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Les capteurs de puissance et la notion d’entrainement avec les watts se sont démocratisés ces dernières années, que ce soit grâce à la pratique du home-trainer connecté ou aux fabricants qui proposent à la vente des vélos déjà équipés de cette technologie. Mais tous les capteurs ne se valent pas en termes de précision et de fiabilité, et il subsiste toujours un minimum de précautions à prendre avant d’en utiliser un pour que ses données veuillent vraiment dire quelque chose. Voici ce qu’il faut savoir avant de vouloir s’entrainer avec un capteur de puissance.
Par Guillaume Judas – Photos : depositphotos.com / ©Shimano
Les capteurs de puissance ne sont plus désormais réservés aux professionnels comme il y a encore une vingtaine d’années avec les très onéreux (mais réputés pour leur fiabilité) SRM. Tous les cyclistes et triathlètes peuvent aujourd’hui s’équiper d’un capteur de puissance sur leur vélo, ou profiter de leur home-trainer connecté pour être accompagnés dans leur progression. Il existe différents types de capteurs de puissance, que l’on peut trouver aujourd’hui à partir de 300 € environ. Un home-trainer connecté qui mesure la puissance peut se trouver autour de 500 €, tout en présentant bien sûr d’autres avantages. Ce dernier type d’appareil peut suffire pour ceux qui s’entrainent en semaine sur des séances courtes et calibrées en intérieur, mais qui n’ont pas forcément besoin de mesurer leur puissance sur toutes leurs sorties à vélo, notamment sur la route le week-end.
Qu’est-ce qu’un capteur de puissance ?
Un capteur de puissance est un appareil qui mesure la puissance (exprimée en watts) délivrée par le cycliste pendant qu’il pédale. Elle est calculée en mesurant le couple appliqué lors du pédalage (la force) multiplié par la vitesse de rotation du pédalier. Des jauges de contrainte installées dans le capteur se déforment lors du pédalage et sont à la base du calcul de la puissance. Les données sont ensuite transformées en watts grâce à un algorithme et transmises par Bluetooth ou ANT+ à un compteur, à un ordinateur ou à un smartphone que l’utilisateur peut consulter pendant l’effort, ou après pour analyse en transférant son fichier sur un logiciel ou une application.
Contrairement à la fréquence cardiaque, la puissance est une valeur brute qui n’est pas affectée par des paramètres extérieurs comme l’humidité, la chaleur, ou encore la fatigue ou la digestion. Elle montre directement l’effort fourni par le cycliste. Mais elle permet aussi de distinguer son profil, en fonction de la puissance maximale soutenue selon le temps d’effort. Par exemple, un sprinter a un profil qui montre une très grande puissance sur quelques secondes, et une puissance moyenne sur plusieurs dizaines de minutes. Un grimpeur ou un rouleur ne sont pas forcément explosifs, mais se distinguent par une puissance élevée maintenue durant plusieurs dizaines de minutes. Enfin, un puncheur se classe parmi ceux qui ont la puissance la plus élevée sur quatre à cinq minutes d’effort.
Pour comparer les athlètes entre eux et leurs capacités, on n’utilise pas la puissance brute, mais le rapport watts/kilo, car plus le gabarit du cycliste est important, plus il dispose de puissance absolue, mais qui doit être utilisée pour déplacer son propre poids. Sur le plat, c’est le rapport watts/Scx (coefficient de pénétration dans l’air) qui est un peu plus important, même si c’est une notion moins utilisée.
Voici quelques exemples de puissance en W/kg en fonction du niveau :
Sur une heure :
- entre 5,7 et 6,4 W/kg : professionnel de très haut niveau
- entre 4,7 et 5,3 W/kg : amateur de très bon niveau
- entre 3,5 et 4,1 W/kg : amateur moyen
- entre 2,4 et 3,1 W/kg : cycliste occasionnel
Sur 5 minutes :
- entre 7 et 7,6 W/kg : professionnel de très haut niveau
- entre 5,6 et 6,4 W/kg : amateur de très bon niveau
- entre 4,3 et 5 W/kg : amateur moyen
- entre 3 et 3,7 W/kg : cycliste occasionnel
Sur 5 secondes :
- entre 22 et 24 W/kg : professionnel de très haut niveau
- entre 18,6 et 20,8 W/kg : amateur de très bon niveau
- entre 15 et 17 W/kg : amateur moyen
- entre 12 et 14 W/kg : cycliste occasionnel
Au-delà des capacités naturelles que la notion de puissance permet de détecter, l’utilisation d’un capteur de puissance permet surtout d’optimiser le temps passé à l’entrainement en travaillant précisément dans les zones ciblées pour optimiser la progression.
