Partager la publication "Dans les coulisses de l’équipe TotalEnergies au moment du changement de partenaires"
Pour la saison 2022, l’équipe française TotalEnergies accueille Peter Sagan et trois de ses plus fidèles coéquipiers (son frère Juraj, Daniel Oss et Maciej Bodnar). Le transfert du champion slovaque offre un nouveau statut à l’équipe vendéenne, et s’accompagne d’un changement de fournisseurs pour les vélos et l’équipement avec Specialized et Sportful. Comment s’organise la livraison de ce nouveau matériel ? Qu’est-ce qui est mis en oeuvre pour les coureurs s’adaptent au plus vite à leur nouveau vélo ? Reportage dans les coulisses de TotalEnergies.
Par Guillaume Judas – Photos : Billy Ceusters
C’est aux Essarts, en Vendée, que les coureurs sous contrat pour l’équipe TotalEnergies en 2022 ont rendez-vous les 18, 19 et 20 octobre, dès la fin de la saison 2021. Manquent juste Juraj Sagan et Niki Terpstra, qui n’ont pas encore finalisé leur engagement. Une question de quelques jours. C’est ici, au manoir Saint-Michel, qu’est installée l’équipe créée et managée depuis l’année 2000 par Jean-René Bernaudeau sous différentes appellations (Bonjour-Toupargel, Bonjour, Brioches La Boulangère, Bouygues Telecom, BBox Bouygues Telecom, Europcar, Direct Énergie, Total Direct Energie et enfin TotalEnergies). Cet endroit est un peu plus que des bureaux, un atelier, ou un garage pour les véhicules, comme le service course de la plupart des équipes professionnelles. C’est aussi l’âme de l’équipe vendéenne, un lieu de rencontres, un lieu de vie, des chambres et une cuisine pour les coureurs et l’encadrement qui se sentent ici presque comme en famille, bref, tout ce qui rend cette infrastructure forte d’une soixantaine de salariés unique et attachante. Le manoir Saint-Michel appartient à Jean-René Bernaudeau, qui le met à la disposition de l’équipe, et c’est son frère Hervé qui en assure l’intendance.
L’arrivée de Peter Sagan, avec trois équipiers, un directeur sportif, un mécanicien et un agent est un gros événement pour l’équipe TotalEnergies. Presque un choc des cultures. Mais les deux parties semblent séduites l’une par l’autre. Lorsque Peter Sagan et sa bande débarquent du mini-van qui vient de les récupérer à l’aéroport de Nantes en provenance directe de Nice, l’accueil est chaleureux. Sagan est souriant, bien que l’air un peu intimidé. Daniel Oss et Maciej Bodnar, en bons capitaines de route, ont l’air plus sûrs d’eux. Jean-René Bernaudeau confirme en petit comité le discours qu’il a dû tenir au triple champion du monde pour le convaincre de signer lorsqu’il leur fait visiter le manoir et le service course : « Peter, je souhaite que tu te sentes ici chez toi, que tu sois bien au sein de l’équipe et que tu t’amuses sur le vélo. Peu importe le nombre de courses que tu gagnes, j’aimerais que derrière chaque victoire il y ait une histoire. Mais aussi que vous tentiez des coups, que vous soyez de grands acteurs des Classiques. Je rêve d’une bordure avec Sagan, Oss, Bodnar, Turgis et Boasson Hagen qui fait exploser la course, précise-t-il avec enthousiasme. » Après avoir fini le tour du propriétaire, et avant de déguster un steak grillé dans petite salle à manger du manoir, Sagan confie à Bodnar qu’il est épaté par la structure mise en place par l’équipe. Tout semble se présenter sous les meilleurs auspices.
Du point de vue matériel aussi. Le champion slovaque débarque chez TotalEnergies avec Specialized, la marque de vélos qui le soutient depuis de nombreuses années, et avec Sportful, la marque de vêtements avec laquelle il s’est engagé pour les dix ans à venir. Pour l’ensemble de l’équipe, cela implique des changements de repères, mais les deux entreprises mettent en oeuvre les moyens nécessaires pour favoriser le confort des coureurs et une adaptation rapide.
De grands moyens pour une adaptation rapide
« Nous ne faisons aucune différence entre les équipes que nous soutenons, prévient Léo Menville, le responsable des relations entre Specialized et les équipes pros. Que ce soit pour Quick Step, Bora-Hansgrohe, l’équipe féminine SD Worx et maintenant TotalEnergies, nous venons au premier rassemblement avec les mêmes moyens. L’objectif est qu’au moment de la reprise de l’entrainement hivernal, les coureurs disposent de leur vélo d’entrainement, et qu’il n’y ait plus de réglages à effectuer par la suite. » Specialized arrive ainsi en Vendée, dès le lendemain de la dernière course de la saison, avec 25 premiers cadres (il y en aura en tout environ 125 sur toute la saison), des dizaines de paires de chaussures, de casques et de selles et une escouade de spécialistes pour travailler sur la position des coureurs. Un roulement est organisé. Les coureurs sont mis en position sur l’un des trois postes de travail (l’opération prend entre deux et trois heures) pendant que d’autres vont faire leur test d’effort à Nantes, avant de rencontrer les chefs de produit de chez Sportful, qui leur présentent l’ensemble de la gamme de vêtements dont ils vont disposer toute l’année, à choisir en fonction des conditions climatiques. La couleur des tenues, comme celle des vélos a été âprement discutée en amont avec l’équipe, les fournisseurs et le sponsor.
