet Ostro VAM de nouvelle génération assez sévère pour une utilisation hors compétition. Il s’agit d’un vélo qui semble prendre vie au-delà de 40 km/h et qui demande beaucoup d’implication à des vitesses inférieures, surtout sur des circuits urbains ou très vallonnés. Il nécessite une coordination gestuelle parfaite entre le rythme de pédalage et les mouvements de balancier du haut du corps pour ne pas buter dans l’effort, ainsi qu’une cadence de pédalage dynamique pour ne pas caler contre l’inflexibilité du cadre au moindre changement de pente. C’est un vélo excitant lorsque les conditions d’utilisation sont parfaites, mais un peu moins quand la fatigue s’installe ou si les watts viennent à manquer en raison d’un manque d’entrainement. Un pur vélo de pro en somme.

=> Tous nos articles Tests