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Après nous avoir livré les détails de sa préparation à l’Étape du Tour 2023, Nicolas S. nous parle de la manière dont il a vécu l’épreuve.
Par Nicolas S. – Photos : Sportograf.com / DR
9 juillet 2023 – C’est enfin le jour J. Il est 5h00, le réveil sonne, je me lève d’un bond. Je n’ai qu’une envie, c’est d’être sur la ligne de départ. Comme tout le monde j’ai un peu la trouille mais j’ai envie d’aller affronter cette trouille. Je suis content d’aller au charbon contrairement à l’année dernière où j’avais le sentiment d’y aller à reculons.
6h15 – Nous partons en direction des SAS de départ, nous résidons à 2 km de la ligne, c’est un avantage et une chance incroyable.
6h30 – Je dois quitter Fabien et Rémi qui sont en SAS 0 où ils retrouveront Arnaud et Antoine un copain venu du Nord que l’on surnomme Jay en raison de sa ressemblance flagrante avec Jay Vine.
6h35 – Je suis dans mon SAS, le 1, et je commence à patienter. Mon niveau de détente m’épate, je crois que j’ai passé un cap dans la tête. Je discute avec Alex un jeune Australien qui est à côté de moi. Il a été pro en équipe Conti. Il vise aux alentours de 5h sur l’épreuve et prévoit de cibler 300w dans les montées. Nous ne vivons pas dans le même monde.
7h00 – Le SAS 0 vient de partir, on nous demande de nous approcher de la ligne de départ.
7h07’30 » – Thunderstruck d’AC/DC est diffusé à fond sur la sono, nous partons et pour ne rien changer ça part à bloc. Je remonte de nombreux groupes en faisant attention, les départs sont toujours très stressants. Je suis dans un paquet, il y a tellement de monde que je ne sais pas du tout où je me situe entre la tête et la queue de peloton. Ça roule fort, je décide de rester où je suis et de me faire emmener jusqu’au pied de Saxel.
7h30 – Nous attaquons le pied de Saxel. J’ai décidé d’être très prudent sur les effort consentis, il est hors de question pour moi de finir complètement à l’arrachée. Le col de Joux plane et ses terribles pentes me font trop peur. Tout le monde grimpe à bloc et moi je laisse filer pour me caler en Z3 vers 240w. Je ne souffre absolument pas et tout le monde me double. J’ai décidé d’une stratégie et je m’y tiens. Je gère mes forces en bon père de famille.
Il est quasiment 8h00 et j’attaque la première descente. Toujours un moment de stress, car les groupes ne sont pas encore formés et certains sont prêts à vous rouler dessus pour reprendre quelques places. Ça ne manquera pas, je louperai la chute d’un rien à cause d’un gars qui me doublera par la droite dans un trou de souris. Le temps de reprendre mes esprits, de me reconcentrer et surtout de mettre en action la stratégie nutrition à 80 g de glucides par heure, la journée s’annonce longue, la journée s’annonce chaude mais la journée s’annonce plaisante.
8h15 – Les premières rampes du Col du Cou sont devant moi. Je reste fixé à mon plan de départ je ne sors pas de ma Z3 que je surveille grâce au capteur de puissance. Je continue de me faire doubler, il en sera de même pendant presque 3h de course. Ce qui m’aurait fait sortir de ma course l’année passée, me fait sourire cette année et me conforte dans l’idée que je suis dans le vrai. La plupart de ces mecs qui partent à fond, seront à pied dans la Ramaz. Le col du feu sera avalé au même rythme que les premières ascensions. Je commence à sentir les premières douleurs musculaires mais ça n’a aucun impact sur le mental. Je continue à boire, à manger et à absorber des pastilles de sels car j’ai une faculté impressionnante à perdre des sels minéraux.
10h00 – Je vais commettre une petite erreur de jugement. Nous abordons le Col de Jambaz qui n’est pas répertorié sur le profil, disons que c’est un col qui ne compte pas. Je vais laisser partir un groupe, toujours dans la peur de me mettre dans le rouge et de la payer plus tard. Il faudra un jour que je me force à faire certains efforts à des moments clefs de l’épreuve pour laisser filer le moins de temps possible. Je prends soin de m’arrêter à quasi tous les ravitaillements, juste pour remplir mes bidons. Je n’excède pas 2 à 3’ minutes maximum par arrêt. Juste le temps de vider les poches, de réorganiser la nourriture, de mettre la poudre dans les bidons, de prendre une pastille de sel, de faire un sourire aux bénévoles et de les remercier pour ce qu’ils font. Quand vous êtes dans la première partie de la course, les ravitaillements sont une formalité.
