Partager la publication "Essai du Specialized S-Works Aethos"
Partager la publication « Essai du Specialized S-Works Aethos »
C’est la surprise de l’automne chez Specialized : l’Aethos bouscule les normes établies ces dernières années en termes de poids, d’accessibilité et de confort. Il répond ainsi aux attentes de nombreux pratiquants, qui ne se retrouvent pas forcément dans des vélos destinés au départ pour les coureurs professionnels. La version S-Works est très haut de gamme comme nous avons pu le constater lors de ce premier test.
Par Guillaume Judas – Photos : Pauline Ballet / @paulineballet
Une fois de plus, la sortie d’un vélo Specialized agite la cyclosphère, que ce soit sur les forums ou les réseaux sociaux. Trois mois après la présentation du Tarmac SL7, déjà quasiment introuvable en magasin car victime de son succès pour ce qui concerne la gamme 2021, la marque américaine prend tout le monde à contrepied avec un vélo d’apparence simple et épurée. Sur l’Aethos on ne trouve ni tubes aux formes surdimensionnées et aérodynamiques, ni intégration des durites de frein, et on revient même à un collier de serrage de tige de selle traditionnel et à un boîtier de pédalier à roulements externes. Avec un profil très classique pour un vélo de route sportif qui ressemble fort à certains cadres en carbone du milieu des années 2000, l’Aethos bouleverse le discours marketing parfois ressenti comme étant particulièrement agressif de Specialized ces dernières années, et notamment dans les domaines de la rigidité et de la trainée aérodynamique.
C’est en revanche en termes de légèreté que l’Aethos se distingue, et assez largement. On sait que Specialized est l’un des fers de lance du freinage à disque, avec une gamme 2021 où ne subsiste plus aucun vélo avec un freinage à patins. Le premier grief à l’encontre de cette technologie concerne une inévitable prise de poids (entre 500 g et 1 kg selon le niveau de gamme du vélo). La conception d’un vélo à disque très léger résulte donc d’une stratégie cohérente par rapport aux attentes des pratiquants, et le résultat est à la hauteur des annonces faites en ce sens : notre Aethos d’essai en Shimano Dura-Ace Di2 et en taille 52 pèse exactement 6,440 kg complet avec pédales et porte-bidons, soit 6,130 kg lorsqu’il est comparé aux autres vélos vendus sur le marché.
L’autre objectif de la marque avec l’Aethos est de rendre le vélo plus abordable physiquement que les modèles conçus pour les coureurs professionnels et ceux qui recherchent la pure performance. Un vélo tolérant dans son comportement, moins pointu à utiliser qu’un Tarmac SL7 pour le cycliste moyen, mais qui reste sécurisant et surtout solide. Dans sa version la plus haut de gamme et la plus légère S-Works, l’Aethos n’est monté avec aucun composant exotique ou artisanal, et il est garanti pour supporter un utilisateur qui pèse jusqu’à 125 kg. Un vélo facile et rassurant, mais pas accessible à toutes les bourses, puisqu’il faut débourser 11 799 € pour s’offrir le modèle essayé ici.
Un cadre hyper léger
L’Aethos S-Works, c’est avant tout un cadre extrêmement léger et annoncé à 588 g nu, soit environ 230 g de moins que le Tarmac SL7 S-Works, ou encore 50 g de moins qu’un Factor O2 VAM, 80 g de moins qu’un Canyon Ultimate CF Evo et 130 g de moins qu’un Trek Emonda SLR 9. Il est plus léger que n’importe quel châssis pour freinage à patins présenté jusque là, alors qu’on parle bien d’un kit cadre prévu uniquement pour le freinage à disque (avec la résistance sur les zones clés que cela implique). La fourche évolue quant à elle autour de 300 g.
