Humeur : la deuxième vague

Le spectre de la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 plane sur nos têtes et montre que le virus circule encore. Seuls les comportements responsables peuvent limiter sa propagation, et notamment les mesures de distanciation sociale. C’est une évidence. Nombreux sont pourtant les cyclistes à avoir anticipé le déconfinement total, et sans la moindre précaution malgré les consignes gouvernementales. Une attitude détestable et finalement à la mesure de l’égoïsme à la française.

Par Guillaume Judas – Photo : Pixabay.com, Flickr.com

L’apparition du virus. Les premiers malades. Les premières mises en quarantaine. L’annonce des premiers décès. L’engorgement des hôpitaux. Le cafouillage des autorités sur la nécessité ou non du port du masque pour se protéger. L’annulation des rassemblements, sportifs notamment. Le report des calendriers. Le confinement. La crise. C’est un véritable choc que nous avons tous vécu en ce printemps 2020 qui ne sera définitivement pas comme les autres. Et pourtant, il est resté des gens pour croire qu’on en faisait trop, que le Covid-19 n’est rien de plus qu’une maladie infectieuse comme les autres et à peine plus dangereuse qu’une grippe.

Au-delà des annonces anxiogènes qui ont fait état chaque jour du bilan des personnes hospitalisées ou décédées d’un virus qu’on ne maîtrise pas encore, des mesures radicales ont été prises dès la mi-mars, les seules susceptibles de limiter sa propagation avec le confinement. Cette obligation de rester chez soi et de limiter les sorties au strict nécessaire a été plus ou moins bien supportée selon les conditions d’habitation. L’économie a été mise au ralenti et certaines activités ont même été stoppées complètement pendant deux mois ou plus, avec des conséquences inévitables à moyen terme, en ce qui concerne la survie des entreprises et avec les risques de pertes d’emplois associés.

Humeur : la deuxième vague
Pendant le confinement, il a fallu remettre à plus tard les sorties collectives et même l’activité physique en extérieur la plupart du temps.

Dans ces conditions, la stricte limitation des activités physiques (1h dans un rayon d’un kilomètre autour de chez soi) était d’une importance secondaire. C’est d’ailleurs le message relayé par de nombreux coureurs cyclistes professionnels français, eux-mêmes cloîtrés à la maison et dans l’impossibilité de faire correctement leur métier, mais qui ont eu la sagesse de relativiser ce désagrément compte tenu de la situation sanitaire générale. Et pourtant, dans d’autres pays d’Europe, les coureurs pros pouvaient s’entrainer. Les cyclistes pouvaient rouler (à condition de rouler seul), et parce que des gouvernements ont considéré que le maintien d’une bonne condition physique était essentiel au renforcement des défenses immunitaires et au maintien d’une bonne santé mentale. C’est la position que nous aurions pour notre part défendu spontanément. 

Mais en France, il en a été autrement, d’abord parce que les débordements constatés ont démontré que de nombreux citoyens étaient incapables de suivre des règles communes sans la peur du gendarme, ou plus exactement celle des contrôles et des amendes pour non respect du confinement. Cela n’a pas empêché certains cyclos ou coureurs amateurs de braver régulièrement les interdits, en sortant dès lors qu’ils savaient avoir peu de chances d’être contrôlés. Voilà qui en dit beaucoup sur leur sens du civisme, surtout quand ils s’en vantaient sur les réseaux sociaux.

Les fauves libérés

Après cette première vague certes limitée d’égoïstes invétérés, la deuxième n’a pas été moins choquante car d’une toute autre importance. Et nous espérons sincèrement qu’elle ne présage pas de la deuxième vague réelle du virus dans notre pays, alors même que la première n’est pas terminée ailleurs dans le monde.

Le 11 mai sonnait l’heure d’un déconfinement progressif, essentiel pour l’économie mais aussi pour le bien-être de tous. Et avec lui l’autorisation de la reprise d’une activité sportive individuelle, d’abord limitée à un rayon de 100 kilomètres, puis étendue à partir du 2 juin. Pour beaucoup, le fait de pouvoir à nouveau rouler en plein air, seul, a été vécu comme une véritable libération. Avec pour seul objectif de retrouver des sensations, avant même de pouvoir envisager la reprise d’un programme précis, puisqu’il était encore trop tôt pour savoir dans quelle mesure des épreuves allaient pouvoir être organisées en 2020.

Humeur : la deuxième vague
La distanciation physique, c’est ça…..

Bien que maîtrisée, la propagation du virus n’était pas pour autant terminée à ce stade. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce déconfinement, progressif encore une fois, était à haut risque pour la situation sanitaire et notamment l’engorgement des hôpitaux. Pour le sport, les règles ont été claires : pas de sport collectif, des rassemblements limités à 10 personnes, et une distanciation physique de dix mètres. Pour la pratique du vélo, cela revenait à rouler seul, puisqu’il n’y a aucun avantage à pédaler à une telle distance les uns des autres.

Humeur : la deuxième vague
… Et pas ça !

Cela n’a pourtant pas empêché, dès le premier week-end après le 11 mai, de voir quantité de groupes et pelotons de cyclistes rouler comme si de rien n’était. Et même de s’en vanter, photos à l’appui, là encore sur les réseaux sociaux. En région parisienne, les pelotons de Longchamp, Vincennes et Rungis ont repris leurs habitudes. Les cyclistes rapides ont recommencé à se relayer en tête de groupe, se mouchant et crachant comme on le fait parfois en plein effort, avec le lot habituel de sangsues collés à leurs basques pour gonfler leur moyenne. En campagne, on a retrouvé des groupes informels ou même des clubs entiers, avec toutes leurs mauvaises habitudes qui, dans ces circonstances particulières, révélaient des comportements encore plus détestables. Des paquets de cyclos roulant en troupeau à trois ou quatre de front, vociférant en direction des automobilistes ou des piétons dans les traversées de villages, et avec leurs éternels suceurs de roues, incapables de faire quelques dizaines de kilomètres seuls pour affronter le vent. Un peu comme si on assistait à un lâcher de fauves encagés pendant deux mois, et qui n’ont surtout pas pris conscience de la gravité de situation et des risques qu’ils prenaient pour eux et pour l’ensemble de la société.

Personne n’est à l’abri

Si j’espère que cette deuxième vague est inversement proportionnelle à celle, plus sérieuse, qui nous menace si le virus reprend ses aises dans les prochaines semaines à cause du manque de prudence de nos concitoyens, j’ai d’autant plus été frappé par cette inconscience collective que j’ai moi-même été touché assez sévèrement par cette maladie. Je pensais ne pas être une personne à risque, et c’est pourtant du fond de mon lit d’hôpital que j’ai pu lire et voir ces débordements et ces bravades en passant le temps sur mon smartphone, alors que certains de mes voisins de la chambre d’à-côté ne passaient pas la nuit. Non, ce virus n’est pas une simple « grippette », même si heureusement la plupart des personnes infectées présente des symptômes bénins. Personne n’en connait les conséquences à long terme, ni les séquelles susceptibles d’être provoquées sur l’organisme.

Et si moi aussi j’ai pesté contre les règles strictes du confinement et par ce que j’ai considéré comme une privation de liberté, je me dis que nous aurions été incapables collectivement de nous retenir de certains débordements si les règles avaient été plus souples. J’avoue aussi que pour la première fois depuis que je fais du vélo, c’est-à-dire depuis mon adolescence, j’ai eu honte du comportement d’une partie de ce que j’ai toujours considéré comme ma communauté.

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Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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