La bonne longueur de manivelles

Tous les équipementiers proposent des pédaliers avec différentes longueurs de manivelles, mais dans le même temps la plupart des vélos sont vendus complets avec des composants déterminés par les marques. Or, quel que soit votre gabarit, la longueur des manivelles compte réellement dans votre manière de pédaler. Devez-vous en prendre des plus grandes, des plus petites, ou vous contenter de l’offre de base ?

Par Guillaume Judas – Photos : Scott-Sports, Pixabay.com

Chez tous les équipementiers, il existe plusieurs longueurs de manivelles disponibles.

Shimano, Sram ou Campagnolo proposent leurs modèles de pédalier avec différentes longueurs de manivelles et différentes combinaisons de plateaux. Il en est de même pour les équipementiers spécialistes des pédaliers, comme Rotor, Stronglight, Praxis, etc., ou tous les fabricants de capteurs de puissance. Il y a quelques années, Look proposait même une solution intéressante avec un pédalier Zed 2 qui pouvait s’adapter en trois longueurs (170, 172,5 et 175 mm) grâce au positionnement d’un insert. Ces trois longueurs sont les plus courantes, mais en fonction des modèles de pédaliers, on peut trouver aussi des manivelles de 165 à 180 mm. 
Cependant, sur la plupart des vélos de série, vous n’avez pas réellement le choix de votre longueur de manivelles. Déterminées par des statistiques internes aux marques, les longueurs de manivelles sont dépendantes de la taille du vélo, tout comme la longueur de la potence, la largeur du cintre ou de la selle, ou même les développements. Tout ceci sans tenir compte des particularités morphologiques de chacun d’entre vous, de votre souplesse plus ou moins prononcée, de votre pratique, de votre expérience ou de vos habitudes.

On sait par ailleurs qu’un bon positionnement est essentiel pour le rendement, le confort et les performances à vélo. Et souvent, cela se joue à un ou deux millimètres près pour que l’organisme puisse donner le meilleur de lui-même, avec un vélo qui se comporte comme un véritable prolongement du corps.
Sur un vélo de série, le cycliste qui sait ce qu’il veut ou qui passe par une étude posturale approfondie doit souvent négocier avec le vélociste pour se voir échangé les composants de position, afin de rouler avec le vélo idéal. C’est d’ailleurs la moindre des choses qu’il peut attendre avec un vélo à 5000, 7000 voire à plus de 10 000 €. Mais c’est évidemment beaucoup plus compliqué avec la vente en ligne, où les vélos sont standardisés au maximum. Et lorsque les modifications sont possibles, il faut souvent payer plus cher. Restent alors les solutions d’opter pour un montage à la carte, ou d’acheter un pédalier supplémentaire à la bonne taille.

=> VOIR AUSSI : Trouver un pédalier avec la bonne longueur de manivelles

Comment se détermine la longueur de manivelles ?

Pour les marques de vélos, la longueur de manivelles est déterminée par la taille du vélo. Sur les vélos XS et S on trouve souvent des manivelles de 170 mm, sur les M et L des 172,5 mm, et sur les XL des 175 mm.

Une étude posturale permet de déterminer plus précisément quelle est la longueur de manivelles idéale.

Mais pour être un peu plus pointu, il faudrait plutôt s’intéresser à la longueur de l’entrejambe, ou plutôt au ratio entre la longueur de jambe et la taille totale. Car pour deux personnes d’1,75 m par exemple, il peut exister de grandes différences de morphologie, avec petites jambes et grand tronc d’un côté, et grandes jambes et petit tronc de l’autre. Une formule plus précise pour trouver la bonne longueur de manivelles pourrait être la longueur de l’entrejambe à laquelle on applique un coefficient de 0,216. Cependant, nous pouvons nous rendre compte que cela ne fonctionne pas pour les extrêmes, puisqu’il faudrait des manivelles de 150 mm pour quelqu’un qui a un entrejambe de 70 cm (ce qui peut être le cas chez les femmes de petit gabarit), et des manivelles de 190 mm pour quelqu’un qui a un entrejambe de 90 cm. Dans les deux cas, ces tailles de manivelles n’existent pas.

D’autres aspects sont aussi à prendre en considération, tels que la souplesse articulaire et musculaire du cycliste, la position qu’il adopte naturellement en selle, et bien sûr ses habitudes. 