Specialized utilise le système Retül, une nouveauté pour la plupart des coureurs, sauf pour Sagan et ses anciens équipiers de Bora-Hansgrohe. « Nous travaillons sur les positions route et contre-la-montre, et nous cherchons le modèle de chaussures et de selle au sein de la gamme Specialized le mieux adapté pour chaque coureur », précise Jason Williams, l’un des opérateurs historiques de Retül à Boulder au Colorado, qui supervise l’opération sur trois postes de travail. Antoine Rudeau, formateur de la marque en France reprend : « Lors du prochain stage en Espagne, nous ferons des tests aérodynamiques sur piste pour affiner certains détails et trouver le meilleur compromis entre confort, puissance développée et efficacité. » Rien n’est laissé au hasard. Emma Boutcher, cheffe de produit pour les selles, qui vient elle aussi de Boulder, mesure les ischions des coureurs, et propose différents modèles au sein de la gamme du constructeur américain. Le choix est ensuite validé lors de l’étude posturale. De son côté, la Californienne Ashley Sult, spécialiste des chaussures, propose deux modèles différents. « Il arrive que nous fassions quelques modifications pour le confort, comme par exemple travailler sur un des rebords de la chaussure de Sandy Dujardin qui ressent ici une petite gêne. Et exceptionnellement, nous pouvons aussi être amené à faire du sur mesure pour un coureur, indique-t-elle. »
Les vélos sont déjà montés en amont par les neuf mécaniciens de l’équipe, mais pas encore réglés. « Comme nous changeons de fournisseur, nous découvrons les nouveaux cadres, et le premier montage prend un peu plus de temps, précise Arnaud Labbe, ancien coureur de Cofidis et mécanicien dans l’équipe de Bernaudeau depuis 2015. » « Comme beaucoup d’équipes, nous n’avons pas encore reçu les nouveaux groupes Shimano, et nous avons été obligés de démonter les pièces des vélos de la saison 2021 pour les monter sur les nouveaux cadres, au moins les premiers », reprend pour sa part son collègue Nicolas Arnaud.
Des coureurs professionnels ouverts à la nouveauté
Lors de l’étude posturale, les coureurs se montrent ouverts pour la plupart aux propositions des opérateurs. Certains sont prêts à modifier radicalement de position, comme Alexis Vuillermoz, ou Edvald Boasson Haggen, qui avoue ne pas avoir changé de marque de chaussures depuis 10 ans. Mais la finesse de l’analyse de ses sensations étonne lorsqu’il teste sa nouvelle position. D’autres comme Fabien Doubey posent des questions, veulent tout savoir de l’intérêt de telle ou telle modification, comme celle qui consiste à raccourcir sa longueur de manivelles sur son vélo de contre-la-montre. Andrew McGregor, l’un des spécialistes de Retül lui explique dans son Français teinté d’accent canadien : « De cette manière, l’angle entre tes hanches et ton buste sera plus ouvert en position aérodynamique. Ce sera plus confortable pour toi pour exprimer toute ta puissance. »
Une fois la position déterminée, les vélos retournent entre les mains des mécanos. Il reste une bonne heure de travail pour couper le pivot de fourche, et effectuer les derniers réglages. Les vélos sont précisément mesurés et les données sont archivées pour le montage des autres vélos en cours de saison. Les coureurs repartent chez eux avec leur vélo d’entrainement, avant même de s’envoler pour les vacances. Celles-ci seront studieuses pour Victor De La Parte, qui s’envole dès le lendemain pour un stage en altitude en Colombie « avec mon nouveau Tarmac, sourit-il. Il faudra juste faire attention aux photos diffusées sur les réseaux sociaux, car nous devons respecter les partenaires avec lesquels nous sommes sous contrat jusqu’à la fin de la saison actuelle. »
« Lorsque je vais reprendre l’entrainement dans trois semaines, j’utiliserai ainsi directement mon nouveau matériel, se félicite Anthony Turgis. Cela va me permettre de gagner du temps au niveau de l’adaptation à la position et aux réactions du vélo, et déjà de tester différentes configurations de roues ou de pneus pour les Classiques. C’est la première fois que tout se fait aussi rapidement, et ça donne l’impression d’avoir vraiment passé un cap ! » On risque d’entendre parler de l’équipe TotalEnergies dès les classiques de printemps.
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