« Ma préparation à l’Étape du Tour 2023 »

Nicolas S. est un cyclosportif d’une quarantaine d’années comme il y en a tant d’autres. Il a participé pour la deuxième fois consécutive à l’Étape du Tour, cette fois-ci entre Annemasse et Morzine. Il nous raconte comment il a préparé l’épreuve. Avant de revenir dans une deuxième partie sur la course.

Par Nicolas S. – Photos : DR

Lundi 11 Juillet 2022 – Je pars de Briançon en direction de la Région parisienne après avoir participé la veille à l’Etape du Tour qui se terminait au sommet de l’Alpe d’Huez. Je suis détruit physiquement, je suis exténué mentalement, je suis passé dans le rouleau compresseur d’une grosse cyclo de montagne sur laquelle je suis arrivé en étant déjà sur la pente descendante au niveau de l’état forme et surtout dans un état de stress beaucoup trop important pour aborder l’événement sereinement. Nous sommes en fin de matinée, il fait un soleil magnifique et je prends le temps de m’arrêter au sommet du Lautaret pour prendre une deux photos et surtout jeter un dernier coup d’œil vers la route qui mène au sommet du Galibier. Les spectateurs qui nous encourageaient la veille ont soit disparu ou sont dans leur camping-car pour attendre le passage du Tour, le vrai.

La route est longue pour rentrer et j’ai le temps de ressasser tout ça. Je crois que je n’aurai plus jamais envie de m’infliger ce type de souffrance, tout du moins je n’en vois pas l’intérêt. Je ne vois pas l’intérêt de passer des heures à rouler l’hiver dans le froid et sous la pluie, de passer des heures à faire des séances d’home-trainer dans la cave pour, finalement, passer une journée de galère. Je ne vois pas l’intérêt de se mettre à stresser les jours qui précédent et de s’empêcher de dormir pour une sortie de vélo qui doit globalement et normalement rester une partie de plaisir.

Sur la route du retour je me dis que je vais quand même pouvoir compter sur un rebond de mon état de forme à la sortie de l’Etape pour améliorer mes PR sur mes parcours du Massif des Maures et par la même occasion, pourquoi pas, sur le Ventoux. Il n’en sera rien. Je suis tellement laminé que je roulerai tout l’été sans aucun plaisir, sans aucune force, je ne me risquerai même pas à aller affronter le Géant de Provence. Pour la première fois de ma vie, je n’ai plus envie de voir mon vélo.

Vendredi 28 Octobre 2022 – Le temps a fait son œuvre et j’ai eu le temps de digérer, dans la tête et dans les jambes, les 4700m de dénivelé positif qui séparent l’Alpe d’Huez de Briançon. J’ai surtout eu le temps de faire le bilan et d’accepter que tout n’était pas si négatif dans cette journée. Tout d’abord le classement est loin d’être ridicule pour une première expérience sur ce type de challenge, celui-ci me laisse augurer une place dans le SAS 1 si jamais me venait l’idée de replonger, ce qui sera bien entendu le cas. Ensuite, ma préparation bien que consciencieuse a été très loin d’être parfaite. Démarrée trop tôt, trop intense, sans planification sérieuse, sans période de repos, sans mesurer les éventuelles progressions ou régressions, j’ai à peu près tout fait et fait tout à peu près n’importe comment. Je me suis cramé à petit feu sans le voir, ou plutôt en le voyant mais en ne voulant pas me rendre à l’évidence. J’y vois là une marge de progression importante si jamais me venait l’idée de replonger, ce qui sera bien entendu le cas.

Le temps a passé et je dois bien avouer que cette première Etape du Tour a été une expérience qui m’a marqué au fer rouge car j’ai à peu près tout aimé finalement dans cette expérience et après être passé par le dégout pur et simple du vélo je ne retiens que le positif de cette journée qui m’a poussé au-delà de ce que je pensais pouvoir donner. Je pense avoir regardé tous les debriefs, lu tous les comptes rendus, regardé toutes les vidéos Youtube sur le sujet, je crois que dans la tête je suis mûr pour replonger, ce qui sera bien entendu le cas. La grande messe de présentation du Tour de France 2023 se déroule comme à son habitude au Palais des Congrès de Paris et par la même occasion est annoncé le parcours de la cyclosportive la plus convoitée de France. Avec Rémi, nous avons déjà toutes les informations depuis la veille et avons déjà pris le soin de préréserver un AirBnb histoire de ne pas nous retrouver à la rue.