=> VOIR AUSSI : La puissance en cyclisme
Les différents types de capteurs de puissance
Il existe plusieurs types de capteurs de puissance, qui présentent chacun leurs avantages et leurs inconvénients :
- Le capteur de puissance dans le pédalier : placé dans l’axe du pédalier, ce type de capteur présente l’avantage d’être peu exposé, et fait normalement preuve d’une bonne fiabilité. En revanche, une fois installé, il peut difficilement être déplacé d’un vélo à l’autre. De plus, il ne mesure qu’une puissance globale, et ne peut distinguer la puissance des deux jambes.
- Le capteur de puissance dans la manivelle : il s’agit du système le moins onéreux quand le capteur est uniquement placé sur une des deux manivelles (généralement la gauche). Il présente l’avantage d’être facilement démontable d’un vélo à l’autre, si vous disposez du même pédalier de base sur les deux vélos. Il peut aussi être installé sur un pédalier déjà existant, en tant qu’option. Mais c’est aussi un système moins précis, car il ne mesure la puissance que sur une des deux jambes, et se contente ensuite de multiplier la valeur définie par deux. Il existe aussi des capteurs de puissance pour les deux manivelles.
- Le capteur de puissance dans l’étoile du pédalier : ce type de capteur peut se monter dans certains cas sur un pédalier déjà existant, en tant quoption. Le capteur n’est placé que du côté transmission, mais il mesure tout de même la différence de puissance des deux jambes en déduisant la déformation sur chaque demi-tour de pédalier. Là aussi, le système a pour inconvénient d’être limité à un seul vélo.
- Le capteur de puissance dans les pédales : un système simple à installer, et donc à passer d’un vélo à l’autre si besoin, même s’il est parfois nécessaire de respecter un couple de serrage précis pour assurer la régularité des données. Certaines paires de pédales ne proposent qu’une mesure d’un seul côté, mais il est possible à tout moment d’upgrader le système en achetant plus tard la deuxième pédale. Ce type de capteur propose d’autres types de fonctions, comme l’analyse de l’angle de pédalage ou l’endroit où la force est appliquée sur la plateforme de la pédale, de manière à pouvoir corriger certains déséquilibres. Mais il a pour désavantage d’être exposé en cas de chute.
- Le capteur de puissance dans le moyeu arrière : ce type de capteur est lié à une roue arrière, que l’on peut facilement passer d’un vélo à l’autre. Mais actuellement, on ne trouve quasiment plus de ce type de capteur sur le marché.
- Le home-trainer connecté : ce type d’appareil a le vent en poupe depuis le premier confinement, et l’explosion du cyclisme virtuel. Les home-trainers dits direct drive s’utilisent en enlevant la roue arrière, et en installant la chaîne directement sur un système de transmission placé sur un support, directement connecté à une application qui simule un parcours virtuel avec des changements de pente ou une résistance prédéfinie. La puissance fournie par le cycliste agit directement sur sa vitesse de déplacement virtuelle dans l’application. Les appareils les plus haut de gamme présentent une mesure de puissance très précise, et ont l’avantage d’être peu exposés et peu soumis à des variations de température qui pourraient altérer le calcul. Les appareils de milieu de gamme sont moins précis, et certains peuvent fournir une puissance optimiste ou pessimiste, qui influe directement sur les performances dans l’application utilisée. En entrée de gamme, certains home-trainers diffusent même des informations très fantaisistes, qui peuvent expliquer des performances surhumaines sur des applications de cyclisme vituel. Ce type de capteur de puissance est bien sûr limité à une utilisation sur des entrainement en intérieur, mais il peut être utilisé avec plusieurs vélos différents.
La précision d’un capteur de puissance
La précision d’un capteur de puissance s’évalue sur la puissance délivrée à un instant T, mais aussi sur la durée, avec parfois des dérives de mesure, que ce soit au cours d’une sortie, ou au fil des semaines et des mois d’utilisation. Tous les fabricants revendiquent une certaine précision de mesure, généralement de +/- 1% à +/- 2%, ce qui signifie que pour une puissance réellement fournie par le cycliste de 300 watts par exemple, la puissance délivrée par le capteur se situera dans une fourchette de 6 watts pour le plus précis (de 297 à 303 watts) à 12 watts pour le moins précis (de 294 à 306 watts). Notons cependant qu’il est quasiment impossible pour un utilisateur lambda de déterminer si chaque fabricant respecte vraiment la précision qu’il revendique.
