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Réellement s’entrainer à vélo est chronophage. Lorsque s’ajoute une vie professionnelle riche et une vie familiale prenante, l’équation semble insoluble.
Certes, le home trainer en général et Zwift en particulier ont changé la donne pour beaucoup conjointement à l’apparition de la pandémie de Covid-19 mais rien ne peut remplacer une vraie sortie sur route, tant pour le plaisir de rouler que pour le coup de pédale, légèrement différent de celui acquis « à l’intérieur ».
Pour autant, les horaires de travail sont pour beaucoup des « horaires de bureau » et correspondent à la durée du jour. Dans ces conditions et à moins d’utiliser un circuit éclairé ou des lampes très puissantes, ce qui peut parfois comporter quelques risques, le plus intéressant est de rouler entre midi et quatorze heures.
Par Olivier Dulaurent – Photos : Ozio, Ineos Grenadiers, Gruppospa, DR
Que des avantages en étant bien organisé
Ce laps de temps mis à profit pour s’entraîner ne semble comporter que des avantages :
– La température extérieure est la plus élevée de la journée, ce qui est bien agréable dès lors que le calendrier sort de l’été.
– La fatigue engendrée par une demi-journée de travail sera moindre que celle ressentie après une journée complète.
– La production d’endorphines, ces hormones du plaisir liées aux efforts d’endurance, vous rendront même plus efficaces l’après-midi avec la satisfaction d’un bel entraînement dans lequel la qualité est privilégiée. Pour la quantité et les heures de selle, il reste le weekend et ses sorties plus longues permettant de travailler davantage l’endurance.
– La vie de famille sera préservée puisque le soir venu, vous deviendrez totalement disponible ;
Dans la pratique, la pause accordée est souvent réellement de 2 h, ce qui laisse finalement 1h30 sur le vélo en comptant le temps pour enfiler et ôter les vêtements, la toilette ou mieux une vraie douche voire le repas comme nous allons le voir plus loin.
Il est évident que cette pratique demande une logistique bien huilée : pour cela et en fonction des aléas météorologiques, il faut être prévoyant. Vous devez donc disposer de toute la panoplie vestimentaire nécessaire sur votre lieu de travail, si possible dans un coin chaud, pour être « opérationnel » dès les premiers kilomètres.
Il va de soi que le temps est minuté dès le début de cette pause de 2 h. Aussi le gonflage des pneus, le remplissage du bidon devront être effectués le matin. A votre retour, du linge propre et sec sera bien sûr prêt pour permettre de redémarrer rapidement le travail sans s’attirer les foudres des supérieurs ! Les plus chanceux d’entre vous pourront disposer de véritables vestiaires avec les douches intégrées. Mais avec un minimum d’organisation et de matériel il est possible d’obtenir une hygiène corporelle correcte : de l’eau, un gant de toilette, une serviette, des lingettes et de l’eau de Cologne pourront suffire dans la plupart des cas. Bien sûr, vous pourrez oublier le superbe brushing arboré le matin en arrivant, mais tel n’est pas l’objectif de la journée.
Une modification des habitudes alimentaires
Avec la réorganisation de la journée autour de cet entraînement à l’heure où tout le monde déjeune, il convient de modifier ses habitudes alimentaires. Car, en plus des calories dépensées, vous serez dans l’incapacité de manger au moment où vos collègues peuvent se délecter d’un bon « coq au vin ». Ainsi, et pour éviter toute carence il conviendra de fractionner sa prise alimentaire tout au long de la journée.
Parmi les mesures indispensables, le petit déjeuner sera privilégié pour en faire un vrai repas diversifié avec au menu : fruits, céréales sous toutes ses formes, laitage et protéines. Pensez aux œufs et au jambon pour ceux qui peuvent en manger le matin, dont l’ingestion à ce moment là n’est souvent qu’une question de (bonne) habitude, adoptée par de nombreux autres pays européens. Pour couvrir les besoins en céréales, laitages et protéines, vous pouvez aussi faire preuve d’originalité avec du riz au lait, du gâteau de semoule ou quelques crêpes qui comportent les 3 catégories citées. Quelques sucres rapides pris en fin de repas pourront compléter l’apport en glucides.
Pour couvrir les besoins énergétiques totaux dus au surcoût énergétique de la séance du midi, mais aussi pour pouvoir patienter jusqu’au retour de l’entraînement, il devient également indispensable de prendre une collation vers 10 h, constituée par exemple de fruits, yaourt et/ou barre de céréale et pain d’épice : en effet, on ne pourra imposer à son organisme un jeûne d’environ 6 à 7 h au sein duquel on insère une séance de qualité ! Au cours de la séance, consommez préférentiellement des boissons énergétiques qui vous permettront de prévenir les fringales et de maintenir l’effort exigé.