Ce sera donc depuis Annemasse que nous nous élancerons pour parcourir 157 km et gravir 4100 m environ de dénivelé positif, les cols sont moins réputés que les géants de l’année précédente mais il ne faudra pas prendre à la légère la Ramaz et surtout Joux Plane qui sont deux sacrés morceaux qui en font fait souffrir plus d’un. Les créneaux de réservation sont ouverts via la prévente et bien entendu, il est hors de question que nous n’en soyons pas. Nous nous délestons des frais d’inscriptions que beaucoup trouvent exorbitants. La liberté d’un parcours intégral sur des routes fermées n’a, à mon sens, pas de prix. Nous recevons nos confirmations d’inscription, c’est désormais officiel, nous repartons pour un Tour.

Une longue préparation méthodique

Dimanche 19 mars 2023 – Il est aux alentours de 7h15. Le temps est très gris et plutôt menaçant comme à son accoutumé sur la Région parisienne. Il ne fait pas assez mauvais pour que j’aille faire de l’home-trainer et surtout le dimanche est vraiment dédié à la sortie longue de la semaine. À ce titre, il faut que les conditions météos soient vraiment exécrables pour que je me décide à ne pas mettre le nez dehors. Je parcours la centaine de mètres qui me sépare de la maison de mon compagnon de route, Fabien. Je ne vous ai jamais parlé de Fabien, un rapide retour en arrière visant à situer le personnage s’impose.

Aux alentours de la mi-juillet 2017, Fabien fête ses 40 ans avec ses potes. On s’attend à recevoir pas mal de choses pour ses 40 berges et pourtant Fabien va recevoir le plus insolite des cadeaux pour fêter ce passage de dizaine : un dossard pour l’EmbrunMan qui se déroule ni plus ni moins que 30 jours plus tard à compter de cette fameuse soirée que l’on imagine bien arrosée. Fabien n’est pas du genre à reculer et surtout pas devant l’effort physique. Fabien n’est pas comme vous et moi, enfin surtout pas moi, tant qu’à y aller, autant y aller à fond. Se lance donc une préparation un peu tronquée qui vise à l’amener au meilleur de sa forme pour affronter les 3,8 km de natation, les 188 km de vélo qui passent par l’Izoard et enfin le marathon. Le 15 août 2017, Fabien prend le départ de l’EmbrunMan au milieu d’un gros millier de participants. Au bout d’11h18mins et 33 secondes d’effort, il se classera 27éme de l’épreuve à seulement une grosse heure et demie du vainqueur du jour avec seulement un gros mois de préparation dans les jambes. Je vous l’ai dit, Fabien n’est pas comme vous et moi, enfin surtout pas comme moi.

Nous revenons donc au dimanche 19 Mars 2023 et je pars chercher Fabien, qui depuis son Embrunman est devenu un ami, avec qui je roule régulièrement, surtout l’hiver. Ce matin-là, le temps est menaçant et je trouve que le collègue est assez peu couvert. Peu importe nous partons. Au bout de 10 km, ce qui était prévu arriva, le déluge nous a pris et ne nous a pas lâchés pendant les 4h38 et les 133 km de la sortie. Fabien qui ne recule devant rien et surtout pas devant l’effort physique a bien failli mettre la flèche très rapidement en direction de la maison. Il a pesté et gueulé assez longtemps, je ne l’avais jamais vu comme ça, mais il est resté. Fabien n’a pas de dossard pour l’Étape du Tour, bien malgré lui, mais peu importe il roule : sait-on jamais.

