Partager la publication "Un nouveau vélo, qu’est-ce que ça change ?"
Cela fait déjà plusieurs années que vous rouliez sur votre monture, et ça y est, vous venez d’acquérir une nouvelle bicyclette. C’est évident, vous sentez immédiatement des différences. Mais alors, au-delà du poids, de la rigidité, de l’impression de confort, de la géométrie, de l’ergonomie, qu’est-ce qui change lorsqu’on roule avec un nouveau vélo ? Qu’est-ce qui fait que les sensations peuvent être si différentes ?
Par Jean-François Tatard – Photos : Pauline Ballet, Jean-François Tatard
Si pour beaucoup, le sur mesure représente la machine ultime, il n’est pas si évident que ça de déterminer ce qui caractérise le mieux un vélo. En fait, chaque constructeur a sa définition à lui de la machine ultime. D’un constructeur à l’autre, la géométrie – c’est-à-dire cette alchimie complexe de longueur de chaque tube en fonction de la taille – est différente. Chaque constructeur a ses convictions en la matière qui peuvent influencer le pilotage ou la « conduite » du vélo, plus exactement une succession de réactions que vous pourrez rapidement ressentir en passant d’une machine à l’autre. Même si vous retrouverez quasi systématiquement la même hauteur de selle, vous serez par contre plus ou moins à l’avant sur un vélo, vous aurez plus ou moins d’angle de selle sur un autre, la fourche aura plus ou moins une inclinaison différente qui pourra influencer le comportement de la roue avant. Un ensemble de comportements pas uniquement lié à la taille ou l’angle des tubes d’ailleurs. Avec le carbone et ses technologies associées, il est maintenant possible de modifier le comportement d’un cadre en fonction des différentes couches de carbone, pour rigidifier ou assouplir certaines parties spécifiques.
Et si vous vous appuyez sur une étude posturale pour reporter vos cotes d’un vélo à l’autre, tenez compte également du contexte dans lequel vous l’avez faite. Vous n’aurez peut-être pas les mêmes dispositions physiques et physiologiques qu’à un autre moment dans l’année…
Question de feeling
Un nouveau vélo réglé sur mesure sur les cotes de votre précédente monture, ce n’est finalement pas la garantie d’obtenir les mêmes sensations. Chaque monture, même réglée à l’identique, demande un temps d’appropriation. D’après Dany Maffeïs, mécanicien cycle et accessoirement coureur cycliste Elite encore en activité, « un nouveau vélo nous demande d’être attentif à notre corps, d’identifier des points de résistance potentiels par exemple. Vous pouvez avoir fait votre montage sur mesure, et avoir mal au cou avec les mains en bas une fois mis en dynamique. C’est la même chose avec les poignets. La selle aussi qui s’affaisse et dont la forme change au fil des kilomètres. La texture du revêtement aussi se modifie par les frottements. Ce sont des paramètres auxquels il faut faire attention. »
La selle
Une selle, ça se creuse ! Et sur mesure elle le devient… Votre sensation n’est jamais la même avec une selle pourtant identique. Car cela dépend aussi de l’usure. Progressivement, vous allez vous trouver de mieux en mieux posé. Et si, malgré vos réglages, vous vous sentez trop court ou trop long, c’est peut-être la potence qui pose problème. Vous pouvez avoir la même longueur entre la selle selle et l’axe de cintre et vous sentir trop court ou trop long. Cela dépend aussi de l’angle de selle. Sans oublier non plus l’assiette de selle. Bref, le vélo ce n’est pas que des mesures en mètres et en centimètres. Le vélo c’est aussi des angles en degrés.
Et en parlant de degrés…
Et en parlant de mesure en degrés, si vous êtes ok avec la longueur de votre potence, avez-vous vérifié son inclinaison ? Si la longueur est la priorité, il n’est pas certain que les études posturales soient aussi précises que vos propres sensations en dynamique. Rien ne vaudra jamais votre perception en mouvement. Et c’est la même chose avec l’angle de la potence. Il est même possible que vous la changiez au fil des kilomètres dans la saison. Peut-être parce que votre silhouette s’affine. Ou alors parce que vous vous assouplissez. Il faut absolument tâtonner. Ce n’est pas parce que vous reprenez exactement les mêmes cotes avec votre nouveau vélo que vous ne devrez pas changer certaines dispositions, certaines hauteurs, certaines angulations, certaines inclinaisons, certaines mesures, etc. Saviez-vous par exemple que l’angle se selle au niveau du boîtier de pédalier peut varier de 71 à 75 degrés ? Cela change la position de la selle par rapport à l’aplomb du pédalier. Là aussi, ça peut donner des perceptions très différentes alors que tout est pareil sur les autres cotes.
Ce n’est pas parce que vous reprenez exactement les mêmes cotes avec votre nouveau vélo que vous ne devrez pas changer certaines dispositions, certaines hauteurs, certaines angulations, certaines inclinaisons, certaines mesures, etc.
Les angles des tubes
Si le sloping est la première chose évidente à l’œil, celui-ci n’est que virtuel. En revanche, l’angle du tube de selle peut avoir une influence sur la façon dont on se sent sur tel ou tel type de terrain. Sur le plat ou pour rouler vite, on peut avoir tendance à chercher à s’avancer, parce qu’on adopte une position plus basse du buste. À l’inverse, en grimpant ou en roulant sur de longues distance, on peut avoir tendance à chercher à se reculer. Alors on s’adapte aussi a ce qui nous intéresse comme relief de parcours sachant qu’on ne changera pas non plus la position en cours de route. L’angle de la douille de direction joue sur la nervosité ou la stabilité de la direction. Un angle plus redressé que la moyenne donnera une direction hyper vive et précise, mais moins stable à haute vitesse. Pour faire face à cette contradiction et offrir à la fois nervosité et stabilité, certains constructeurs arrivent à modifier la rigidité de la partie avant. Cela fait partie aussi des éléments qui distinguent un vélo haut de gamme d’une machine de premier prix.
