Partager la publication "Compte-rendu de l’Ultrafondo de la Vanoise"
« 53/27-30, je croise mais tant pis, je me sens bien, il reste 3 km, après un peu plus de 7800 m de dénivelé avalés, il y a une petite pluie glaciale depuis une dizaine de bornes : ça va le faire, le bout de l’aventure va être domptée. J’aperçois Val Thorens. J’ai des frissons. Peu importe la place, peu importe à combien il est devant ou derrière, la victoire sur soi-même est énorme sur ce genre de Cyclo avec un parcours en haute montagne… Une petite victoire sur la vie me concernant.«
Par David Polveroni – Photos : DR
Tout a commencé 12 h plus tôt ici à Val Thorens. Il est 5h30, une petite trentaine de courageux est là, avec la petite lumière ou une frontale pour aborder la longue descente menant à Moutier. Une descente neutralisée, et j’en profite pour discuter avec Nico Raybaud, faire un petit pipi en bas. La journée sera longue, on s’allège un peu.
Nous arrivons rapidement au pied du premier géant du jour, le col de la Madeleine. Abordé à petit rythme, je laisse rouler ceux qui le souhaitent. Certains font l’épreuve en duo, le relais se fera à Bessans, donc leur gestion est différente. Je m’étais établi un petit plan dans la tête en adaptant avec l’adversité, pour venir à bout de cette épreuve dans le meilleur « état » possible. Cette ascension répond aux watts que je m’étais fixés pour ne pas trop puiser, un i2 haut. Au sommet le temps est couvert et certains prennent le temps de s’habiller. J’hésite à le faire et cela suffit pour perdre le contact des premiers.
Ça fait la descente. Je ne panique pas, au contraire, mais ce groupe va prendre une quarantaine de secondes d’avance. Ça va vite…
J’aborde le col du Chaussy assez fort, en voulant revenir, surtout que je vois deux hommes se détacher devant. Je vais revenir rapidement, trop peut-être… Bourgeois, le vainqueur du Tour des Stations l’an passé, ou encore plus récemment de la Haute Route Cran Montana, ne manque pas d’en remettre à mon retour. Il est facile. On continue à trois jusqu’au premier replat, à la reprise, ça repart, mais je paie les efforts et je peux pas suivre, je laisse filer. Très rapidement je vois que Bourgeois part seul. Et on se retrouve donc à deux.
1min30 de retard au col du Chaussy. Descente sereine, malgré une route défoncée par endroits. On arrive dans la vallée de la Maurienne. On roule, notre entente est excellente. Je sens que mes jambes répondent bien aujourd’hui. Je prends un tempo, au feeling, que je sens pouvoir tenir des heures et des heures.
Arrive la petite bosse d’Orelle, qui vient casser les pattes mais évite de rester trop dans la vallée. Le premier passe avec 3min30 d’avance en haut, ça va toujours aussi vite. Je ne fais aucun plan encore à ce moment là sur le classement. Je me concentre sur l’essentiel. J’écoute mon corps : économie, alimentation, grâce à mon collègue de la journée, il me ravitaille gentiment en boisson et bananes…
La météo est presque idéale, menaçante mais pas de pluie, pas de vent, une petite vingtaine de degrés. Top.
Traversée de Modane dans la circulation, et nous abordons le second petit casse-patte : la montée d’Aussois, inconnue pour moi, ça monte quand même pratiquement 7 km avec 500 m de dénivelé. Toujours à mon petit rythme, toujours la bonne jambe, je hausse un peu le rythme avant un replat à mi-pente. Et là, grosse surprise, nous voyons un cycliste en panique revenir sur nous 10 km/h plus vite. Paniqué, il nous demande s’il y en a devant. En fait, c’est Guillaume Bourgeois qui s’est trompé dans la descente. Je ne sais pas depuis combien de temps il est accroché à la moto, mais sur le coup, je suis quand même un peu choqué. Ça fait bizarre ! 15min d’avance à Bessans, l’organisateur remet les pendules à l’heure et je repars avec Johann 3min30 après lui.
Les choses sérieuses commencent, avec l’Iseran. Traversée de Bonneval-sur-Arc. J’adore ce village, atypique, je songe déjà à un prochain périple où je peux m’y arrêter. Un peu plus de 12 km avec quelques replats, et 900 m de dénivelé, le tout à plus de 2700 m au sommet, je connais bien pour l’avoir fait à plusieurs reprises. Tout de suite, j’ai envie de me retrouver seul. Je me sens plus fort que Johan et je veux monter à mon rythme.