Nous sommes à la mi-mars et l’entrainement a repris très sérieusement depuis de nombreuses semaines. Pour donner un peu de sens et de contenu à tous ces efforts consentis sur le vélo, j’écoute et je lis à peu près tout ce qui se fait de sérieux sur l’entrainement et je sens que deux tendances de fond émergent furieusement depuis la fin de l’année 2022 : le temps passé en Z2 doit représenter 80% du volume d’entrainement global et la quantité de glucides absorbée lors des entrainements et des épreuves doivent être savamment mesurée. J’incite donc Fabien à rouler tout l’hiver à Z2 quel que soit le relief, quel que soit le sens du vent et même dans les descentes. Nous nous rendons compte que tenir ce type d’allure, qui peut paraître faible au préalable, s’avère être un véritable exercice physique loin d’être anodin qui nous fera prendre de la caisse. Concernant les glucides, je lis ci et là qu’il faut habituer son corps et ses entrailles à absorber entre 80 et 100 g de glucides par heure sous formes solides, liquides ou les deux pour s’assurer de tenir dans le temps. Nous nous mettons donc à décortiquer les étiquettes de tous les produits pour trouver les boissons, barres, gels et même gommes qui nous apporteront le plus de glucides possibles tout en prenant le moins de place dans nos poches. Je me mets petit à petit à respecter un protocole qui m’amène à boire quasi toutes les 10’ et manger toutes les 20’ afin de respecter la quantité visée. Je n’avais jamais vraiment poussé la réflexion jusque-là, mais bon jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour atteindre nos objectifs ?

1 Avril 2023 – Je m’apprête à prendre la décision la plus importante de l’année du point de vue vélo. Je sens que je suis en train de reproduire les mêmes erreurs que l’année passée niveau préparation. Je fais tout en dépit du bon sens et je me dirige tout droit vers un mur nommé Col de Joux Plane. Nous sommes à trois mois de l’épreuve, ça ne laisse pas beaucoup de temps mais assez tout de même pour redresser un peu la barre. Je me décide à faire appel à une aide extérieure pour me coacher et me guider au mieux pour passer les cols de l’été. Je contacte quelques personnes et je finis par appeler la seule d’entre elle qui connait parfaitement la région où je roule et surtout qui connait mes contraintes professionnelles et personnelles : Guillaume Judas de www.3bikes.fr. Après un échange téléphonique visant à accorder nos violons, il accepte de me coacher et de me bousculer dans mes habitudes bien établies de cyclo dominical. Une grosse partie des séances se passera sur Zwift et ses map bien connues de tous depuis le confinement, je n’y ai jamais trop mis mes roues virtuelles y préférant l’appli sans âme Trainer Road. À partir de ce jour, je lui fais une confiance aveugle et tente de respecter à la lettre l’ensemble des séances et programmes hebdomadaires qui me sont communiqués chaque dimanche soir.

14 Mai 2023 – Mon « Gars Sûr » Rémi me parle depuis plusieurs jours voire semaines d’une rando qui se déroule vers chez lui et qui lui permettra d’accumuler encore plus de dénivelé que d’habitude. Rémi a la chance de résider dans les Bouches du Rhône où le temps est très clément et où chaque sortie l’emmène vers des dénivelés de 1500 à 2000 m sans même y réfléchir. Ce dimanche Rémi s’engage sur le grand parcours de la Six Saintes – Massif de la Sainte Baume, en partant de chez lui, ce qui lui permettra de couvrir 200 km et peu plus de 3500 m de dénivelé pour un temps de roulage d’environ 7h30. Autant dire la préparation parfaite. Du haut de ma vallée de Chevreuse je suis jaloux de ce genre de parcours que je ne peux pas affronter ni inclure dans mon programme. À peine se sortie téléchargée sur Strava, je fonce analyser ses temps de montée et watts dans chacune des montées. Il a été solide et hyper régulier. Il sera prêt pour le 09 Juillet prochain c’est une certitude mais je n’en doutais pas.

21 Mai 2023 – Le temps est sec et doux sur les Vosges. Arnaud est depuis quelques jours dans le coin et enchaine les cols, lui aussi en préparation de l’étape du Tour. Ce sera sa première participation. Ce dimanche il met en route depuis le Plancher-les-Mines et va d’abord chercher le Ballon de Servance en passant par le Col de Croix. Il va ensuite redescendre en direction de la Planche des Belles Filles. Ce jour-là Arnaud va développer 300 w pendant 23’30 soit, pour lui, quasiment 5w/kg. Chacun se prépare avec sérieux et a besoin de points de repères pour affronter une épreuve aussi brutale qu’une Etape du Tour. Le jour où Arnaud réalise cette prestation, que peu de cyclistes sont capables de réaliser, je ne le connais pas encore. Nos routes se croiseront dans quelques jours. Pendant ce temps Fabien réussit par ses contacts et connaissances à s’inscrire lui aussi à l’Etape du tour, c’est plutôt miraculeux.