Ce qui semble le plus important pour bénéficier d’un capteur de puissance et s’en servir comme outil de progression, c’est bien la répétabilité des mesures dans le temps.
Lorsqu’on a l’opportunité de tester plusieurs capteurs de puissance différents, on peut se rendre compte assez facilement qu’il existe des différences parfois significatives entre deux capteurs utilisés en même temps sur deux compteurs différents, par exemple une paire de pédales avec un pédalier, ou avec un home-trainer. À partir de là, il n’est pas possible de déterminer avec certitude quel capteur est précis, et lequel ne l’est pas. Une des solutions consiste à comparer deux capteurs dont l’un a la réputation d’être précis, de croiser les tests avec un autre utilisateur qui lui-même dispose d’un capteur qu’il pense lui aussi précis, mais dans tous les cas cela n’a rien de scientifique, surtout si l’on considère qu’en fonction des conditions d’utilisation (la température extérieure notamment), un capteur peut perdre de sa précision. Néanmoins, ce qui semble le plus important pour bénéficier d’un capteur de puissance et s’en servir comme outil de progression, c’est bien la répétabilité des mesures dans le temps. Qu’un capteur soit optimiste ou pessimiste n’a pas tant d’importance que ça, tant que vous utilisez toujours le même et qu’une valeur indiquée de 300 watts représente toujours la même puissance en janvier et en juillet, et quelles que soient les conditions extérieures, l’état de la batterie ou la durée d’utilisation du capteur. Si vous vous entrainez sur la route avec un certain capteur et sur home-trainer avec un appareil qui ne délivre pas les mêmes valeurs, vous risquez de passer totalement à côté de votre objectif de progression, en étant sous-entrainé ou surentrainé. Bref, il n’y a pas de solution parfaite, mais la première des choses avant d’utiliser un capteur de puissance – et la plupart des gens ne le font pas – c’est de calibrer le capteur, avant chaque sortie.
=> VOIR AUSSI : Travailler l’intensité sans séances calibrées
Pourquoi calibrer un capteur de puissance ?
Le calibrage d’un capteur de puissance est effectuée pour ajuster l’appareil de mesure pour qu’il corresponde à une référence connue et produise des résultats plus précis. Les jauges de contrainte d’un capteur sont hyper sensibles et leur fonctionnement peut être altéré par des variations de température, certains chocs, un transport, ou une longue période d’inutilisation. Le processus de calibrage consiste à déterminer le point 0, c’est-à-dire le niveau où le capteur n’est soumis à aucune contrainte. Le point de départ de toute mesure de couple. Pour des pédales ou un pédalier, il faut placer l’une ou l’autre manivelle en position basse, les pieds en dehors des pédales, et lancer la procédure sur le compteur/GPS. Cela ne prend que quelques secondes. Pour un home-trainer, le calibrage s’effectue généralement par une procédure de spindown, qui consiste à amener le home-trainer à une vitesse cible puis de le laisser décélérer.
Certains capteurs de puissance récents sont dotés d’une fonction de calibrage automatique, qui permet à l’appareil de s’ajuster automatiquement aux variations de conditions pendant la sortie. Mais une procédure de calibrage manuel permet toujours d’assurer plus de précision, et une meilleure répétabilité des mesures. Pour un capteur de puissance sur le vélo, nous conseillons d’effectuer l’opération avant chaque sortie. Pour un home-trainer, un calibrage manuel toutes les deux ou trois semaines peut suffire, surtout si l’appareil reste toujours placé au même endroit.
Le calibrage manuel ou automatique est différent de l’étalonnage de l’appareil, qui est une opération plus complexe réalisée par le fabricant, ou par les utilisateurs les plus pointus. Cela consiste en un test de charge statique. Il s’agit d’appliquer une force connue sur le capteur de puissance, et de la comparer avec la force mesurée par le capteur. La confusion entre les deux termes vient du mot anglais calibration, qui signifie étalonnage.
Comment utiliser les données de puissance ?
