Réseaux sociaux et fake news : le nouveau visage de la communication

Instagram, Twitter, Youtube, Facebook ou autres blogs sont leur terrain de jeu. Les bloggeurs sont devenus pour certains et certaines des influenceurs ou des influenceuses et font désormais partie du paysage du monde de la communication. Pour ceux qui veulent y croire, ils entrent même directement en concurrence avec la presse traditionnelle. La presse spécialisée comme dans le vélo n’échappe pas au phénomène. Pour quelle crédibilité ?

Par Guillaume Judas – Photos : hippopx.com, flickr.com, pixabay.com

Aujourd’hui, on s’informe – ou on croit s’informer – principalement en consultant son smartphone.

Internet et surtout l’utilisation des smartphones a totalement révolutionné nos modes de communication, mais aussi la façon dont nous nous informons. Aujourd’hui, nous consommons de l’information, nous zappons d’un site ou d’une application à l’autre, et nous intégrons parfois involontairement comme argent comptant ce que nous voyons défiler sur le fil d’actualité de nos réseaux sociaux. Jusqu’à en oublier la source et à favoriser ou à entretenir ceux qui non seulement maîtrisent très bien ces outils, mais qui en plus savent orienter ce contenu pour servir leurs propres intérêts. Avec comme conséquence la diffusion de ce qu’on appelle les Fake News  (fausses informations). Une dérive inévitable, même si tous ceux qui publient du contenu gratuitement n’ont pas obligatoirement d’intentions malveillantes. Ce qui est certain, c’est que nous consommons de moins en moins de presse traditionnelle, préférant lire ou voir sans payer. Si nous refusons de mettre la main à la poche pour nous informer, se demande-t-on qui est la personne qui fournit le travail nécessaire pour le faire ? Un ou une philanthrope (pour combien de temps) ? Quelqu’un d’incompétent au point de ne pas vérifier et croiser ses sources, voire capable d’inventer pour faire de l’audience avec un minimum de travail ou de connaissance en amont, ou quelqu’un de calculateur qui a bien derrière la tête l’idée de placer un message orienté, et plus ou moins discret ? 

Certains profitent du flot d’informations en continu pour y glisser des messages orientés.

Le phénomène n’est pas nouveau. Mais il est en pleine explosion depuis le début de la pandémie de Covid. De nombreuses fausses informations circulent. Chiffres détournés, mal analysés ou interprétés par des incompétents, ou documents volontairement falsifiés et relayés sans vérifications influencent une partie de la population qui ne s’informe que sur les réseaux sociaux ou sur des médias alternatifs qui n’emploient aucun journaliste professionnel. Les erreurs répétées du gouvernement dans la gestion de la crise créent la défiance. La médiatisation des « rassuristes » ou de ceux qui entretenaient l’espoir d’un traitement miracle (au début de la crise) sur des chaînes d’infos en continu en recherche d’audience conduit à la confusion. Les algorithmes de Facebook ou Youtube (qui proposent des contenus en rapport avec ce que vous avez déjà consulté, vous donnant ainsi l’impression que ce « courant d’idée » n’est pas minoritaire) font le reste.

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Moins de garde-fous 

Auparavant, il y avait de nombreux obstacles à franchir avant de se voir ouvrir les colonnes d’un magazine ou d’un journal papier en tant que rédacteur. Et pour garder sa place. Sérieux, motivation, sens de la déontologie, et souvent travail de l’ombre : le sacerdoce du journaliste c’était (c’est ?) d’abord d’écrire pour ses lecteurs, et non pour lui-même, et si possible pour un salaire relativement correct (pour assurer une certaine forme d’indépendance) mais pas au point de s’enrichir non plus. Le mode de financement de la profession et de tout ce qui allait autour était relativement simple et transparent : d’un côté les ventes et abonnements de la publication, de l’autre la publicité, pour trouver un équilibre avec les coûts de fonctionnement d’une rédaction (salaires, déplacements, bureau, fabrication et distribution du journal). Pour limiter les connexions entre journalistes et intérêts financiers, rédaction et services commerciaux étaient bien séparés.

Les réseaux sociaux comme YouTube pratiquent une certaine modération pour limiter la diffusion de fausses informations. Mais leurs algorithmes incitent ceux qui croient aux théories du complot que leur pensée est majoritaire.

À l’heure où des actionnaires richissimes se partagent quelques gros groupes de presse (limitant ainsi désormais le nombre de « courants de pensée »), et en même temps où quelques rares indépendants se lancent courageusement sur le marché avec des publications qui se veulent différentes des autres avant d’être rattrapées par la dure réalité du marché (quitte à renier ce pourquoi ils justifiaient leur présence, à savoir indépendance vis-à-vis de la publicité, etc.), et où n’importe qui peut créer son site Internet ou sa chaine Youtube, le grand public a un peu de mal à prendre le recul nécessaire pour faire la différence entre le pro et l’amateur et pour démêler le vrai du faux.