Ce poids plume a été obtenu grâce à des super calculateurs et à des milliards de simulations, en tenant compte des évolutions des fibres de carbone et notamment de la nomenclature Fact 12r déjà utilisée sur le Tarmac SL7 pour ses qualités de rigidité et de légèreté. En mettant de côté volontairement une architecture destinée à mieux pénétrer dans l’air et en se focalisant sur le meilleur rapport entre le poids, la résistance et le confort, les ingénieurs de la marque américaine ont ainsi opté pour des tubes presque ronds, avec des formes elliptiques à certains endroits, comme aux abords de la douille de direction ou de la boîte de pédalier, sans ajouter plus de matière que nécessaire. Une construction qui permet au cadre Aethos (non S-Works) avec les fibres de carbone moins haut de gamme en Fact 10r d’être annoncé à 680 g, soit à peine 100 g de plus que le S-Works. Notons qu’en vélo complet ou en kit cadre, l’Aethos n’est compatible qu’avec des transmissions électroniques, avec ou sans fil.
Les six tailles de cadre proposées (contre sept pour un Tarmac puisqu’ici le 44 n’est pas présent au catalogue) sont étudiées indépendamment les unes des autres en ce qui concerne le diamètre des tubes, ce qui permet à Specialized de promettre le même comportement du vélo, quelle que soit la taille du pratiquant.
Autour du cadre, l’effort est également consenti sur des composants comme le collier de serrage de selle ou l’expandeur de jeu de direction afin de grappiller des grammes là où c’est possible, mais sans transiger ni sur la fiabilité, ni sur la maintenance. L’Aethos peut supporter un cycliste jusqu’à 125 kg et la marque abandonne définitivement les roulements de type Press Fit au niveau du pédalier pour revenir à des roulements externes, un peu plus lourds mais qui évitent de nombreux craquements à l’utilisation.
En termes d’équipement, les deux groupes proposés (Shimano Dura-Ace Di2 et Sram Red eTap AXS) dans cette version S-Works à 11 799 € sont d’un poids sensiblement équivalent, autour de 2500 g. Dans les deux cas, avec 11 ou 12 vitesses, il s’agit de transmissions luxueuses, fiables et éprouvées. Compte tenu du niveau de gamme du vélo, l’Aethos S-Works est proposé d’office avec un capteur de puissance. Le modèle 4iiii estampillé Specialized de notre vélo d’essai en Dura-Ace rajoute environ 25 g au groupe complet.
Potence, cintre et selle Power sont issus de la gamme S-Works du fabricant américain, et eux aussi largement éprouvés. C’est fiable, léger, bien fini, ergonomique et confortable à l’usage, même sur de longues sorties. La tige de selle Alpinist de la marque soeur Roval est annoncée à 136 g, mais tout en restant pratique au niveau des réglages de recul ou d’inclinaison de la selle. Quant aux roues Roval Alpinist CLX, nous avions déjà eu l’occasion de les essayer lors du test du Tarmac SL7 et de les comparer avec les Rapide CLX. Ce sont des roues à pneus très légères (1258 g la paire) et polyvalentes, mais également suffisamment rigides pour se montrer efficaces sur tous les terrains sans bouger. Elles sont montées avec des pneus Turbo Cotton, là aussi très haut de gamme même si pas spécialement les plus légers du marché. Ils conviennent dans tous les cas à merveille au comportement d’ensemble de l’Aethos. Précisons enfin que le nouveau cockpit Roval Alpinist à 274 g est réservé quant à lui à l’édition limitée de l’Aethos, le S-Works Founder’s Edition.
L’Aethos S-Works en vélo complet à 6,1 kg dispose ainsi d’un montage homogène et cohérent, mais il ne fait aucun doute que le kit cadre peut être à la base de montages plus extrêmes, ce qui pourrait même permettre de battre certains records, comme vous pouvez le voir ci-dessous. Specialized bouscule les idées reçues avec l’Aethos et offre au freinage à disque de nouveaux horizons dans le domaine de la légèreté.
Dans une autre dimension
En soupesant l’Aethos S-Works, on mesure aisément l’écart avec un vélo à disque de milieu de gamme, et même avec les modèles aéros récents. Le poids est stupéfiant, et il s’accompagne d’une maniabilité et d’une vivacité presque sans égales. En se dressant sur les pédales pour lancer la machine, on ressent la docilité et la liberté de la direction, mais sans pour autant subir un manque de rigidité ou de fermeté du poste de pilotage. Avec le montage proposé, il est possible de s’appuyer sans crainte sur le cintre en agrippant les manettes de frein. Nous sommes loin de certains montages légers avec des composants extrêmement souples (et fragiles) dont nous avons le souvenir.