4 Juin 2023 – Mon programme est assez simple ce matin-là. Je dois faire 4 h tranquille en Vallée et mettre tout ce que j’ai dans les deux dernières bosses du parcours. Je pars avec Xavier (celui qui avait offert le dossard de l’EmbrunMan à Fabien) qui m’accompagnera pour tester un genou douloureux, le rythme que je prévois d’imposer pendant la sortie lui convient très bien. Il fait très doux depuis quelques semaines même par chez nous, les jambes tournent plutôt très bien et les dernières bosses du parcours arrivent finalement assez vite. Je préviens Xavier de mes exercices à venir. « Pas de problème Nico, fais ce que tu as à faire, on se retrouve en haut ». J’ai décidé de porter mes efforts dans les Côtes de Saint Rémy les Chevreuse et Châteaufort, longues mais pas trop, pentues mais juste ce qu’il faut, ça devrait bien se passer. Au pied de Saint Rémy, je mets en route sérieusement et je vise à maintenir l’effort jusqu’au sommet. Voilà typiquement le genre d’efforts que je ne m’imposais jamais et qui vraiment, décoincent bien le moteur. Cette bosse au rythme où je suis capable de l’avaler c’est environ 4’ d’effort, ce qui est largement suffisant, croyez-moi. Je suis un peu gêné par le trafic mais j’arriver à remettre en route sans trop de difficulté, je m’efforce de ne pas regarder les watts mais je sens que l’effort est constant et surtout ne faibli pas trop, voire pas du tout. En cours de montée je repère deux gars sapés pour l’un en Rapha pour l’autre en MAAP, ce genre de chose même en plein effort, ça se remarque. Forcément, je les double et je tente de leur lâcher un p’tit « salut » malgré mon souffle cout. Xavier me rejoint, me demande comment s’est passé ce premier test. Pas le temps de dormir, ça commence à sentir l’écurie mais il nous reste quand même quelques km. Châteaufort, la dernière côte des parcours du dimanche d’un très grand nombre de cyclistes des Yvelines se dresse devant nous. Rebelotte, je mets en route au pied, je suis un peu gêné par la circulation, je double les deux mecs super sapés, j’arrive au sommet sans trop m’effondrer et j’attends Xavier qui me demande comment s’est passé ma montée. J’ai l’impression d’être Bill Murray dans un jour sans fin. Nous regagnons Versailles. Xavier décide de rentrer directement, il en a assez demandé à son genou qu’il l’a plutôt laissé tranquille. Moi j’ai envie de prolonger le plaisir et décide de rentrer par la Côte de l’Homme mort. J’attaque le pied de la bosse tempo et me fait rattraper par l’un des deux mecs super sapés qui se colle directement à côté de moi « Salut », « Salut », puis me passe rapidement devant. Le rythme accélère sérieusement puis vraiment sérieusement. Je regarde les watts et je vois que je suis dans les 350/360w dans la roue juste pour suivre. À ce rythme-là mon espérance de vie est loin d’être éternelle mais mon gazier avec son maillot MAAP a l’air quant à lui tout à fait à l’aise. Il me décroche sans même s’en sans rendre compte, la décence m’oblige à ne pas utiliser l’excuse des deux bosses montées à PMA un peu plus tôt dans la sortie. À peine rentré, à peine la sortie déchargée sur Strava, je me mets en quête de qui peut bien être ce gars qui m’a déposé aussi facilement alors que je me sentais plutôt bien. Je viens pour la première fois de rouler avec Arnaud, l’homme aux 5w/kg dans La Planche des Belles Filles. Arnaud roulait ce jour-là avec Stan, son frangin.