Le « journalisme participatif »

Aujourd’hui, certains n’hésitent pas à parler de journalisme participatif concernant ces nouveaux acteurs de l’information. En partant de l’idée que l’information diffusée, même partiellement vérifiée et recoupée et parce qu’elle correspond seulement à une partie d’une réalité même si elle n’est pas mise en perspective aiderait le lecteur dans sa quête de savoir. Mais qui sont-ils ces bloggeurs ou Youtubeurs qui font un commerce d’une passion pour la mise en scène ? Qui sont-ils ces Twittos cachés derrière des pseudonymes qui créent ou entretiennent des rumeurs avec toute la perversité de ce mode de communication ? Ou en mode « donneurs de leçons ». Qui sont-elles ces Instagrammeuses qui deviennent égéries de marques en échange de quelques photos bien cadrées et aux filtres décalés, sans oublier les fameux hashtags (#jesuislaplussexy) ? La réalité est souvent bien triste et éloignée de cette image glamour, en dehors du bon profil, du fond de teint et de la moue duck face. Les lecteurs ou spectateurs sont-ils vraiment dupes ? Quel crédit leur accorder, alors que de plus en plus de marques choisissent d’investir dans les messages cachés de ces nouveaux acteurs que l’on appelle influenceurs plutôt que dans la publicité traditionnelle ?

Certains messages sont relayés des milliers de fois… sans vérifications.

Car derrière ces messages diffusés « pour votre bien », pour vous « réinformer », ou vous faire rêver, se cachent bien sûr des motivations financières ou politiques. Financières quand les personnes qui diffusent le message sont rémunérées pour en dire du bien, ou qu’elles ont quelque chose à vendre en contrepartie de la révélation qu’elles prétendent faire. Politiques quand la diffusion du message a pour but de créer la défiance, la confusion, le chaos, et déstabiliser la démocratie.

Les dindons de la farce

Les journalistes n’ont pas tous vu venir cette nouvelle concurrence, c’est vrai. Beaucoup n’ont pas su ou voulu s’adapter aux nouvelles technologies et à leur instantanéité. Les éditeurs, dont certains font de l’argent avec du papier ou de l’information comme ils en feraient sur le cours du coton ou des carottes n’ont pas su appréhender le travail nécessaire à leurs équipes pour proposer du contenu numérique de qualité. Les revenus publicitaires et le nombre de lecteurs se diluant avec l’arrivée de ces nouveaux acteurs, il y a eu des pertes de marchés, des faillites, des licenciements. Certains journalistes ont dû faire « des ménages » (des tâches rémunérées par des marques, comme des journaux d’entreprise…) pour survivre ou pour combler quelques mois sans activité, faisant craindre ainsi pour leur crédibilité et leur indépendance. En première ligne sur le terrain et face aux interrogations de leurs lecteurs, ils sont pourtant les dindons de la farce, pressés entre les soucis de rentabilité de leurs employeurs avec l’inévitable chantage à l’emploi qui va avec et la concurrence embarrassante des amateurs de l’information. Des amateurs qui se prennent très au sérieux pour la plupart.

Pour en revenir à notre domaine, certains vont jusqu’à réclamer de l’argent à des marques pour passer des vélos en essai sur une chaine Youtube qui existe depuis quelques mois à peine, créée en même temps que la personne a mis les fesses pour la première fois sur un vélo. Sans aucun sens de la déontologie.

« Pas besoin d’être un pro pour tester des vélos ou pour parler de matériel, surtout quand celui-ci est destiné au cycliste moyen » peut-on lire ou entendre parfois pour justifier la place prise par ces médias. Certes. Et l’indépendance, alors ? On peut toujours accuser un journaliste de manquer d’objectivité pour tout un tas de raisons liées à sa sensibilité, mais il y a une grande différence avec le fait d’être rémunéré pour dire du bien ou du mal d’un produit ou d’une idée.

Espérons surtout que les lecteurs finissent par faire le tri, même si les enjeux dans notre domaine – la presse spécialisée – sont bien dérisoires par rapport à ce qu’il se passe en ces temps troublés de crise sanitaire, et où les fausses informations représentent un vrai danger pour la santé, pour la démocratie, pour nos libertés.

=> VOIR AUSSI : Tous nos articles CQFD

Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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Un commentaire sur “Réseaux sociaux et fake news : le nouveau visage de la communication

  1. La défiance envers la presse en général et les journalistes en particulier relève de la logique du « trop d’infos tue l’info », un peu comme au début du 20ème siècle lorsque toute rumeur nauséabonde faisait la une des journaux. Pour faire un test matériel par exemple, il faut un protocole, un vécu, et beaucoup de références pour étayer une argumentation honnête, ce qui ne veut pas dire « vraie » en valeur absolue. Pour l’énorme majorité, les influenceurs sont des poseurs qui ne font que monnayer leurs posts. Certains blogs sont en revanche menés par des gens sérieux (comme l’un vers Toulouse si on parle vélo), mais parce qu’il(s) travaillent avec des méthodes journalistiques ! Le journaliste se trompe souvent, mais de bonne foi. C’est déjà pas mal par ces temps malhonnêtes…

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