Le bras de levier

Même si l’on s’en tient seulement aux trois longueurs de manivelles les plus répandues (170, 172,5 et 175 mm), ces différences de quelques millimètres ne sont pas négligeables en termes de position et de sensations. Entre 170 et 175 mm, la différence de longueur n’est pas perceptible à l’oeil une fois le pédalier monté sur le vélo. Pourtant, sur chaque tour de pédalier, la longueur du cercle (différence entre deux points extrêmes) décrit par le mouvement du pédalier varie de 1 cm entre ces deux longueurs de manivelles. Au niveau de la circonférence du cercle, la différence est de 3,14 cm (109,9 cm – 106,76 cm). Aux niveaux musculaire, articulaire et tendineux, on comprend aisément que cette différence influe sur l’amplitude du geste, d’autant plus qu’il est multiplié des milliers de fois par sortie.

En théorie donc, des manivelles plus grandes augmentent la circonférence du cercle, et donc le bras de levier. Avec la même force musculaire, un bras de levier plus grand donne plus de force à la transmission, et permet donc d’emmener plus facilement un braquet important. Mais ceci reste toutefois à pondérer en termes de puissance, qui est le produit de la force par la vitesse de rotation. Si l’agrandissement du cercle s’accompagne d’une vitesse de rotation plus lente en raison de l’amplitude nécessaire pour accomplir le geste, il n’y a aucun avantage à monter des manivelles trop longues.

Certaines études ont même démontré que pour un même athlète, des longueurs de manivelles de 160 à 190 mm ne changeaient pas la production de puissance, celle-ci étant d’abord déterminée par les capacités physiques générales du coureur. Néanmoins, il ne faut pas négliger encore une fois les contraintes musculaires, articulaires et tendineuses d’un geste trop ample par rapport à la taille de l’entrejambe. Des contraintes qui peuvent occasionner parfois des blessures profondes, en plus des courbatures habituelles au moment du changement d’un geste devenu à force presque automatique. 

Concernant la position, un changement de manivelles dans un sens ou dans l’autre doit s’accompagner d’une changement de la hauteur de selle, dans les mêmes proportions que la modification de la longueur de manivelles, de manière à conserver la même extension de la jambe lorsqu’elle est « tendue ». Si vous passez par exemple de 172,5 à 170, il vous faut augmenter la hauteur de selle de 2,5 mm.

=> VOIR AUSSI : Trouver un pédalier avec la bonne longueur de manivelles

Les avantages théoriques des manivelles plus petites

Parlons d’abord d’un aspect parfois négligé mais qui peut se révéler important lorsque votre pratique est réellement engagée, que ce soit sur route ou en tout-terrain : des manivelles plus courtes ont moins de chance de toucher le sol, que ce soit dans les virages (en pédalant), ou pour franchir des obstacles (pierres, racines, branches) et passer des dévers en VTT, en cyclo-cross ou en gravel. Sur les vélos de contre-la-montre ou de triathlon, le choix de manivelles plus courtes peut permettre pour les fabricants d’abaisser la position de la boîte de pédalier, pour ainsi baisser le centre de gravité du vélo et du cycliste afin de gagner en aérodynamisme et en stabilité.

L’autre intérêt d’opter pour des manivelles plus courtes concerne la position aérodynamique avancée et basse sur l’avant. Le choix de la longueur de manivelles modifie l’ouverture de l’angle entre la hanche et le tronc. Avec des grandes manivelles, l’angle est plus fermé, ce qui peut limiter la possibilité de s’abaisser vers l’avant en créant beaucoup de contraintes sur l’articulation de la hanche, avec éventuellement des douleurs associées.

C’est d’ailleurs une tendance constatée chez les coureurs de très haut niveau, qui adoptent des positions très agressives. Alejandro Valverde par exemple est repassé il y a quelques temps et à l’approche de la quarantaine à des manivelles de 170 mm, malgré sa taille d’1,76 m.

Enfin, l’avantage souvent jugé déterminant des manivelles plus courtes concerne la facilité supposée à « tourner les jambes » plus facilement, et donc à augmenter la cadence de pédalage. Avec pour conséquences une fatigue moins importante sur de longues distances, moins d’accumulations de déchets musculaires et une meilleure réactivité lors des accélérations.

Pas si simple

Au-delà de la théorie, qu’en est-il réellement sur le terrain ? Est-il vraiment avantageux de choisir des manivelles plus courtes pour une utilisation sur route ? 

J’ai pu en faire l’expérience très récemment lors de la réception d’un vélo de test. Voilà 36 ans que je roule régulièrement, sur des milliers de km chaque année. J’ai commencé à l’âge de 14 ans avec des manivelles de 165 mm (pour 1,50 m à l’époque). Pour mon entrée chez les Juniors, ayant un peu grandi (on ne se moque pas !), je suis passé à 170 pendant un an, puis aux 172,5 pour l’année de mes 18 ans. C’était l’époque d’Armel André, un ergonome venu du monde de l’automobile qui a été l’un des premiers à travailler sur des logiciels de positionnement. Une taille de manivelles un peu élevée pour mon 1,67 m, mais rendu possible par ma souplesse et ma vélocité de l’époque. Je n’ai plus jamais changé, à l’exception de quelques tentatives en contre-la-montre ou à VTT avec des 175 (qui me donnaient la sensation de grimper des escaliers deux marches par deux marches) ou avec quelques vélos de test livrés avec des 170. Cette dernière longueur m’a souvent dérangé, me donnant l’impression de ne pas pouvoir étendre les jambes et me limitant lors des efforts soutenus.

