Essai du nouveau Specialized Crux Expert

Avec le nouveau Crux, Specialized propose un vélo rapide, léger, confortable et réactif, issu de l’expérience de la marque aussi bien sur route qu’en cyclo-cross, pour le meilleur du gravel, ici en mode « pressé ». Pour une nouvelle forme de polyvalence, comme nous avons pu le constater avec l’essai de cette version Expert, déjà haut de gamme à 6000 €. Plaisir garanti.

Par Guillaume Judas – Photos : Alex Broadway – Billy Ceusters

Route ou chemins : le nouveau Crux est à l’aise en dehors des sentiers battus.

Le Crux était jusqu’à présent le vélo dédié au cyclo-cross chez Specialized, une discipline exigeante et spectaculaire, mais peu adaptée au grand public. C’est bien pourtant avec des vélos de cyclo-cross qu’est née la pratique du gravel, avec des parcours sur terrains mixtes abordés à bonne allure. Ces dernières années, les fabricants ont créé des modèles spécifiques pour cette nouvelle discipline, en élargissant la gamme de développements disponibles d’abord, puis les sections de pneu (alors qu’en cyclo-cross pur, la section maximale autorisée est de 33 mm), ainsi qu’en modifiant la géométrie des vélos afin de favoriser la stabilité dans les conditions difficiles. Enfin, la plupart des vélos de gravel d’aujourd’hui répondent également à des besoins d’aventure, et sont utilisés sur de très longues distances ou en bikepacking, ce qui explique la présence de plots de fixation pour les garde-boues, l’éclairage, ou autres solutions de transport. 

Le nouveau Crux est toujours un vélo de cyclo-cross, ici en version compétition avant une épreuve de Coupe du monde.
Dans la boue, le large dégagement au niveau de la fourche et du triangle arrière est un avantage.
Le Crux est habile et maniable sur les circuits techniques.

Tout ceci correspond à la direction prise par Specialized sur le Diverge, sorti juste avant la pandémie en 2020. Un vélo très polyvalent, à l’aise sur de longues distances mais aussi sur des terrains très cassants, proche de ceux pratiqués en VTT (en tout cas en dehors des terrains très engagés). Mais depuis, la marque américaine a aussi lancé l’Aethos, un vélo de route ultra léger, qui revient à l’essence même du plaisir pour beaucoup de pratiquants, avec un comportement aérien, facile et réactif. Avec le nouveau Crux, Specialized a ainsi voulu réaliser une synthèse de ces univers à la fois très proches et très différents. Pour un vélo qui réunit, sur le papier, le meilleur des trois approches, et qui est aujourd’hui utilisé par des coureurs de cyclo-cross de niveau mondial, mais qui se destine aussi à ceux qui veulent simplement se tirer la bourre entre copains le week-end sur les chemins, sans s’interdire quelques escapades sur le bitume. 

Et puisque la nature a horreur du vide, le nouveau Crux se montre ainsi parfaitement adapté à une pratique compétitive du gravel. Car oui, des compétitions commencent à voir le jour dans cette discipline, qui regroupait au départ des pratiquants plutôt en dehors du cadre habituel d’une pratique traditionnelle, et motivés avant tout par l’aventure et la découverte. En 2022, un championnat du monde de gravel UCI devrait voir le jour, même si on n’en connait pas encore le format. Et quand il s’agit de lutter contre le chronomètre, l’argument du poids léger, comme ici, est souvent imparable.

Ce vélo de gravel léger offre de nombreuses possibilités en tout-terrain.