10h40 – Je laisse Mieussy derrière moi, j’ai rendez-vous avec le premier gros morceau de la journée alors que j’ai déjà plus de 90 bornes dans les pattes et 2000 m de dénivelé cumulé. Je m’attaque au Col de la Ramaz qui est un client très sérieux avec ses 14 km de montée à plus de 7%. J’ai fait le choix de partir prudemment et je me tiens à ma zone cible de puissance. Il est évident que les watts baissent un peu par rapport aux premières montées, mais ça reste raisonnable et surtout je reste en Z3 sans trop souffrir. Je commence à voir de nombreux mecs arrêtés sur le bord de la route, à pied, allongés voire carrément en train de se vider en raison de la chaleur et surement du rythme trop soutenu des premières heures. C’est à mon tour de doubler du monde et je reprends des gars par paquet de 30. Le col de la Ramaz se grimpe très bien jusqu’à un passage très difficile que nous appellerons tous « le passage des tunnels » qui mène à la station de Sommand. Je sens que les jambes se font plus raides et il est temps que la montée se termine. La sortie des tunnels permettra d’apprécier les quelques kilomètres menant au sommet et il faut l’avouer, les paysages tout au long du parcours sont littéralement à couper le souffle. J’en finis avec La Ramaz, je fais un arrêt ravito et je me lance dans la descente en direction de l’épouvantail du parcours. Le Col de Joux Plane. Je fais toujours bien attention dans les descentes, je ne voudrais pas me mettre au tas par excès de confiance. Dans la descente j’aperçois un panneau qui indique Morzine par les Gets. Ils seront nombreux à emprunter ce raccourci pour éviter le Col de Joux Plane, les pauvres ne savent pas que la remontée par les Gets est loin d’être évidente. Je me mets bien à l’abri au sein d’un groupe pour rejoindre Samoens et traverser la seule vallée de tout le parcours. Guillaume, mon coach, m’avait prédit une arrivée au pied de Joux Plane en 6h00 environ, j’y suis en un peu plus de 5h15. Intérieurement je jubile.
12h30 – Je dois maintenant accepter d’affronter ce col qui me fait terriblement peur depuis de nombreuses semaines. J’ai questionné toutes les personnes qui le connaissent pour me rassurer mais rien de ce qu’elles me disent n’a l’effet escompté. Je tente de minimiser la chose en me disant que ça ne peut pas être plus compliqué que la partie « St Estève – Chalet Reynard » du Mont Ventoux qui est déjà un sacré morceau et pourtant si, je peux vous avouer que Joux Plane est plus exigeant. J’arrive dans les premiers mètres du col et je ne peux me sortir cette phrase de Sébastien : « Tu vas voir, Joux Plane ce sont des rampes de sortie de garage pendant plus de 10 bornes ». Je vous jure, j’ai la trouille. Je minimise la chose en déconnant avec les spectateurs. J’engueule en rigolant une jeune femme au bord de la route qui vide son bidon d’eau fraiche sur le mec devant moi, je peste de ne pas en avoir juste quelques gouttes, on se marre. Vous lirez souvent que le prix de l’inscription pour l’Etape du Tour n’est pas justifié, je ne rentrerai pas dans ce débat chacun place le curseur de la valeur à l’endroit qu’il souhaite. Néanmoins, venez vivre et ressentir une fois dans votre vie l’ambiance qui règne au bord de la route grâce aux milliers de personnes présents tout au long du parcours. Vous ne ressentirez plus le montant de l’inscription de la même manière.
Les rampes sont impressionnantes, les températures sont très élevées mais je souffre beaucoup moins que l’année passée dans l’Alpe d’Huez. Tout le monde est au même rythme, tout du moins ceux qui sont encore sur leur vélo. Certains prennent de plein fouet leur manque de gestion. J’espérais doubler du monde comme dans la Ramaz, mais je m’accroche aux quelques forces qui me restent. Je ne sombre pas, les watts ont encore baissé légèrement mais je maintiens ma zone cible. Il n’y a pas une seule partie ombragée et pire il n’y a pas un seul replat. Ce col est une vacherie de la pire espèce. Je m’alimente, je bois et je mets en place ma dernière cartouche mentale. Je me fixe sur les panneaux kilométriques et prends rendez-vous avec moi-même au prochain panneau qui affichera un kilomètre de moins pour atteindre le sommet. Dans ces moments-là, on se raccroche à ce qu’on peut. J’observe, en regardant en amont, les cyclistes qui montent dans un sens opposé au mien après avoir passé le virage qui m’attend. L’écart d’altitude entre eux et moi est impressionnant et je me demande bien comment on peut passer si haut en un seul virage, la réponse est simple : la pente est sévère. Ce col n’en finit pas. J’avais retenu que les choses se corsaient à partir d’un passage appelé « La Combe Emeru », je trouve ça déjà tellement difficile que j’ai du mal à me rendre compte de comment ça peut l’être encore plus.