Le diable est dans le détail
Même un ruban de cintre différent sur votre guidon peut vous amener une perception différente. Que ce soit sa matière, sa composition, sa nouveauté, etc. Alors je ne vous parle même pas du cintre. Si on se réfère le plus systématiquement à la largeur d’épaule et que, ensuite, on avise, le point à vérifier, c’est le drop. Le drop c’est quoi ? Le drop c’est la distance entre le haut et le bas du cintre. Et pour être clair, en général, moins il y en a, mieux ça vaut. D’où l’explosion des cintres dits compacts qui présentent entre 125 et 130 mm de drop comme nous l’explique encore une fois, Dany Maffeïs.
La position parfaite
Finalement, déterminer la position parfaite est très subjective, et d’un cycliste à l’autre la sensibilité par rapport à la position, mais aussi aux matériaux, au contexte, aux conditions dans l’espace par rapport à une référence et peu importe quelle est-elle, font que vous n’aurez jamais exactement les mêmes sensations même avec un deuxième vélo réglé au millimètre près comme le premier. La méthode choisie pour la prise de cote aussi parfaite soit-elle aura toujours une part d’incertitude. Et cela est lié à la position des points d’appui en fonction de votre pratique, mais aussi de sa morphologie, de sa souplesse qui elle-même évolue, ses éventuels handicaps, ses pathologies et l’équipement qui va avec (chaussures, pédales, vêtements, etc).
Au final, c’est votre feeling sur le vélo qui compte le plus. La position parfaite ou ce qu’on définira comme la machine ultime c’est vous qui la ferez avec votre nouveau vélo et peu importe si on vous dit que vous avez le buste trop incliné ou les bras cassés. En fonction de si vous moulinez ou de si vous emmenez du braquet, la position ne sera jamais la même et la perception qui va avec aussi. La fréquence de pédalage est un autre élément à prendre en compte. C’est vous qui la définissez. Pensez aussi aux chaussures. C’est un élément très important car c’est par elles que passe toute la force développée au pédalage. En cyclisme, il faut optimiser ce point en particulier et avoir une chaussure vraiment adaptée et personnalisée au niveau des réglages. Faites-vous aider ! Elle ne doit pas être que belle… Si ça se trouve, c’est votre pédalage lié à un changement sur la chaussure elle-même qui fait que les sensations sont différentes. Y aviez-vous pensé ?
Les matériaux
Acier, aluminium, titane, carbone : chaque matériau, de prime abord, offre des prestations différentes mais c’est aussi qu’ils évoluent et vieillissent tous différemment. A priori, un cadre carbone ne vieillit pas au niveau de sa structure. Mais sur un vélo qui a bien vécu, ce sont tous les autres éléments qui souffrent au niveau de leur rigidité ou de leur nervosité : roues, poste de pilotage, pédalier, pédales… Cela aussi joue sur la perception et les sensations lorsqu’on enjambe un nouveau vélo.
D’un niveau de gamme à l’autre
C’est entre un cadre d’entrée de gamme – même fabriqué à base de fibres de carbone – et un cadre de haut de gamme que vous ressentirez le plus de différences de comportement, principalement en raison des propriétés dynamiques données par la complexité de la fabrication. Ainsi, certains modèles sont composés de pas moins de 500 pièces de carbone, placées stratégiquement pour offrir le meilleur compromis entre rendement, confort et poids léger. Ensuite, vous avez les roues, plus ou moins légères, plus ou moins rigides, plus ou moins aérodynamiques, avec des roulements plus ou moins fluides et durables. Les pneumatiques offrent aussi des sensations très différentes, et des performances en termes de résistance au roulement et d’adhérence qui peuvent transformer le comportement d’un vélo. Enfin, il y a la transmission, plus ou moins précise et rapide. Tous ces éléments influent sur le poids total du vélo, mais aussi sur son dynamisme.
Certains cadres sont composés de pas moins de 500 pièces de carbone, placées stratégiquement pour offrir le meilleur compromis entre rendement, confort et poids léger.
Les prix pratiqués sont-ils justifiés ? Pas forcément si l’on tient compte seulement des subtiles différences entre certains niveaux de gamme, qui ne valent pas toujours l’écart de prix. Mais oui si l’on considère que la nouveauté, l’exclusivité et la perfection, comme dans n’importe quel domaine, ont leur justification. Néanmoins, c’est dans le milieu/haut de gamme – des vélos autour de 5000 € – que l’on trouve les meilleures affaires. Reste que l’entrée de gamme bénéficie aussi à terme de ses évolutions, et un vélo autour de 2500 € n’est pas aujourd’hui moins bon qu’un vélo au prix équivalent d’il y a quelques années.
Le saviez-vous ?
Un vélo de pro est confortable à 40 km/h, mais lorsque vous roulez à 25, il l’est beaucoup moins. En réalité qu’est-ce qu’on veut dire aussi par là ? C’est que c’est la position qui rend le vélo confortable plus que le vélo lui-même. Alors, la plupart du temps, les différences de sensations d’un vélo à l’autre sont surtout le fait de différences dans la position. Des différences qu’il faut aller vérifier au niveau des appuis, des angles, des mesures (et il y en a plus qu’on ne le pense), de l’usure des matières (cuir, lièges, fibres, etc). Et ce n’est pas qu’un détail, ou l’effet nouveauté…
=> VOIR AUSSI : Tous nos articles Matos
Partager la publication "Un nouveau vélo, qu’est-ce que ça change ?"