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L’année dernière à cette époque on vous avait dévoilé quelques histoires stupéfiantes de cyclistes devenus coureurs a pied de très haut niveau. On vous avait ainsi présenté quelques exemples surprenants de légendes du Tour de France qui s’essaient à la course à pied avec immédiatement d’excellents résultats. Mais la question que nous aimerions nous poser cette fois, c’est si ce qui s’applique à ces exemples est possible avec tous types de cyclistes ? Et est-ce également possible dans l’autre sens ? Est-ce qu’un marathonien en moins de 2h10 peut gagner une course cycliste régionale avec seulement quelques mois pour s’y préparer ?
Par Jean-François Tatard – Photos : Depositphotos.com / DR
Ce que nous aimerions déjà mettre en avant, ce sont les différences en termes de réponses systémiques entre les deux sports. Telles que la VO2max, le seuil anaérobie, la fréquence cardiaque et ce qu’on appelle l’économie (le coup de pédale économique en vélo ou la foulée économique en course à pied). Mais aussi de vérifier en fonction des deux pratiques comment le corps répond d’un point de vue ventilatoire et neuromusculaire. Et d’emblée, ce qui semble évident, c’est que pour la VO2max, il y aurait davantage de transferts physiologiques positifs de la course à pied vers le cyclisme que l’inverse. Et aussi que la fréquence cardiaque maximale et sous-maximale sont différentes entre les deux activités. Quant au rendement, il est supérieur en course à pied. La ventilation semble davantage altérée par le cyclisme sous l’effet de contraintes mécaniques. La fatigue centrale et la baisse de la force maximale sont plus importantes après un effort prolongé en course à pied qu’en cyclisme. Voilà nos premières constations plus ou moins fondées…
Des adaptations spécifiques, et d’autres transférables
Il convient d’écrire que le cycliste et le coureur à pied vont développer à la fois des adaptations spécifiques propres à leur sport et des adaptations transférables. Certaines sont positives et facilitent l’entraînement croisé, d’autres vont rendre compliqué le passage d’une activité à une autre. Les différences entre cyclisme et course à pied peuvent s’appréhender de deux façons distinctes : premièrement en comparant les réponses systémiques telles que la fréquence cardiaque, qu’elle soit liée aux intensités maximales comme sous-maximales. Puis dans un second temps, en observant d’autres mécanismes sous-jacents d’adaptation.
L’oxydation des graisses est un premier exemple. En ce sens, l’oxydation est plus importante pour les intensités supérieures à 50% de la VO2max en course à pied qu’en cyclisme. De plus, l’intensité qui correspond à cette oxydation maximale est plus haute en course à pied qu’en cyclisme. On oxyde donc davantage de lipides pour une intensité et une durée d’exercice données et on en consomme sur une plage d’intensité plus large en course à pied qu’en cyclisme.
Ces différences d’ordre métabolique influencent la détermination du seuil lactique dans la discipline dans laquelle on s’entraîne prioritairement. Cependant la différence est semble-t-il plus importante chez les coureurs à pied qui sont davantage pénalisés sur le vélo que les cyclistes sur tapis roulant par exemple. Ceci s’accompagne d’une sensation de fatigue et d’inconfort plus importante chez les coureurs à pied qui font du home-trainer que pour les cyclistes qui font du tapis roulant.
Ce que nous remarquons aussi lors d’un test à effort, c’est que les résultats sont plus exploitables pour un cycliste qui fait un test sur tapis que pour un coureur à pied sur vélo. Aussi, on remarque que la FC maximale est généralement plus élevée de 5% en course à pied qu’en cyclisme (ex : 170 en vélo pour 180 à pied pour un même sujet). La relation entre FC et la VO2 est également différente selon l’activité. Certainement parce qu’elle est influencée par la position corporelle ou les conditions environnementales.
Ce rendement dont on parlait plus haut, est supérieur en course par rapport au cyclisme. Et il est probable que cette différence provienne essentiellement du phénomène d’absorption puis de restitution de l’énergie élastique notamment dans la composante élastique des articulations comme le genou, la cheville ou le bassin. Ce phénomène existe en course à pied et non en cyclisme. Et dans les faits, le coût énergétique de la course est proportionnel au temps de contact au sol.
La course à pied sollicite davantage le système cardiovasculaire
D’autre part, il est bien connu qu’à une intensité autour de 60-70% de la VO2max aussi bien en cyclisme qu’en course à pied, on peut observer une baisse de la pression artérielle mais, la fatigue des muscles respiratoires est plus importante en cyclisme pour une même intensité cardiaque. Et un autre facteur altérant les réponses ventilatoires en cyclisme provient indirectement du fait que l’efficacité de la pompe musculaire y est plus faible. En fait, le compartiment veineux perfusant les muscles des jambes, en particulier ceux des mollets fonctionne comme un second cœur. En se contractant, les muscles compriment les veines et favorisent le retour du sang veineux vers le cœur. La pompe musculaire est d’autant plus efficace que le mouvement est rythmé et qu’il s’accompagne de fortes contractions répétées comme pour la course. L’efficacité plus basse de la pompe musculaire en cyclisme limite le retour veineux vers le cœur et donc entraîne aussi un volume sanguin pulmonaire plus faible qu’en course à pied.