Dès la descente du vélo, la priorité sera de restaurer le stock de glycogène et de favoriser la récupération. Plusieurs solutions s’offrent à vous en fonction du temps dont vous disposez et de la possibilité ou non de manger sur votre lieu de travail : fruits secs, fruits frais, boisson énergétique trouveront facilement leur place dans les premières minutes. Vous pouvez ensuite consommer un sandwich avec des protéines de bonne qualité (jambon, poulet, œuf) complété par un laitage. Tout en poursuivant l’hydratation dans l’après-midi pour arriver à un total minimum de 1,5 L d’eau dans la journée, une autre collation vers 16 ou 17 h à base de pain d’épice, laitages, biscuit pourra compléter l’apport calorique en prévision du repas du soir ou de l’entraînement du lendemain midi. Une grande importance devra être accordée au repas du soir pour compléter du point de vue qualitatif les autres groupes alimentaires de la journée : légumes cuits, poissons, viande, fruits secs (amandes, noix, noisettes) et féculents surtout si vous devez vous entraîner à nouveau le lendemain. En effet, malgré vos efforts diététiques, le repas du midi ne sera pas totalement équilibré et le soir venu il sera temps de compenser les carences.
1h30 de qualité
Nous prendrons pour exemple des entraînements d’1h30, ce qui semble être la durée raisonnablement envisageable pour une pause de « midi à deux ».
Au niveau du contenu d’entraînement, tout dépendra évidemment avant tout de votre pratique et de vos objectifs. En effet, les coureurs qui visent le début de saison n’auront pas le même contenu qu’un cyclosportif dont le but est d’être finisher sur l’Etape du Tour.
Etudions au préalable l’organisation d’une séance type :
- Malgré le temps limité accordé à l’entraînement, la séance débutera toujours par un échauffement d’une vingtaine de minutes durant lequel la fréquence cardiaque est augmentée jusqu’à 75% environ du maxi.
- Le corps de séance ne dépassera pas une heure. Au sein de celui-ci, la qualité est privilégiée.
- Enfin, les dix dernières minutes seront consacrées à un retour au calme nécessairement sur le petit plateau, en vélocité, afin de faire une récupération active pour éliminer les toxines musculaires.
Penchons-nous donc sur le contenu des séances.
A/ Cas concret d’un coureur ou cyclosportif préparant un objectif plutôt en début de saison (ou après 2 mois de compétition)
Pour être en forme tôt dans la saison il est temps, environ 2 à 3 mois avant l’objectif, d’attaquer la phase de développement du VO2Max c’est-à-dire en sollicitant des efforts à des allures voisines de la PMA (Puissance Maximal Aérobie, autrement dit l’intensité maximale mais stable que vous êtes capable de soutenir pendant 5 min) comme peut le faire le bien connu « 30/30 ».
Auparavant il aura été nécessaire d’inclure un cycle foncier assez long (2 à 3 mois également) incluant selon les séances des sprints courts (moins de 10 sec) effectués à 100% entrecoupés de temps de récupération voisins de 5 min, des sprints longs (30 sec environ), du travail technique de force et/ou de vélocité et déjà quelques efforts à allure PMA mais en privilégiant des temps de récupération plus longs que les temps d’effort.
Voici quelques exemples de séances. N’est mentionné ici que le corps de séance sachant que chacune d’entre elle est précédée d’un échauffement progressif et d’une phase de retour au calme déjà décrits plus haut :
Séance 1 : 1h de corps de séance. Débuter par 15 min progressives puis inclure 2 blocs de 8x (30 secondes allure PMA – 30 secondes récupération). Récupération de 5 à 10’ entre les deux blocs. Terminer souple.
Séance 2 : 1h de corps de séance. Débuter par 15 min progressives puis inclure 2 blocs de 5x (1 min allure PMA – 1 minute récupération). Récupération de 5 à 10 min entre les deux blocs. Terminer souple.
Séance 3 : 1h de corps de séance. Choisir une bosse de 800 à 1000 m de 4 à 8% selon votre niveau. La monter le plus vite possible en alternant passages en danseuse et passages assis sur la selle mais en moulinant. Temps d’effort = 3 min. Récupération sur la descente sur 3 min également en tournant les jambes. A répéter jusqu’au décrochage soit 5 à 10 fois.
