Test du nouveau Cervélo S5

Le Cervélo S5 intrigue par son esthétisme hors norme, avec ses larges tubes profilés, son poste de pilotage avec une potence en forme de V et son tube de selle qui épouse la roue arrière. Il séduit (beaucoup) ou il rebute (parfois), mais ce qui est certain, c’est que c’est un vélo ultra efficace, idéal pour faire monter la vitesse moyenne. Le S5 est l’un des vélos les plus utilisés par les coureurs de l’équipe Jumbo-Visma et le modèle testé est même quasiment identique au niveau de l’équipement à celui de Wout van Aert.

Par Guillaume Judas – Photos : ©Vincent Lyky

Légèrement modifié juste avant le Tour de France 2022, cette dernière mouture du S5 bénéficie des dernières règles assouplies de l’UCI en matière de dimensions des tubes pour optimiser encore ses qualités aérodynamiques. Les tubes sont donc légèrement plus imposants, avec 15% de surface en plus, et la fourche a été redessinée pour une meilleure pénétration dans l’air que la version précédente. Sans bouleverser l’ADN et le caractère du S5, dont la toute première itération remonte déjà à 2011, Cervélo a profité de cette évolution pour apporter quelques changements d’importance. En offrant par exemple plus de dégagement pour les roues et les pneus de manière à optimiser le vélo avec les nouvelles roues Reserve 52/63 très larges avec leurs pneus de 28 de section, un poste de pilotage plus léger et avec des réglages facilités, et au final un gain de poids d’une centaine de grammes sur le kit cadre et un gain de 8 watts annoncés à 48 km/h sur le plan aérodynamique, par rapport à la version précédente.

Le Cervélo S5 est donc toujours un pur vélo de compétition, ou du moins destiné à la vitesse sur des terrains roulants. Il ne cache pas sa filiation avec le Cervélo P5, le vélo de contre-la-montre de la marque, très populaire chez les triathlètes. Il s’adresse à des compétiteurs sur route, à des adeptes du triple effort sur la distance olympique, ou à tous ces nombreux nouveaux adeptes du cyclisme qui recherchent sans cesse à se dépasser sur des sorties rapides. Il ne fait toujours pas partie des plus légers, avec un poids de 7,650 kg sans pédales en taille 51, ce qui reste élevé pour un vélo à 13499 €. Il est toujours rigide, voire exigeant, ce qui le rend presque inaccessible aux cyclistes les moins en forme. Mais il n’est pas dénué de confort grâce au montage pneumatique, et surtout, il fait preuve d’une stabilité à toute épreuve et d’une maniabilité étonnante pour un vélo de cet acabit. Bref, le S5 n’est pas exempt des défauts inhérents à ce type de vélo extrême et porté vers la performance, mais il est bigrement excitant.

Un poste de pilotage avec des réglages plus simples

Le poste de pilotage est l’une des pièces maîtresses du Cervélo S5, avec sa forme atypique et son efficacité aérodynamique. Il est directement fixé sur la partie supérieure de la fourche, qui elle-même englobe la douille de direction par l’avant. Pour cette version évoluée, Cervélo fournit plusieurs entretoises pour régler la hauteur de la potence, et il n’y a plus qu’une seule longueur de vis pour fixer le guidon à la partie avant du vélo.

Le cockpit en lui-même n’est pas totalement fixe, puisqu’il est possible de régler l’angle du cintre sur 5°, ce que nous avons d’ailleurs fait dès la réception du vélo, et de manière très rapide.

Globalement, le système reste plus complexe qu’une potence et un cintre classiques, montés sur un cadre avec une douille de direction habituelle, et avec des durites de frein non intégrées. En raison de la conception de l’ensemble, il n’est pas possible de braquer totalement la direction, ce qui peut s’avérer problématique pour ranger le vélo dans une housse de transport. Néanmoins, les efforts de simplification des réglages ou de la maintenance de Cervélo sont remarquables. Et pour rassurer les plus sceptiques, précisons qu’avec un reach de 80 mm, un drop de 128 mm et une partie plate sur le haut, le guidon s’avère très agréable à utiliser même sur plusieurs heures.