Les kilomètres défilent tant bien que mal, mes bidons se vident et mes jambes tiennent à peu près le coup. J’avoue une certaine lassitude mais je trouve l’effort de mobilisation au niveau mental beaucoup plus simple à tenir comparé à l’année passée et aux cols de 25 ou 29 km qui nous étaient proposés. Je vois les paravalanches qui indiquent un sommet proche, je vois un panneau sommet 2 km, les pourcentages sont toujours proches de 10% il est temps que ça cesse. Le dernier kilomètre apparait, il est indiqué à 2%. Nous en rigolerons tous après coup car il est plutôt aux alentours de 7% minimum. Je jette mes dernières forces, je suis enfin au sommet.
13h30 – Je viens de terminer l’étape du tour en 6h24. L’organisation a décidé de neutraliser la dernière descente pour limiter les risques d’accidents. Je ne suis pas là pour prendre des photos, je demande aux mecs de se pousser et je me lance vers Morzine. La descente est assez ardue et pentue. Je manque de perdre le contrôle de ma roue avant à cause d’un caillou, je suis encore lucide je rattrape le coup sans trop de difficulté. Je laisse filer sans prendre de risques inconsidérés et Morzine se présente à moi avec ses virages tortueux. Je passe la ligne, j’en ai fini. J’ai géré ma sortie comme un comptable et me voilà au bout en ayant pris un plaisir énorme. Je retrouve les copains qui sont déjà tous ensemble et m’attendent. Je trouve ça cool que tous ces gars qui ne se connaissaient pas, soient là à m’attendre. Rémi et Antoine finissent roue dans roue comme d’habitude aux alentours de la 330e place. Arnaud termine à une magnifique 251e place mais est un peu contrarié à cause d’une chute de son frère intervenue dans la Ramaz, il arrivera malgré tout à rejoindre l’arrivée. Fabien bouclera l’épreuve à la 65e place. Je vous l’ai dit Fabien n’est pas comme vous et moi, enfin surtout pas comme moi. En ce qui me concerne, je visais Top 1000 minimum et j’espérais approcher le Top 750. Je finis à la même place que l’année dernière entre 1150 et 1200. Donc un tout petit peu de déception sur le résultat brut mais le plaisir est tellement supérieur à l’année passée que ça me convient amplement.
16h13 – Nous avons avalé nos pâtes et nos bières et nous repartons en direction de la maison. Après quelques échanges, nous tentons le retour au plus court par Les Gets. Dans la descente nous apercevons les pompiers autours d’un cycliste allongé au sol qui semble assez salement amoché. A posteriori il ne fait pas de doutes qu’il s’agissait de Justine Dupenloup, jeune cycliste plutôt active sur Insta, qui a été percutée par un mec qui la doublait sur la droite. Nous nous retrouvons de nouveau sur le parcours de l’épreuve au milieu des dossards 16 000. C’est une autre vision de l’Etape du tour, pas moins noble, juste plus calme. Je rêve de la faire un jour comme eux sans contrainte du chrono. Nous nous ajoutons 50 bornes aux 157 déjà réalisés dans la journée, il est temps que ça se termine, tout le monde en a marre. Le soir nous retrouvons des Matt et Olivier, des copains de Rémi, pour partager un Burger, des frites et de la Bière.
10 juillet – Il est aux alentours de 9h30. Nous venons de quitter notre appartement d’Annemasse et nous avons tous de la route pour rentrer à la maison. Une dernière bise et on se quitte. Fabien me raconte sa course, moi j’ai le sourire aux lèvres et des souvenirs plein la tête. Je suis pressé d’être à l’année prochaine.
Nous sommes en octobre 2023, ASO présente le parcours du tour 2024 qui s’élancera de Florence en Italie. Pour moi, il ne fait aucun doute que l’Etape du Tour se déroulera du côté Nice, pour compenser l’édition 2020 qui a été reportée puis annulée. Si cela se confirme, il sera peut-être temps pour moi de me poser la question de relever mon vrai défi cycliste : La Marmotte.
Mais ça, ce sera pour une prochaine histoire, mais sans aucun doute ce sera encore une histoire de copains.
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merci pour ton récit et bravo pour lac perf
pour la Marmotte tu auras un très bon conseiller …………;
merci pour ton récit et bravo pour lac perf
pour la Marmotte tu auras un très bon conseiller …………;