Le poids est stupéfiant et il s’accompagne d’une maniabilité et d’une vivacité presque sans égales.
Les premiers hectomètres démontrent les excellentes qualités de roulement du vélo, même s’il manque évidemment d’un peu d’inertie par rapport à des modèles plus typés pour la compétition. Il semble rouler sans frottement, et sans un bruit autre que le chuintement des pneus sur la route. Les appuis sont fermes, avec un cintre qui reste bien en phase avec le comportement de la douille de direction, et une selle qui supporte le poids du cycliste sans s’affaisser. Néanmoins, le contact avec la route reste feutré, mais sans mollesse. Le vélo est confortable et complaisant mais jamais flou avec des roues qui suivent toujours la même trace, quelles que soient les sollicitations. Bien sûr, les pneus Turbo Cotton participent à ce confort global et à ce toucher de route soyeux, même s’ils sont gonflés ici à 7 bar. Mais ils ne sont pas les seuls sur le marché à offrir ces caractéristiques.
Les routes vallonnées du Cap Corse montrent qu’il n’est pas nécessaire de jouer excessivement du dérailleur pour apprécier l’Aethos. On peut rouler avec du couple sur les pédales sans buter sur la rigidité latérale du cadre. Celui-ci semble légèrement accompagner les mouvements de rotation du pédalier sans que l’ensemble du vélo ne se désunisse. Le nouveau Specialized est un vélo facile à manier et à emmener. Un comportement fort appréciable lors des sorties en groupe en discutant où on ne subit jamais le vélo, et encore plus en fin de sortie avec la fatigue. La marque parle de plaisir avec l’Aethos. Une nouvelle dimension de la pratique du cyclisme pas toujours prise en compte par les fabricants jusqu’à présent et qui ici nous rappelle un comportement proche des vélos haut de gamme en acier du siècle dernier, en bien plus léger.
C’est en abordant la montagne, et quel que soit le sens de la pente d’ailleurs, que l’on comprend aussi la véritable raison d’être de l’Aethos. Que l’on s’entende bien : un vélo d’un kilo de moins ne changera pas radicalement vos performances, surtout si vous avez un bon coup de fourchette. En revanche en termes de plaisir et de sensations, c’est tout autre chose. Il y a ce côté facile déjà, qui vous autorise certaines erreurs de braquet et vous permet d’évoluer sur une plage de cadence de pédalage plus étendue qu’avec un vélo très rigide. Si vous vous sentez buter sur le pourcentage sur quelques dizaines de mètres ou en prenant un virage à la corde, le vélo se relance aisément en danseuse en offrant juste ce qu’il faut d’élasticité afin de vous permettre d’utiliser votre propre poids pour propulser la pédale. Une sensation éphémère, mais aérienne et qui vous donne l’impression de pouvoir affronter n’importe quelle pente. Sur les routes rugueuses de Balagne, le confort et la motricité du vélo sont aussi des atouts car il ne rebondit pas sur les trous ou gravillons, et il vous permet de faire corps avec le bitume. Enfin, cette légèreté procure une sensation de nervosité qui vous donne envie de changer fréquemment de rythme, ce qui peut rapidement fatiguer vos adversaires ou vos compagnons de route.
Bien que proposé avec une taille de moins que le Tarmac SL7, l’Aethos bénéficie quasiment de la même géométrie, avec pour seules différences un sloping légèrement supérieur et une douille de direction à peine plus haute pour compenser l’absence de potence prévue pour l’intégration des câbles. Il conserve ainsi la maniabilité légendaire des Specialized, même ici en taille 52. Dans les enchainements de virages serrés, le vélo est joueur et très précis. Il rassure en prenant de l’angle, et se montre même beaucoup moins radical qu’un vélo plus rigide. Sur les routes tortueuses de Corse, on a la sensation qu’il peut pardonner quelques fautes de trajectoire sur des virages qui se referment, et que sa souplesse toute relative lui permet de parfaitement épouser le terrain tout en prenant de l’angle sur l’épaulement des pneus. C’est seulement en prenant beaucoup de vitesse et sur les courbes rapides qu’on le trouve moins stable que le SL7. Avec les roues Alpinist CLX en 33 mm de haut, il est même sensible aux vents latéraux qu’on peut trouver à flanc de montagne et en dévalant les pentes à tombeau ouvert. Bref, c’est à une allure plus raisonnable que celle d’un pro que l’Aethos s’apprécie d’abord.