Passer d’un vélo à l’autre avec des longueurs de manivelles différentes peut perturber les sensations et le rendement.

Dernièrement, j’ai reçu un vélo commandé avec mes spécifications pour un test sur plusieurs semaines. Malgré ma demande, une erreur du mécanicien l’a fait parvenir avec des manivelles de 170. Dans l’absolu, ce n’est pas très grave, car j’ai un autre pédalier, en 172,5, que je peux monter sur ce vélo, le temps du test. Cependant, j’avais besoin pour cela d’un adaptateur, qui a mis plus de trois semaines à arriver.

J’ai donc effectué plus de 1000 km avec ce vélo en 170. J’ai pu en percevoir déjà les qualités, mais sans pour autant prendre un plaisir fou à son guidon. Je me suis senti comme « bloqué ». J’avais du mal à me relancer en danseuse, je me sentais m’écraser dans les faux plats, et dans les bosses plus longues je n’arrivais pas à me caler à la bonne intensité. Et la succession des sorties n’y changeait pas grand chose. Des sensations musculaires bizarres qui n’étaient pas corroborées sur Zwift, avec un autre vélo, équipé avec les bonnes manivelles.

Puis la pièce est enfin arrivée, et nous avons pu monter le bon pédalier. Dès les premières centaines de mètres, j’ai découvert une autre machine. J’ai enfin pu retrouver la bonne coordination en danseuse, entre les mouvements de jambes et ceux du haut du corps. Sur le plat, j’ai eu l’impression de pouvoir augmenter ma cadence en « envoyant » les jambes vers l’avant à chaque fois que je souhaitais accélérer. Et plus étonnant encore, j’ai retrouvé un équilibre parfait (50/50) entre la puissance des deux jambes, ce qui n’était pas le cas avec les 170.

En passant directement de manivelles de 170 à 172,5 sur un vélo que j’avais déjà eu le temps d’apprivoiser, je me suis aussi rendu compte que je pédalais avec un geste très légèrement moins rond, avec peut-être des temps morts un peu plus marqués sur les points haut et bas du tour de manivelles, mais j’ai cependant eu l’impression que ces tout petits relâchements de la pression musculaire à chaque tour de pédale favorisaient une « micro récupération » que je n’ai pas ressenti avec les 170.

Il n’y a pas de règles établies concernant la longueur des manivelles. Le mieux est d’effectuer différents tests.

Début 2017, lors du test du système d’étude posturale Bikefitting, l’opérateur avait remarqué que l’efficacité de mon pédalage était meilleure avec les manivelles de 172,5, alors qu’avec ma taille, il m’avait dirigé naturellement vers les 170. Un constat fait aussi quelques mois plus tard lors du test du système de positionnement Retül de Specialized. Après des centaines de milliers de km effectués avec des 172,5, mon corps y est tellement habitué qu’il se trouve un peu perdu et moins efficace avec une autre longueur.

=> VOIR AUSSI : Trouver un pédalier avec la bonne longueur de manivelles

La longueur de manivelles est donc bien un sujet bien plus compliqué qu’il n’y parait, au-delà des théories aussi intéressantes les unes que les autres, mais qui ne peuvent être vérifiées que sur le terrain ou après une bonne étude posturale dynamique, qui tient compte non seulement de vos particularités morphologiques, mais aussi de vos caractéristiques musculaires et de la manière dont vous roulez.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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3 commentaires sur “La bonne longueur de manivelles

  1. Je pédale depuis 20 ans sur un VTT avec des manivelles de 175 pour mes 1.68m. J’y trouve un avantage en côte, en terme de réactivité. Sur route (avec des roues à pneus fins), je peux mouliner avec un braquet plus long, ce qui me met loin devant les vélos de route. Mais peut-tre y a-t-il une relation avec ma difficulté à trouver une selle confortable (mouvements du bassin?). Mon nouveau gravel est livré en 170, j’ai l’impression de manquer de jus, mais je suis bien assis.

  2. Y-a-t-il une augmentation de puissance avec des manivelles plus longues qui premettrait d’affrronter des pentes plus abrutes avec les meme brackets?

    1. Avec des manivelles plus longues, vous avez plus de bras de levier, donc plus de « force » surtout avec une fréquence de pédale faible. Mais il ne faut jamais oublier que la puissance en soit, c’est une combinaison entre la force et la cadence.

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