Le Crux : un cadre ultra léger

Sur le nouveau Crux, Specialized applique la recette de l’Aethos, avec un cadre ultra léger, annoncé à 725 g en taille 54 pour la version S-Works avec des fibres de carbone Fact 12r, et 825 g pour la version avec des fibres Fact 10r, comme pour notre vélo d’essai. C’est un poids équivalent aux meilleures productions route du marché, et à peine supérieur à celui de l’Aethos, pour un modèle destiné au tout-terrain. À titre de comparaison, le cadre du Diverge approche les 1000 g. Ce gain de poids est obtenu grâce à la taille des tubes et à leur forme. Specialized affirme même que la forme d’un tube est responsable à 80 % de sa rigidité, indépendamment des couches de carbone et du type et de l’orientation des fibres, et que pour le Crux, les sections subtilement arrondies (mais pas totalement quand on regarde dans le détail) mais de dimensions raisonnables, permettent de trouver le bon compromis entre rigidité et gain de poids. Notons que le Crux, quelle que soit sa version, n’est pas recommandé pour les cyclistes de plus de 125 kg.

Avec des tubes relativement fins et non bridés, Specialized reprend sur le Crux la recette qui fait le succès de l’Aethos.

Pour aller plus loin dans cette philosophie, le Crux ne bénéficie plus d’un serrage de tige de selle intégré contrairement à la précédente version, et l’intégration au niveau du poste de pilotage est ici sans objet. De même, s’il dispose de trois emplacements pour fixer des porte-bidons (avec un emplacement supplémentaire sous le tube diagonal par rapport à un vélo de route traditionnel), il ne bénéficie ni de Swat Box pour le rangement dans le tube diagonal comme sur le Diverge, ni de plots de fixation pour les porte-bagages ou l’éclairage sur le cadre et la fourche. Le Crux ne profite pas non plus du système de suspension Future Shock 2.0et mise plutôt sur la forme et la section des tubes pour apporter du confort avec l’absorption des chocs, et bien sûr sur la section des pneus. 

Le poste de pilotage est confortable et permet de bien contrôler le vélo, dans plusieurs positions.

Au niveau de la géométrie, le Crux diffère là aussi du Diverge, avec un empattement moins prononcé, une boîte de pédalier légèrement rehaussée, mais un reach un peu plus important. L’idée est ici de mettre l’accent sur la maniabilité par rapport à un vélo de gravel pour longue distance, sans perturber la stabilité. Le Crux doit se montrer capable d’évoluer dans des dévers glissants, de sauter des planches, de tourner dans un mouchoir de poche entre deux arbres, tout en restant stable à bonne vitesse en descente en sautant des ornières. De ce fait, dans une version de série sans la moindre modification de composant, il procure une position sportive mais naturelle, et extrêmement rassurante dans les passages techniques malgré le cintre dit « de course ».

Le Crux est maniable, mais en même temps stable en prenant de la vitesse.

Le Crux se présente comme un vélo de cyclo-cross léger et épuré, mais avec des passages de roue élargis, avec les mêmes capacités que le Diverge, en acceptant des pneus jusqu’à 47 mm de section avec des roues de 700, ou même 2:1 avec des roues de 650 b. Des sections qui influent beaucoup évidemment sur les capacités de franchissement et d’adhérence du vélo, et qui rendent ce vélo de cyclo-cross à la base bien moins pointu à piloter qu’avec des pneus de 33 mm.

La part belle au mono plateau

Le cadre est compatible avec les transmissions électroniques ou mécaniques, et en mono ou double plateau. En revanche, il n’est pas possible de monter un double en mécanique. Sur le Crux, Specialized fait d’ailleurs le choix de ne proposer que des modèles en mono plateau Sram, comme notre vélo d’essai Crux Expert en Sram Rival eTap AXS avec la technologie XPLR, et roues Roval Terra C à 6000 €. Le Sram XPLR permet d’offrir une transmission intermédiaire entre la route et le VTT, avec des éléments spécifiques pour une cassette 12 vitesses de 10 à 44 dents, associée ici à un plateau de 40 dents (mais disponible de 38 à 46 dents). Cette cassette offre une large plage de développements.

Le groupe Sram Rival XPLR eTap AXS est idéal pour les capacités de franchissement de ce vélo.