D’ailleurs, plusieurs kilomètres à bonne allure en faux plat descendant montrent tout de même certaines limites de l’Aethos. Le vélo ne s’écrase pas quand on emmène le braquet, mais parait manquer de souffle au dessus de 40 km/h. Il est clairement moins efficace que le SL7 dans ce domaine. Quelques sprints successifs sur une route en faux plat montant montrent un comportement qui limitera là encore les compétiteurs : lors des accélérations énergiques ou sur des passages en force (au-delà de 600-700 watts), l’Aethos manque de fermeté latérale et semble dissiper quelques watts au moment de l’effort décisif. Mais cette machine exclusive, d’ailleurs interdite telle quelle au départ d’une compétition officielle en raison de son poids inférieur à 6,8 kg, n’est pas faite pour ça.
Un vélo pour qui ?
À l’instar de Porsche dans le domaine de l’automobile, Specialized livre une nouvelle fois une copie presque sans faute même si le prix peut sembler excessif et que l’excellence dans un domaine n’est pas forcément celle qui est recherchée par tout le monde. S’il faut bien garder à l’esprit que l’acquéreur d’une 911 n’est pas toujours celui d’un Cayenne, il en est de même pour l’Aethos par rapport à un Tarmac ou un Roubaix.
Léger, vif, maniable, confortable et facile à utiliser même pour les pratiquants de niveau modeste, l’Aethos distille un plaisir inégalé à ce jour, parfois au détriment de la performance pure mais seulement lorsqu’il est nécessaire de le pousser dans ses retranchements. Il s’adresse donc avant tout aux chasseurs de cols et aux épicuriens du vélo qui ne veulent pas toujours avoir l’œil rivé sur le compteur, tout en s’assurant de ne pas être perclus de courbatures le lendemain de leur sortie dominicale. Avec l’Aethos, Specialized a ainsi réussi à proposer une machine différente mais complémentaire du Tarmac SL7, qui comble en quelque sorte un vide dans la gamme en poussant encore un peu plus loin les caractéristiques de l’ancien SL6.
Quant au tarif très élevé, il n’est pas seulement du fait de Specialized avec ce modèle S-Works, compte tenu de niveau de gamme et de la valeur des composants, des technologies employées et même de la présence d’un capteur de puissance.
SPECIALIZED AETHOS S-WORKS |
Note : ***** Les + : Légèreté, confort, accessibilité, nervosité Cadre : Aethos S-Works, carbone Fact 12 R – Fourche : Specialized Fact Carbon Disc (axe traversant) – Cintre : S-Works compact – Potence : S-Works – Freins : Shimano Dura-Ace R9170 hydrauliques 160/140 mm – Dér. Avant : Shimano Dura-Ace R9150 Di2 11 v. – Dér. Arrière : Shimano Dura-Ace R9150 Di2 11 v. – Leviers : Shimano Dura-Ace R9170 hydrauliques Di2 – Cassette : Shimano Dura-Ace 11-30 – Chaîne : Shimano Dura-Ace 11 vitesses – Pédalier : Shimano Dura-Ace 52/36 (avec capteur de puissance 4iiii Specialized) – Roues : Roval Alpinist CLX – Pneus : Turbo Cotton 700×26 – Selle : Body Geometry S-Works Power – Tige de selle : Roval Alpinist carbone – Poids : 6,130 kg en taille 52 sans pédales – Nombre de tailles : 6 – Prix : 11 799 € – Kit cadre : 4499 € |
Contact : www.specialized.com |
=> VOIR AUSSI : Tous nos articles Matos
Partager la publication « Essai du Specialized S-Works Aethos »
Partager la publication "Essai du Specialized S-Works Aethos"