Lorsqu’on commence l’entraînement en endurance, l’augmentation de la VO2max provient pour l’essentiel de l’augmentation du débit cardiaque maximal. En cyclisme comme en course à pied, le débit cardiaque est un facteur majeur de la VO2max mais il est en général plus élevé en course à pied qu’en cyclisme, ce qui explique partiellement les différences de VO2max généralement observées entre les deux sports. Par ailleurs, le débit cardiaque est plus important en course à pied et l’efficacité de la pompe musculaire périphérique est également supérieur. En conclusion à cette composante : l’activité running sollicite davantage le système cardiovasculaire que le cyclisme.
Les facteurs musculaires déterminent la sensation de difficulté en cyclisme
D’après une étude que nous avons retrouvée dans le magazine Sport & Vie (Sport & Vie Hors Série numéro 23 : Pour en finir avec les idées reçues sur le coeur du sportif), il a été suggéré que les différences physiologiques observées entre cyclisme et course à pied proviendraient pour l’essentiel de la perception subjective de la difficulté (ou pénibilité) de l’effort qui serait plus importante en cyclisme, où elle semble davantage déterminée par des facteurs musculaires alors qu’en course à pied, ce seraient les informations centrales et/ou métaboliques qui priment.
En course à pied, la diminution de la force est proportionnelle à la durée de l’exercice alors que c’est beaucoup moins évident en cyclisme.
Le régime de contraction musculaire étant différent entre cyclisme (essentiellement concentrique) et course à pied (de type étirement-raccourcissement et intégrant donc une phase excentrique), les altérations structurelles et les adaptations nerveuses sous l’effet de la fatigue sont elles aussi très probablement différentes. En course à pied, la diminution de la force est proportionnelle à la durée de l’exercice alors que c’est beaucoup moins évident en cyclisme. Ceci provient de contributions entre fatigue centrale (nerveuse) et fatigue périphérique (musculaire) différentes entre cyclisme et course à pied. Sur des épreuves de longue durée, une baisse du niveau d’activation centrale a été observée en course à pied alors que cette manifestation de la fatigue centrale n’était pas rapportée en cyclisme. Cependant, ce déficit d’activation était observé en cyclisme à haute intensité.
On observe un phénomène assez nouveau d’ailleurs dans les pratiques actuelles chez les athlètes coureurs à pied, qui vont plutôt dans le sens de l’utilisation du cyclisme pour réduire le kilométrage couru et les risques de blessures musculaires et tendineuses qui vont avec.
Enfin, la course à pied favorise davantage la lipolyse que le cyclisme. D’ailleurs les coachs en salle de sport conseillent davantage de courir sur un tapis plutôt que de pédaler sur spinner. Le bémol est que l’exercice prolongé est plus accessible en cyclisme (sport porté) qu’en course à pied (fortes sollicitations articulaires). La solution passe sans doute par une alternance des deux.
Pour conclure
Ce n’était pas un match entre le cycliste qui se met à courir et le coureur qui se met à rouler et de savoir lequel des deux a le plus de chance de réussir qui nous aura le plus intéressé. D’ailleurs la question est à notre sens trop provocatrice, voire simpliste, et la notion de résultat est très relative. Mais on a quand même tenté d’animer le débat et d’arbitrer avec notre propre interprétation sur les différentes composantes physiologiques mises à l’épreuve dans chacun des deux activités. Et ainsi, le cyclisme et la course à pied comportent des différences importantes et en réalité là où on ne les attend pas nécessairement. En termes d’adaptations ventilatoires par exemple, ou encore neuromusculaires ou métaboliques. Il convient ainsi de préciser que l’objectif ici était surtout de mieux tirer bénéfice de chacune de ces caractéristiques pour favoriser le développement dans le sport qui nous intéresse au moment où on a envie de la pratiquer…
Pour finir, nous n’avons pas tous les mêmes prédispositions naturelles pour le cyclisme ou pour la course à pied. Et il n’est absolument pas évident qu’un bon cycliste fera un bon coureur, et un bon coureur un bon cycliste. Cela dépend davantage de critères physiologiques innés. Mais le plus important, c’est que chacun de nous y trouve plaisir et accomplissement dans le sport qu’il aura choisi ce matin en se réveillant et quelle qu’en soit la performance.