La simplicité des changements de vitesse avec un seul plateau et l’ergonomie des leviers Sram Rival AXS sont fort appréciables en tout-terrain, dans la boue, dans le sable, ou même dans les successions de passages techniques. Restent quelques trous dans la gamme, sensibles en bas et au milieu de la cassette en roulant à bonne allure sur les chemins, ou en faisant des incursions sur la route. Heureusement, une cassette 10-36 est aussi compatible avec cette transmission, pour une pratique cyclo-cross plus tonique qu’un usage Gravel, ou pour les plus sportifs d’entre nous.

Sur le Crux Expert, le reste de l’équipement se compose d’un poste de pilotage Specialized Adventure Gear avec une hauteur et une profondeur très raisonnables, ainsi qu’avec un évasement de 12° dans la partie basse, pour plus de confort et de contrôle. On trouve également une selle Power Expert, une tige de selle Roval Terra en carbone, et des pneus Specialized Pathfinder Pro 2DBR en 700×38, avec un dessin mixte qui favorise les parties roulantes. Avec des roues en carbone de 1610 g seulement, le vélo complet ne pèse que 8 kg (sans pédales), ce qui est particulièrement performant pour un vélo tout-terrain, vif, maniable et confortable.

Les haubans très fins apportent du confort.

La gamme du nouveau Crux est complétée d’un modèle Pro avec un groupe Sram Force eTap AXS et roues Roval Terra CL à 8000 €, d’un modèle S-Works à 12 200 € en Sram Red eTap AXS et roues Roval Terra CLX (7,2 kg), et d’un modèle Comp en Sram Rival 11 vitesses et roues DT Swiss en alu à 4000 €. Notons que le modèle d’essai est ici un Expert, mais avec la déco d’un Comp, sans conséquence sur le comportement du vélo bien sûr. Les kits cadre sont quant à eux disponibles à 3000 € (carbone Fact 10r) et 4500 € (carbone Fact 12r). Des tarifs élevés dans l’absolu, mais sur le terrain, le Crux Expert démontre qu’il n’est pas obligatoire de choisir le vélo le plus onéreux pour se faire plaisir, en associant performances et facilité d’utilisation.

Le Crux Expert à 6000 € apporte déjà des prestations haut de gamme, et ne pèse que 8 kg, malgré les gros pneus.

Le Crux, ou une nouvelle forme de polyvalence

Le Specialized Crux s’apprécie d’emblée grâce à la position naturelle qu’il propose, en favorisant à la fois la sportivité et la maniabilité. Le poste de pilotage est placé suffisamment bas pour qu’on se sente très proche d’un vélo de route, ce qui est un avantage au moment de pousser la machine sur route et chemins, avec le dos, les reins et les bras qui retrouvent des appuis habituels. Mais l’ergonomie du poste de pilotage inspire confiance, et les freins et les leviers de dérailleur sont facilement accessibles même si on est concentré sur la piste.

Les leviers sont facilement accessibles même si on est concentré sur la piste.

Sur les chemins bien tassés, le rendement global se montre excellent, avec des pneus qui offrent peu de résistance au roulement, malgré leur section de 38 mm et leur gonflage en dessous de 2 bar. En danseuse, un peu d’effet de pompage se ressent, mais cela reste dans l’esprit du vélo, qui se montre vif, dynamique, reptilien, et qui épouse les irrégularités du terrain pour vous permettre de maintenir une allure rapide et tonique. Il n’y a que sur les pavés, avec les secousses soutenues et régulières qu’ils imposent, que le Crux ne comble pas totalement le manque de technique du pilote. Il absorbe très correctement les vibrations, mais pour faire vraiment la différence sur ce type de revêtement, il faut savoir rouler vite tout en restant très décontracté au niveau du haut du corps. 

La pratique du gravel peut aussi se révéler très physique.

Sur terrain sec, nos compagnons de route, dont certains sont équipés avec des pneus de 42 mm au dessin plus agressif ne peuvent pas nous décrocher dans les virages. Les courbes s’enchainent idéalement, et il est rare de sentir l’une ou l’autre roue dériver légèrement, même en prenant de l’angle. Sur le mouillé, des pneus plus crantés prennent évidemment l’avantage, mais c’est la section des pneumatiques qui apporte surtout le plus de polyvalence au vélo. Sur ce genre de machine, il ne faut pas hésiter à monter à 42, 45, voire 47 mm pour être certain de passer partout, et avoir plus d’adhérence et de tenue sur la piste, dans les cailloux, sur les racines, ou dans la boue.