Quand il fonctionne bien, un capteur de puissance est un moyen précis de suivre l’intensité de l’effort en temps réel. Dès le début d’une sortie, d’une ascension, d’une course, ou de tout autre effort qui demande un certain type de gestion, vous pouvez contrôler votre rythme et éviter ainsi toute mauvaise surprise à la fin du parcours, comme une défaillance ou une contreperformance.
La mesure du seuil fonctionnel de puissance (FTP ou Functional Threshold Power) est une bonne approche pour commencer à se servir d’un capteur de puissance à l’entrainement. Le FTP, c’est la puissance moyenne que vous êtes capable de tenir sur une heure. Certains logiciels ou applications comme TrainingPeaks ou Zwift pour le home-trainer proposent des tests pour évaluer le FTP. Vous pouvez aussi le calculer en effectuant un test de 20 minutes au maximum de vos possibilités, et en calculant 93% de cette valeur, qui est considérée comme représentant le FTP. C’est à partir du FTP que sont ensuite calculées les zones d’entrainement dans lesquelles vous devez travailler pour progresser, que ce soit par ces mêmes logiciels ou par l’entraineur.
D’une manière générale, les zones d’entrainement sont déterminées comme suit, à partir du pourcentage de FTP :
- Récupération active < 55 %
- Résistance 56-75 %
- Rythme 76-90 %
- Seuil anaérobie 95-105 %
- PMA 106-120 %
- Capacité anaérobie 121-150 %
- Sprint > 150 %
Mais il existe une autre manière de fonctionner, appréciée par les entraineurs formés en France, et qui se base sur la PMA (Puissance maximale aérobie), afin de déterminer d’autres zones de travail en fonction de cette valeur. La PMA est plus difficile à évaluer que la FTP, et se mesure en laboratoire lors d’un test d’effort, ou lors d’un test de terrain en effectuant 5 minutes à fond. Vous pouvez trouver ici un lien avec les zones de travail en lien avec la mesure de la PMA, et en rapport également avec l’échelle ESIE, l’Échelle Subjective de l’Intensité de l’Effort, qui permet à chacun de se situer pendant l’exercice en fonction des sensations : https://www.ffc-bfc.fr/uploads/elfinder/SECTEUR-TECHNIQUE/conseils-techniques/ESIE1.pdf
L’utilisation d’un capteur de puissance permet de suivre précisément un plan d’entrainement en respectant les zones définies par le programme. Dans le cas d’une séance visant à améliorer la PMA par exemple, le fait de dépasser la zone pendant l’effort risque de vous mettre dans le rouge et vous pouvez vous retrouver dans l’incapacité de finir les exercices par la suite.
=> VOIR AUSSI : Travailler l’endurance, avec un capteur de puissance ou un cardio ?
Pour contourner les problèmes d’imprécisions de différents capteurs de puissance, comme évoqué plus haut si par exemple vous utilisez un capteur sur route et votre home-trainer pour les séances en intérieur, nous vous conseillons d’effectuer deux tests différents, avec chacun des appareils, et de calculer vos zones de travail par rapport au support concerné.
Les analyses des données de puissance
Il existe différents logiciels pour analyser plus ou moins en détail chaque séance d’entrainement et les données de puissance qui y sont associées. Comme par exemple Training Peaks, WKO, ou de manière plus modeste Garmin Connect ou Strava. La plupart des sportifs amateurs ont largement de quoi faire avec ces deux derniers, qui apportent l’essentiel, comme l’analyse des séquences d’exercice, la courbe de puissance selon le temps d’effort, la puissance moyenne ou normalisée (qui prend en compte la variation naturelle de la puissance pendant la séance, et qui est plus significative de l’intensité de l’effort que la puissance moyenne), ou encore l’énergie dépensée (en Kilojoules).
=> VOIR AUSSI : Les limites de l’interprétation des chiffres sur la performance
Cependant, il ne faut jamais perdre de vue qu’un capteur de puissance n’est qu’un outil parmi d’autres, et que s’il favorise la progression en vous permettant de mieux vous connaitre et de mieux calibrer vos séances d’entrainement, il ne faut surtout pas en devenir complètement accroc, au point d’oublier d’autres signaux comme la fréquence cardiaque ou tout simplement les sensations du jour. Essayez de l’utiliser à bon escient en profitant de nos conseils pour assurer son bon fonctionnement, mais conservez une certaine distance par rapport à l’analyse des données, et orientez-vous si besoin vers un entraineur qualifié pour aider à construire des plans d’entrainement cohérents qui mélangent habilement plaisir et goût du travail bien fait.
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