Je le trouve rapidement et, bientôt, je ne le vois plus. C’est encore long, donc je gère toujours et encore. La petite limite qu’il ne faut pas dépasser. À ce moment-là, je sais que l’iseran va bien se passer. Je suis encore sur des temps et une distance dont j’ai l’habitude, même si on flirte avec des choses plus rares et difficiles.
Une chose va venir perturber ma bulle. L’homme de tête du parcours de 140 km, départ donné peu de temps après notre passage à Bessans, va revenir sur moi à mi-ascension. J’ai 195 km dans les jambes et plus de 4700 m de dénivelé, et il me met des attaques. Alors, ok, il m’attaque, mais je reviens sur lui sans chercher à le faire. Il crache, super… J’ai vraiment apprécié à cet endroit. Il va se mettre dans ma roue… Je lui explique au cas où il n’aurait pas compris que je ne fais pas la même course… Bon, il finit par partir, je coince petit à petit.
Mais je connais cette sensation et je sais bien gérer avec les forces du jour ces deux derniers kilomètres vraiment compliqués. Avec l’altitude et la fatigue, je suis presque « mal » au sommet. Je m’arrête mettre mon coupe-vent. Je sens que je manque de lucidité avec les efforts donc je veux rester très prudent et revenir à un état de « calme ». Je mange, je bois, et j’essaie d’économiser la moindre force dans cette descente. L’inconnu ou presque arrive pour moi. Mais je suis confiant. Excepté des douleurs plantaires ou articulaires, rien ne pourra m’empêcher de relier Val Tho.
La descente est longue, et avec beaucoup de trafic. Je suis bloqué derrière un Bus sur la seconde moitié. Mais pas de panique ni de prise de risque : économie physique et mentale.
Sur le bas, le second coureur du 140 revient sur moi. Nous quittons la route principale pour pimenter avec la petite côte de Villaroger, et surtout sa descente, un peu chaotique, pas trop reposante. Nous reprenons les routes de l’Étape du Tour 2019. Traversée de Bourg-St-Maurice, puis Landry. C’est dans une petite descente ensuite que Johan, qui après une belle descente, revient sur moi. Mais je suis très confiant sur les forces qu’il me reste.
À Macot je retrouve Gilles, un ami qui fait un bout de route avec nous. Dès le pied de la montée de Longefoy, j’imprime un gros rythme, et je pars seul. Les jambes sont encore bien, j’arrive à trouver une bonne allure. Un petit replat 2 km avant le sommet, et je souffle un peu en m’alimentant avant la descente qui sera difficile pour cela.
Ça tourne sans arrêt. Je fais une belle descente, du moins j’en ai l’impression. Dans la vallée reliant Moutier, sur 3 ou 4 km, le vent souffle fort et à nouveau je mets la main à la poche. Tout passe, du pain, du chocolat, des tartes aux noix, même un peu de taboulé dans une topette.
La dernière montée est longue, une trentaine de kilomètres. Je l’aborde sereinement et toujours en gestion avec mon corps, toujours prêt à devoir accélérer d’un petit km/h, d’une vingtaine de watts. Tout s’enchaine ensuite comme sur des roulettes, les panneaux kilométriques sur le bord de la route, comme les jambes. La pluie s’installe, au meilleur moment. Je vais rester couvert comme je suis c’est-à-dire juste mon maillot… Je tire les manchettes et enroule mon braquet jusque tout là haut.
Je me suis tout simplement régalé pendant 12h comme depuis longtemps.
J’ai bien aimé cette course contre soi-même avant de courir contre les autres. Car sur une telle longueur chaque effort se paie cash. Une superbe expérience, vraiment je le recommande à tous ceux qui le peuvent et surtout qui le veulent, car ce genre de défi, on apprend à se connaitre.
Prochain rendez-vous pour moi de ce type au Tour des Stations. Avec une revanche sur Guillaume Bourgeois ? À voir… On va surtout essayer de (re)trouver la forme si tout se passe bien car il manque encore pas mal de choses à mon goût pour être au top.
https://www.strava.com/activities/5569030116/overview
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