Sur de larges allées en sous-bois, le Crux tel qu’il est proposé ici est plus rapide que n’importe quel engin tout-terrain propulsé par la seule force musculaire.
Le Crux offre de nombreuses possibilités pour s’évader.

Reste que sur de larges allées en sous-bois, le Crux tel qu’il est proposé ici est plus rapide que n’importe quel engin tout-terrain propulsé par la seule force musculaire. Sur le plat, dans les descentes et surtout dans les parties ascendantes, il prend l’avantage grâce à ses qualités de roulement et à son poids léger, qui à lui seul modifie toutes les références du cycliste tout-terrain occasionnel que nous sommes. Dans les ascensions, les braquets disponibles et la boîte de pédalier surélevée permettent de franchir les obstacles, comme les racines et petites marches, sans qu’il se cabre ou qu’il manque d’adhérence. Seules les descentes les plus techniques et les plus cassantes lui font marquer le pas par rapport à un VTT. Sans parler des sauts, évidemment sans intérêt ici.

Une telle machine, avec son confort, ses capacités de franchissement et d’adhérence et son poids léger, peut déjà répondre à de nombreux besoins en s’écartant du bitume.

De retour sur la route, le Crux se défend honorablement, même avec ses gros pneus. Il n’y a que sur les passages en danseuse un peu appuyés qu’on le sent pomper un peu et perdre de sa précision, mais c’est avant tout une question de pression de gonflage. Il ne fait aucun doute d’ailleurs qu’équipé avec des pneus de route de 28 ou 30 mm, ce vélo pourrait se montrer un compagnon idéal, dans la lignée de l’Aethos, dont il reprend l’ADN. Le Crux est facile, le cadre est nerveux, et on pourrait presque qualifier son comportement d’ubique tant il s’accommode de nombreuses situations différentes.

De retour sur le bitume, le Crux se défend très honorablement.

Avec ce vélo, Specialized invente une nouvelle forme de polyvalence. On connaissait déjà les vélos de gravel destinés à l’aventure, parés pour être équipés de sacoches ou d’éclairage pour traverser aussi bien l’Europe en quelques jours que pour se promener sur des chemins de halage. Le Crux fait la part belle à la légèreté, au rendement, à la facilité, et permet quant à lui de passer partout, mais de manière vive et sportive, sans qu’il soit nécessaire de s’époumoner sur la route en rejoignant notre terrain de jeu favori. Gravel, cyclo-cross ou route, il sait tout faire. Dans cette version Expert, à 6000 € tout de même, il possède de nombreux atouts qui en font une machine équilibrée, et fortement désirable au moment où l’on rêve de plus en plus de s’écarter des routes habituelles.

Le Crux est extrêmement polyvalent. Et pas seulement pour la balade.
Le SPECIALIZED CRUX EXPERT en bref…

Note : *****

Les + : poids, agilité, confort, polyvalence
Les – : prix

CADRE : Crux Fact 10r Carbon – FOURCHE : S-Works Fact Carbon – ROUES : Roval Terra C – PNEUMATIQUES : Pathfinder Pro 2BR 700×38 mm – PÉDALIER : Sram Rival 1x – CASSETTE : Sram Rival XPLR 10-44 – DÉRAILLEUR : Sram Rival XPLR eTap AXS – FREINS : Sram Rival Disc – LEVIERS : Sram Rival eTap AXS Disc – POTENCE : Specialized PRO SL – CINTRE : Specialized Adventure Gear – TIGE DE SELLE : Roval Terra Carbon – SELLE : Power Expert – NOMBRE DE TAILLES : 6 – POIDS : 8 kg (sans pédales) – PRIX : 6000 € (kit cadre à 3000 €)

Contact : www.specialized.com

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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