Humeur : les réalités du cyclisme virtuel

Depuis le début de l’année 2020, nous vivons une période particulière et incertaine qui a poussé de nombreux cyclistes à s’adapter en permanence. Cela a mis en lumière l’apparition d’une nouvelle catégorie de pratiquants : les cyclistes de salon, ou plus exactement ceux qui roulent dans un monde virtuel grâce à leur home-trainer connecté, sur Zwift par exemple. Du pro au débutant, en passant par des compétiteurs amateurs qui se découvrent un gros potentiel réel ou supposé, on rencontre tous les types de cyclistes. Comme dans la vraie vie.

Par Guillaume Judas – Photos : Flickr.com / Zwift.com

C’était le tube de l’année pour de nombreux cyclistes confinés du monde entier en 2020 : Zwift connait un succès énorme depuis le début de la pandémie. L’application existe pourtant depuis 2015 et avait déjà de nombreux fidèles, surtout parmi les anglo-saxons. Mais compte tenu de la situation que nous avons connue, elle a permis à de nombreux pratiquants de conserver une activité sportive presque normale, en roulant sur home-trainer sans s’ennuyer. Véritable application d’entrainement ou de compétition, Zwift mélange un certain degré de réalisme avec un aspect ludique indéniable. Non seulement on compte désormais de nombreux « accros » au jeu, mais on a de plus constaté que les bénéfices sur la condition physique pouvaient être bien réels à la sortie des confinements successifs. Paradoxe de notre époque, c’est seul dans son salon qu’on peut y rencontrer ou se confronter à des cyclistes du monde entier, puisque Zwift encourage le côté communautaire de la pratique, avec des événements qui peuvent être organisés à distance et permettent de rouler au milieu des avatars de connaissances ou d’inconnus. Évidemment, toutes les possibilités de l’application poussent parfois à quelques excès. On y retrouve différents profils (liste non exhaustive) qui valent bien chacun une petite description. En toute subjectivité.

Le coureur professionnel

Utilisant Zwift avec parcimonie, on l’a surtout vu pendant le premier confinement, où il n’avait pas le droit de rouler sur la route, en France tout au moins. Il a participé à des sorties virtuelles et promotionnelles organisées par son équipe avec des centaines d’autres participants pour faire acte de présence, et à quelques courses réservées aux professionnels. Avec un matériel vérifié et validé par les marques (home-trainer ou capteur de puissance calibré pour une question de transparence et d’équité), il a évité de se confronter trop régulièrement aux véritables spécialistes de Zwift, qui maîtrisent la technique particulière du jeu et dont on ne connait pas toujours la source de puissance. Le pro a cependant fait beaucoup pour la renommée de l’application, comme le montrent les publicités télévisées. Le premier championnat du monde de e-cycling a même été organisé début 2020, avec la participation de quelques coureurs renommés. Mais c’est un véritable champion venu d’un autre sport qui s’est imposé : l’Allemand Jason Osborne avait déjà remporté un titre mondial, mais en aviron ! Preuve que le vélo sur home-trainer nécessite des capacités physiques très étendues.

Le Zwifter de compète

Quelques rares spécialistes de l’application sont presque devenus des stars du monde virtuel, en gagnant courses et trophées et en épinglant quelques pros au passage. Parmi eux, d’anciens coureurs d’excellent niveau ou des types qui révèlent leurs qualités physiques dans le cadre si particulier du jeu. Le niveau d’intensité sur une course de 45’ à 1h par exemple est très proche de celui d’un cyclo-cross. Certains ne font plus que ça, sortant de leur salon pour de rares sorties sur route par grand soleil, mais pour la décontraction. De vrais hamsters, ou dragsters, on ne sait plus. La communauté autour du vrai Zwifter se prend très au sérieux, et met en place petit à petit toute une série de pare-feux pour éviter la triche, même si le principe de la performance, à partir d’un appareil de puissance comme un home-trainer ou un capteur sera toujours source de polémiques en fonction de la marque ou de l’étalonnage de celui-ci.

Le fondu du granfondo

Celui-ci est shooté à la longue distance, et rejoue sur home-trainer des challenges qu’il ne peut pas faire l’hiver ou en période de confinement. Sans limite, il a enchainé les sorties de 5h le dimanche en suant devant auto-moto, téléfoot et jusqu’à la fin du journal de 13h en tournant en rond sur Watopia, souvent en groupe, et parfois en montant trois fois l’Alpe du Zwift. Il a d’abord voulu gagner sa paire de roues Lightweight virtuelle avant de s’attaquer à l’Everesting Challenge et ses presque 9000 m de dénivelé, qui valent bien en virtuel la réalité du terrain. Quelques pros comme Mark Cavendish ou Richie Porte ont partagé ce défi avec lui. Lui se fiche des watts, ce qu’il veut c’est borner.