La Volcanique comme tremplin

17 juin 2023 – Nous partons de Saint Victor avec Fabien. Il est très tôt et il fait très beau en Ardèche. Un soir de novembre 2022, alors que nous partagions quelques verres et que nous avions durement obtenu l’accord de nos épouses respectives, nous avons décidé d’aller poser les roues sur la Volcanique, le parcours de 180 km et 3000 m de D+ de l’Ardéchoise. À titre, personnel je suis hyper content de m’y rendre car c’est aussi un passage obligé pour Rémi qui y performe chaque année. Nous avons réussi à obtenir des dossards prioritaires qui nous permettent de partir dans les premières positions. Rémi m’a briefé sur tous les points importants et les passages à ne pas louper, Fabien m’a fait répéter une dizaine de fois la longueur des bosses et leur pourcentage moyen. Fidèle à mon habitude, je suis monté en pression doucement mais surement depuis la veille au soir, un peu comme si j’allais jouer ma vie sur cette épreuve. Fabien lui, en bon compétiteur, est détendu au possible. Il se faufilera dans le sas jusqu’au premier rang, je resterai un peu plus à l’arrière pour attendre Rémi qui nous rejoindra plus tard. Le start est lancé et comme prévu ça part pleine balle dans la première descente. Je fais les efforts nécessaires pour regagner le premier groupe mais je trouve le rythme trop élevé. Trop sage, trop prudent, pas assez sûr de moi, je relâche dès le col du Buisson pour attendre un groupe qui arrive derrière. Celui-ci me convient parfaitement et m’emmènera assez loin à un rythme dont je n’aurais même pas osé rêver, tout se passe bien ou presque. Depuis les premiers tours de roue, un craquement se fait de plus en plus présent à chaque coup de pédale et les regards insistants des mecs qui passent à côté de moi me font bien sentir que ce n’est pas permis d’avoir un bruit de la sorte sur un vélo comme le mien. J’essaie de m’en détacher. Nous arrivons dans une longue montée et une phrase échangée avec un mec du groupe va avoir des répercussions plutôt inattendues sur ma progression. Nous discutons tranquillement, je commence à sentir gentiment les efforts des premières heures de selles et il me dit « attends là ça va, mais dans deux km ça va devenir difficile et c’est là que la sélection se fait ». Les deux km en question ont suffi à me faire douter de ma capacité à suivre le groupe et j’ai vu par la même occasion mes watts dégringoler de quasiment 30 unités en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Le groupe est parti et moi je suis resté planté avec mon vélo qui craque. De nombreux mecs me sont passés devant, sans que je ne sois capable de prendre les roues. On m’avait prévenu qu’il valait mieux ne pas se retrouver tout seul dans le vent sur le plateau du Mont Gerbier de Jonc, mais moi par sens du défi, j’ai préféré vivre cette expérience en solo. Je visais un Top 50 et je me retrouve largué dans la pampa en train de dégoupiller totalement à cause de mes jambes et d’un bruit sur mon vélo. Toutes les idées me passent par la tête et la plus sérieuse d’entre elle est de rejoindre l’arrivée comme je peux et d’annoncer à mes potes que je renonce à l’Étape du Tour. Je péte comme une merde au bout de 1500 m de D+ dans des cols à 6/7%, il n’est donc pas question que j’aille affronter Joux Plane. Je n’en ai tellement plus rien à foutre de ma course que je m’arrête un quart d’heure au stand Mavic pour faire graisser et resserrer tout ce qui se visse sur mon spade. Je repars tant bien que mal, sans aucune idée de mon placement dans la course à cet instant mais je sens que le reste de la journée va être long, je suis à peine à mi-parcours. Je repars et comme on dit dans le jargon « je me refais la cerise ». Il reste trois cols à monter et je retrouve un semblant de jambes dans Clavière, puis j’enchaine Rochepaule puis Lalouvesc, toujours au rythme. Ce n’est pas très élevé mais j’ai retrouvé du mordant, je double du monde et je vois des mecs s’accrocher dans la roue. Alors pourquoi pas. Je tombe sur François et Emmanuel que je suis sur Strava, on échange deux trois mots, chacun monte à son train et arrive la dernière descente. Le genre de celle où il faut appuyer sur les pédales pour avancer. Je me mets devant, j’appuie, je ne demande rien à personne, j’irai jusqu’à la ligne comme ça. Une fois arrivé, plusieurs mecs me remercieront pour le travail accompli, le moral est revenu.