=> VOIR AUSSI : Tous nos articles Coaching
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On peut aussi regarder du côté des triathlètes, que ce soit les spécialistes des courts ou longs formats. Certains sont à la base cyclistes, d’autres coureurs et encore d’autres nageurs. Ils intègrent les autres disciplines et deviennent des bêtes de performance notamment en course à pied et cyclisme puisque c’est le sujet. Si je ne me trompe pas, quand on regarde les meilleurs chronos sur Ironman, selon les épreuves car les profils diffèrent, certains triathlètes terminent le vélo aux alentours de 45 km/h de moyenne et sont capables de courir le marathon derrière aux alentours de 2h40- voire 35. Quelle seraient leur perf sur un marathon sec ? C’est impressionnant
On peut aussi regarder du côté des triathlètes, que ce soit les spécialistes des courts ou longs formats. Certains sont à la base cyclistes, d’autres coureurs et encore d’autres nageurs. Ils intègrent les autres disciplines et deviennent des bêtes de performance notamment en course à pied et cyclisme puisque c’est le sujet. Si je ne me trompe pas, quand on regarde les meilleurs chronos sur Ironman, selon les épreuves car les profils diffèrent, certains triathlètes terminent le vélo aux alentours de 45 km/h de moyenne et sont capables de courir le marathon derrière aux alentours de 2h40- voire 35. Quelle seraient leur perf sur un marathon sec ? C’est impressionnant
Bonjour Ricco, Bonjour Antonio,
Quelque soit l’activité prioritaire, le break even pour l’intégration de la seconde activité, est très subjectif et dépend de l’historique de chacun. Et si il correspond au niveau d’activité secondaire minimum à partir duquel l’impact devient rentable, il n’existe pas de recette universelle. Faut juste trouver le dosage qui nous correspond et surtout avoir un bon jugement sur le niveau de compétence de chaque critère requis. La puissance définie indépendamment dans chacune des 2 activités par exemple ne requière pas les mêmes aptitudes en fonction du sport choisi et notamment la coordination gestuelle. Enfin, ça c’est perso mais je ne pense pas bon de passer trop de temps à améliorer ses points d’amélioration (les risques : laborieux, ennuyant, décourageant, résultat minime, faible impact, etc). Mieux vaut renforcer ses points forts et cohabiter plus de temps avec ses talents ou ses compétences. Dans le rapport je dirai qu’un pareto s’impose : 20% de son temps à corriger ses points faibles et 80% à (kiffer) stabiliser et renforcer nos qualités. Et puisque vous êtes deux cyclistes, l’erreur la plus récurrente du cycliste qui se met à la course pied, c’est de reproduire le schéma qu’il connaît. Hors la course à pied oblige effectivement à concevoir davantage de progressivité. Surtout que, même si cela n’est pas visible, le cycliste qui s’y met tardivement est finalement déjà usé au niveau musculosquelettique.
Prenez le temps… Et puis le résultat chronométrique n’est finalement pas toujours une fin en soi. Prenez plaisir dans le sport que vous aurez choisi de faire en vous levant,
Y a un peu de tout en fait je crois on trouve des bons cyclistes capables de coureir le mrathon en 2h30, et des coureurs en 2h30 pas capables de gagner en régional.c’est bizarre
Merci pour ces explications, qui peuvent nous orienter sur le pourquoi du comment des différences entre les deux sports. Je me considère comme un bon cycliste, mais je crois bien que la course à pied ne m’aime pas comme moi je l’aime ! Dommage
Bonjour Ricco, Bonjour Antonio,
Quelque soit l’activité prioritaire, le break even pour l’intégration de la seconde activité, est très subjectif et dépend de l’historique de chacun. Et si il correspond au niveau d’activité secondaire minimum à partir duquel l’impact devient rentable, il n’existe pas de recette universelle. Faut juste trouver le dosage qui nous correspond et surtout avoir un bon jugement sur le niveau de compétence de chaque critère requis. La puissance définie indépendamment dans chacune des 2 activités par exemple ne requière pas les mêmes aptitudes en fonction du sport choisi et notamment la coordination gestuelle. Enfin, ça c’est perso mais je ne pense pas bon de passer trop de temps à améliorer ses points d’amélioration (les risques : laborieux, ennuyant, décourageant, résultat minime, faible impact, etc). Mieux vaut renforcer ses points forts et cohabiter plus de temps avec ses talents ou ses compétences. Dans le rapport je dirai qu’un pareto s’impose : 20% de son temps à corriger ses points faibles et 80% à (kiffer) stabiliser et renforcer nos qualités. Et puisque vous êtes deux cyclistes, l’erreur la plus récurrente du cycliste qui se met à la course pied, c’est de reproduire le schéma qu’il connaît. Hors la course à pied oblige effectivement à concevoir davantage de progressivité. Surtout que, même si cela n’est pas visible, le cycliste qui s’y met tardivement est finalement déjà usé au niveau musculosquelettique.
Prenez le temps… Et puis le résultat chronométrique n’est finalement pas toujours une fin en soi. Prenez plaisir dans le sport que vous aurez choisi de faire en vous levant,
Y a un peu de tout en fait je crois on trouve des bons cyclistes capables de coureir le mrathon en 2h30, et des coureurs en 2h30 pas capables de gagner en régional.c’est bizarre
Merci pour ces explications, qui peuvent nous orienter sur le pourquoi du comment des différences entre les deux sports. Je me considère comme un bon cycliste, mais je crois bien que la course à pied ne m’aime pas comme moi je l’aime ! Dommage