Séance 4 : 1h de corps de séance. Débuter par 15 min progressives puis inclure 2 blocs de (10 min allure course / 5 min « 1-3 km/h plus vite » puis 30 sec le plus vite possible). Récupération de 10 min entre les blocs puis finir souple.
Il va de soit que les séances proposées ne sont que des exemples parmi beaucoup d’autres qu’il vaut savoir adapter à son niveau actuel. Toutefois, elles sont présentées avec une certaine logique au point de vue progressivité.
B/ Cas concret d’un cyclosportif préparant une cyclosportive de montagne en été
Si vos objectifs sont exclusivement estivaux, et que les cyclosportives d’avril ou mai ne vous intéressent guère, la phase foncière pourra se prolonger plus longtemps, à savoir jusqu’au mois d’avril.
Si la dominante est donc « volume », le paramètre « intensité » n’en est pas moins présent. Seulement, les exercices ne sauront être maximaux pour ne pas déclencher de pics de forme. C’est au contraire le moment de préparer l’organisme aux charges importantes d’entraînement qui suivront ou de passer un test d’effort pour vérifier les bienfaits du travail hivernal et avoir des références pour les séances qui suivront.
De fin février jusqu’à fin avril, les thèmes de travail seront les suivants : travail à allure « cyclosportive », travail de vitesse et d’explosivité ou encore renforcement musculaire « naturel ».
Détaillons donc les séances clefs de la préparation proprement dite. Entre les sorties longues en groupe du weekend il convient d’alterner les thèmes de travail exposés ci-dessous :
Séance 1 : Travail de la vitesse et de l’explosivité
1h de corps de séance. Inclure 6 sprints explosifs sur 20 à 30 sec petit plateau pour monter à la cadence de pédalage maximale que vous pouvez produire. Récupération de 10 minutes entre les efforts.
Au fil des séances on augmentera la charge de travail (8 puis 10 puis 12 sprints).
Séance 2 : Travail de la force maximale
A la manière de la séance 1 mais ici sur des braquets très différents, il conviendra de placer des sprints départ grand plateau (depuis 5 à 10 km/h) durant lesquels vous allez développer une puissance maximale pour lancer votre machine.
Séance 3 : Travail à allure course
Ici l’intensité correspond à une allure juste inférieure au « seuil anaérobie » ce qui aura pour effet de repousser la limite de celui-ci. Voyons les séances types :
1h de corps de séance, inclure 2 séries de 10 min allure cyclosportive. Au fil des séances on pourra augmenter la charge jusqu’à faire 2 x 30 min.
Un rappel de cette allure pourra être entrepris lors des sorties longues du weekend.
Séance 4 : Renforcement musculaire/Travail de l’endurance de force
Que vous suiviez ou non un cycle de travail de musculation en salle, il est important de transférer vos capacités musculaires au geste spécifique. Il est possible de faire ce genre de renforcement sur du plat ou en côte.
Dans le 1er cas sur 1h de corps de séance, inclure 2 séquences de 10 min « tout à droite » sur un terrain constitué de faux plats voire de côtes peu pentues, avec le plus gros braquet possible et donc la plus faible cadence de pédalage possible.
Fort logiquement ici encore on cherchera à augmenter la difficulté de manière croissante pour parvenir par exemple à deux séquences de 20 min.
Dans le 2ème cas (en côte), la méthode est plus connue : sur 1h de corps de séance choisir une bosse de 800 à 1000 m de 4 à 8% selon votre niveau. La monter avec le plus de braquet possible tout en conservant une bonne position : assis sur la selle, sans se déhancher et sans tirer sur le guidon avec une cadence de pédalage d’environ 40 rpm. L’exercice ne doit pas engendrer d’augmentation importante de la fréquence cardiaque (se limiter à 80% de FCmax ou 70% de la PMA). On cherchera à mouliner dans la descente.
Au fil des séances augmentez le nombre de répétitions.
En résumé, l’entraînement de midi à quatorze heures durant votre pause déjeuner peut devenir, à terme, la solution miracle pour les cyclistes ayant des disponibilités limitées eu égard à leurs obligations professionnelles et familiales. Si ceci vous oblige à une organisation très minutieuse et à un changement des habitudes alimentaires cette méthode permet de dégager de nouveaux créneaux d’entraînement et donc d’améliorer vos futures performances, à condition de savoir privilégier la qualité au sein de ses séances. Quels que soient vos objectifs vous y trouverez donc de nombreux avantages !
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