Aéro jusque dans les moindres détails

La partie arrière du vélo est spécifique avec un « tube » de selle qui épouse les contours de la roue, et un prolongement vers la tige de selle qui semble totalement droit. Qu’on ne s’y trompe pas cependant, la géométrie de position du S5 est tout à fait semblable à celle d’un vélo plus classique, et le cadre ne limite pas les réglages en recul. La nouvelle tige de selle dispose d’un déport de 15 mm, mais le vélo reste compatible avec l’ancienne tige et son déport de 25 mm pour ceux qui recherchent des réglages plus extrêmes. Notons toutefois que selon les selles, la tige peut limiter la plage de réglage en raison de la distance entre les deux points de serrage du chariot.

La jonction entre le tube de selle et les haubans est compacte et profilée, et on remarque le faible espace laissé entre le pneu et la structure du cadre, afin d’optimiser les passages des flux d’air.

La boîte de pédalier très large s’appuie sur un tube diagonal dont la forme épouse elle aussi les contours de la roue avant dans sa partie haute. Un dessin que l’on retrouve aussi sur l’Orbea Orca Aero par exemple.

Vu de face, le Cervélo S5 offre une prise au vent limitée, et tout semble avoir été étudié pour réduire au maximum la résistance de l’air. Le profil du vélo est plus massif, et peut laisser craindre des problèmes de stabilité, compte tenu de la taille des tubes et de la hauteur des jantes. Mais la machine est au contraire hyper rassurante sous des vents de travers, grâce à une géométrie très équilibrée, et à des roues spécialement conçues pour fonctionner avec le vélo.

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Des roues conçues avec le vélo

La marque de roues Reserve appartient au même groupe que Cervélo. La conception des nouvelles 52/63 (une roue avant avec une jante de 52 mm et une roue arrière avec une jante de 63 mm) offre une forme bombée, et une largeur différenciée (35 mm de largeur extérieure pour l’avant et 34 mm pour l’arrière) avec des dimensions étudiées pour améliorer le contrôle du vélo. C’est ce que Reserve nomme Turbulent Aero, une technologie développée pour accroître la maniabilité et la stabilité avec les vents latéraux. Ces nouvelles roues permettraient d’économiser 5 watts à 48 km/h selon Cervélo, par rapport aux précédentes 50/65 montées sur l’ancien S5. Des mesures évidemment invérifiables de notre côté. Reste que la stabilité du S5 avec ces roues est surprenante, quelles que soient les conditions de vent, ce qui permet quoi qu’il arrive d’économiser pas mal d’énergie à la fin d’une sortie exigeante.

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Les Reserve 52/63 s’affichent à 1560 g environ la paire dans la configuration du vélo de test avec des moyeux Zipp ZR1, ce qui est plutôt performant avec des jantes de cette dimension. Notons que l’équipe Jumbo-Visma utilise également toute la gamme de roues Reserve depuis cette saison, sur le Cervélo S5 ou sur le R5, avec des pneus tubeless.

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Un équipement de pro

Le S5 est proposé en quatre versions de 9699 à 13499 € , avec du Shimano Ultegra Di2 et Dura-Ace Di2, et du SRAM Force AXS et Red AXS comme ici pour le vélo de test, le modèle le plus onéreux de la gamme, quasiment identique à celui qui est utilisé par Jumbo-Visma. La marque propose également un kit cadre (avec tige de selle et poste de pilotage) à 5499 €, disponible en trois coloris et uniquement compatible avec les transmissions électroniques.

Le groupe SRAM Red AXS se montre comme d’habitude rapide, précis et silencieux. Il se distingue par des plateaux de « seulement » 48 et 35 dents, et une cassette avec un départ 10 dents. Dommage que la cassette offre une plage de développements aussi large, ce qui occasionne des écarts entre les dentures à partir du 15 dents, et peut casser un peu le rythme lors des sorties soutenues et en fonction de la topographie du terrain.

Le vélo est fourni avec un capteur de puissance Quarq intégré dans le pédalier, ce qui est un avantage non négligeable pour les utilisateurs les plus sportifs auxquels s’adresse cette machine. Pour le reste de l’équipement, on trouve des pneus tubeless Vittoria Corsa souples et réactifs, ainsi qu’une selle Selle Italia avec rails carbone, la seule différence avec l’équipement de Jumbo-Visma (qui utilise des selles Fizik).