Le coureur de catégorie C

Il s’inscrit à de nombreuses épreuves, tout en espérant ne pas se faire flasher pour une puissance trop élevée qui signifierait une montée en B ou en A. Il s’amuse sur des épreuves de 20 ou 30 bornes à fond, mais globalement il roule sur Zwift au feeling, sans plan d’entrainement construit. Il espère juste en avoir fini avec le télétravail à 18h avant de passer du bureau au salon pour « mettre des mines » sur le circuit plat de London. Certains coureurs de catégorie C n’aiment pas trop les côtes, alors de temps en temps ils grappillent quelques kilos sur leur profil histoire de conserver un rapport poids/puissance favorable dans les pourcentages. Ce type de coureur n’est pas fidèle très longtemps à l’application, et dès qu’il peut ressortir dehors, il préfère retourner jouer les pancartes avec les copains.

Humeur : les réalités du cyclisme virtuel
Certains cyclistes sur Zwift roulent toujours à fond.

Le cyclo-ingénieur

Il a tout compris de l’entrainement en lisant des livres ou des sites spécialisés, et malgré la quarantaine bien tassée il dispose de tous les outils pour progresser. Ce qui inclut bien sûr un super home-trainer connecté car pour lui il n’est pas question de tricher sur ses capacités. Adepte de longue date des programmes de Zwift, on le reconnait à son vélo phosphorescent signe des nombreux kilomètres accomplis sur l’application. Pour lui, pas une séance sans un exercice, et il maitrise sa FTP avec précision, même s’il plafonne depuis un certain temps déjà à force de faire des entrainements trop difficiles. Car à trop vouloir bien faire, il en oublie parfois le simple plaisir de rouler en campagne avec des copains sans regarder le compteur.

Celui qui roule toujours à fond

Pour lui, pas de sport sans efforts. Sa devise est No Pain, No Gain. Qu’il roule sur Zwift ou en extérieur, c’est toujours à bloc. Chaque séance est une lutte contre lui-même, contre les autres. Il a un oeil rivé en permanence sur les watts et sur la moyenne. Il s’inscrit sur des sorties en groupe, des Social Ride quand il n’y a pas de course virtuelle, mais ne respecte pas les consignes des meneurs d’allure. Il écrase les pédales, et ce qu’il veut c’est terminer toujours devant les autres. Mais à force de toujours rouler à la même intensité, il risque à terme de se lasser, en constatant qu’il ne progresse plus.

Le vieux cyclard

Il s’est mis à Zwift faute de mieux, en râlant dans un premier temps, puis en se disant que ce n’était pas si mal pour passer le temps pendant le confinement. Il a bien essayé une course ou deux, puis s’est dit que c’était débile de se faire déposer par un Japonais ou un Néo-Zélandais sans palmarès. Alors il tourne les jambes en attendant de retrouver la liberté, mais ne dédaigne pas se tester tout seul de temps en temps sur quelques montées de référence. Tout en se persuadant que s’il voulait, il pourrait faire mieux.

Le vrai débutant

Lui a décidé de profiter des confinements pour reprendre en main sa santé et sa condition physique, et en a rapidement eu marre de tourner en rond en footing à un kilomètre de la maison. Il s’est équipé d’un home-trainer parfois basique et a récupéré un vieux vélo qui trainait dans son garage. Il a d’abord testé sa FTP, en comprenant qu’il aurait du boulot avant de pouvoir la pousser à 3 watts/kg. Il profite des espaces de discussion sur les réseaux sociaux pour poser des questions dans le but de progresser. Il a d’abord réussi à rouler une heure d’affilé, et vise les 100 bornes prochainement. C’est peut-être un futur vrai passionné.

Humeur : les réalités du cyclisme virtuel
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à rouler sur Zwift.

La mère de famille qui veut brûler des calories

Il y a bien sûr un certain nombre de femmes sur Zwift, dont la plupart rentre dans les catégories précédentes. Mais il y a aussi une nouvelle catégorie d’utilisatrices, bien embêtées par la fermeture des salles de sport et l’impossibilité de pratiquer leurs deux séances hebdomadaires de « RPM ». Elles découvrent l’application sur un vélo d’appartement amélioré ou sur le vélo de leur conjoint avec la selle baissée, et trouvent de bonnes séances d’intervalles à suivre pour continuer à rentrer dans leur jean taille 36 pendant toute la durée du confinement. 

Le gros lourd qui se moque du monde

Il y en a qui ne respectent rien, et à commencer par les utilisateurs sérieux de l’application. Pour ouvrir son jeu à un maximum de monde, Zwift permet de se connecter avec un home-trainer basique et un simple capteur de vitesse, sources de beaucoup d’erreurs de calculs. Il y a donc toujours des petits malins pour exploser tout le monde à la moindre côte, monter un col à 45 km/h de moyenne, et battre tous les records de segments. En s’en vantant aussi sur les réseaux sociaux bien évidemment.

Celui qui développe 400 watts sur 30 minutes à 130 pulsations sans forcer…

… et qui assure, avec une fausse modestie à peine feinte « qu’il a bien vérifié, et que tout est bien paramétré. »

=> VOIR AUSSI : Tous nos articles CQFD

Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

2 commentaires sur “Humeur : les réalités du cyclisme virtuel

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