Rémi m’attend derrière la ligne, il a battu son meilleur temps de 10’ et pourtant il n’améliore pas son classement. Fabien, lui, est torse nu sur la pelouse où se déroule la pasta party, il a fait 10éme. Je vous l’ai dit Fabien n’est pas comme vous et moi, enfin surtout pas comme moi. Nous débriefons avec Rémi, il me fait comprendre que j’ai été bien con de m’arrêter chez Mavic il a raison. Il a raison car je finis 64e de la course et l’arrêt d’un quart d’heure me coute le top 50. J’étais dans mon objectif sans m’en rendre compte. Les idées et pensées pourtant sincères de ne pas aller à l’étape sont désormais bien loin. L’Ardéchoise m’a mis à la fois au fond du trou mais m’a aussi mis sur les rails en prévision de début juillet. Un dernier échange avec Rémi va finir de me libérer totalement pour l’étape, lors du debrief il me dira le plus sincèrement du monde « Nico, arrête de te comparer tout le temps ». Quand on ne roule qu’avec des mecs qui ont tous 30 à 50w de plus que vous, on ne peut être qu’en dessous. Je crois qu’il n’a pas conscience de l’impact qu’ont eu ces quelques mots. Nous rentrons sur Paris. Fabien me dit avec le naturel franc qui le caractérise « Nico, tu crois que je peux demander un dossard prio pour l’Étape ? ». J’explose de rire, je lui recommande de faire un email immédiatement à son contact pour formuler sa demande au regard de sa place à l’Ardéchoise.

2 juillet 2023. Je dois faire 5h en endurance et j’ai proposé à Arnaud et Stan de venir rouler afin de faire plus ample connaissance. Arnaud revient des Pyrénées où il s’est envoyé des sorties à plus de 4100 m de D+ en tenant des watts plutôt impressionnants dans les derniers cols, compte tenu de son poids. Au cours de la sortie il me relate ses quelques performances références sur des montées sèches et ça tourne souvent aux alentours des 300w sur environ 45’. Je lui dis sans trembler qu’avec des perfs pareilles il peut et doit viser un top 100. Plus nous échangeons et plus je sens qu’il doute de lui, qu’il se pose plein de questions sur le rythme du départ, sur les watts à mettre dans les cols, sur le comportement à suivre ou pas pendant la course. Il est fort, très fort et il doute. L’Étape du Tour ne laisse jamais personne indifférent. Je n’ai pas beaucoup de recul sur l’épreuve et les cyclos en général, je n’ai pas non plus une totale légitimité pour lui dire ce qu’il doit faire ou pas. Je décide de l’intégrer à notre petit groupe qui se retrouvera à Annemasse dans une grosse semaine. Rémi et Fabien trouveront les mots, j’en suis sûr, pour le libérer un peu de toute ces interrogations.

7 juillet – Il est aux alentours de 12h00. Rémi, Fabien et Arnaud qui ne se connaissent pas vont se rencontrer pour la première fois et rouler ensemble. Nous avons prévu d’aller reconnaitre les deux premiers cols de l’Étape. Chose inattendue, cette sortie de 70 bornes, va perturber Fabien qui n’est pas habitué à faire « tant » d’efforts à deux jours d’une compétition. Ça casse ses habitudes et je sens bien qu’il fait la sortie contre sa volonté. Mais il est comme ça, il sait passer au-dessus de ce genre de chose. Les premiers kilomètres sont beaucoup plus exigeants que ce que nous avions imaginé à tel point que je crois avoir fini le Col de Saxel alors que nous ne l’avons même pas encore entamé. La descente vers le Col de Cou est magnifique et la montée qui suit l’est tout autant. Ce col est assez représentatif de ce qui nous attend, nous le montons très tranquillement mais je vais profiter de cette reconnaissance pour prendre des repères précieux pour dimanche. Tout le monde est impressionné par le coup de pédale d’Arnaud et chacun y va de ses précieux conseils pour le mettre dans de bonnes dispositions en prévision de dimanche.

=> À SUIVRE : Mon Étape du Tour 2023

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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