Comme sur des rails

Le S5 fait oublier son poids dès les premiers tours de roues. Les 500 ou 700 g de plus de la machine par rapport à d’autres vélos très haut de gamme sont largement compensés par la rigidité de l’ensemble, qui vous propulse vers l’avant au moindre coup de pédale. Une fois en selle, on note un équilibre général qui offre d’excellentes qualités de roulement. Lorsque la vitesse de croisière est atteinte, elle est facilement entretenue par l’inertie du vélo. Le S5 roule droit et semble même s’emballer à la moindre descente ou faux plat descendant. Une caractéristique que l’on retrouve habituellement sur les vélos italiens tels que les Pinarello ou les Colnago.

Toute la partie avant se montre très ferme. C’est particulièrement rassurant à haute vitesse pour maîtriser l’engin, choisir des trajectoires tendues et ressortir des courbes exactement là où on l’a décidé. La machine ne flotte pas au-delà de 60 km/h, même sous l’influence d’un vent tourbillonnant. On se surprend à lâcher les deux mains du guidon sur le plat pour fouiller dans les poches du maillot sans perdre la moindre stabilité. Le vélo est comme sur des rails. Toutes les parties ou presque de routes plates deviennent super excitantes à aborder. Vent de face, évidemment, il faut lutter comme avec n’importe quel vélo, mais dès qu’on prend le vent de côté, on ressent une sorte d’effet « voile » qui dope la vitesse moyenne.

Cette rigidité offre également beaucoup de réactivité au S5 à partir d’une bonne vitesse de croisière. Les accélérations à partir de 38/40 km/h sont tranchantes, et les sprints lancés extrêmement efficaces. Le vélo se montre très maniable une fois lancé : le châssis semble toujours suivre les injonctions données à la direction, sans jamais se désunir.

Le Cervélo S5 est un vélo conçu pour la compétition de haut niveau, et à ce titre il se montre tout de même exigeant dans certaines circonstances. Dans les ascensions au-delà de 6 ou 7 %, il nécessite une excellente coordination gestuelle du cycliste pour conserver du dynamisme, car il ne faut pas compter sur une quelconque déformation latérale du cadre pour atténuer l’imperfection du coup de pédale due à la fatigue ou au manque de forme physique. Mieux vaut dans ce cas relever les dents et choisir un développement souple, mais se pose alors le problème de la cassette SRAM Red en 10-33, avec des trous dans la gamme de développements à partir du 15 dents et au-dessus. Elle peut dans certaines circonstances casser un peu le rythme.

En changeant les roues et en remplaçant les Reserve 52/63 par les 40/44, le S5 retrouve un petit peu de dynamisme à basse vitesse. Il devient un poil plus nerveux en ville au milieu de la circulation, même si le gain de poids est limité à 150 g environ. Dans ces conditions, le S5 descend à 7,5 kg sans pédales, et on peut ressentir un tout petit moins d’inertie sur le plat. Dans les passages avec un peu de pourcentage, il semble aussi un peu moins difficile à manier. Mais les caractéristiques principales sont conservées, et c’est une option à envisager pour rendre le vélo un peu plus polyvalent.

En termes de confort, enfin, le S5 profite de ses pneus de 28 mm sur des jantes larges (avec une section de 31,5 réelle et une pression de 5 bars) pour ne pas se révéler trop extrême. Nous avons pu ressentir quelques fourmis dans les mains après presque quatre heures de vélo en solo, mais cela pourrait être réglé sans problème avec un ruban de cintre un peu plus épais que celui qui est fourni. Le S5 est loin des vélos purement dédiés à l’endurance, mais avec une bonne position et une pression de gonflage adaptée, il ne transforme pas la route en champ de mine.

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Notre avis sur le Cervélo S5

Le S5 est l’un des vélos les plus performants du moment, l’un de ceux qui apportent le plus de rendement sur les parcours roulants, que ce soit grâce à sa conception pour fendre l’air, à sa rigidité, mais aussi à sa stabilité et à son équilibre général. Et comme toute machine de ce type, il peut se révéler exclusif et un peu trop exigeant pour les cyclistes pas assez entrainés. Mais pour les autres, c’est un vélo super attachant.

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