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Dans un monde moderne où être à l’heure c’est déjà être en retard, on peut se demander si le rythme de cette course folle est toujours aussi bénéfique. Le temps semble s’accélérer à tous les niveaux. Et dans le sport, cette vitesse a-t-elle réellement un impact bénéfique sur nos résultats et nos performances sportives ? En d’autres termes, faut-il toujours rouler et/ou courir vite pour progresser ? Et si finalement nous faisions ensemble l’éloge de la lenteur ?
Par Jean-François Tatard – Photos : Pixabay.com
Dans votre vie moderne, vous trouvez dans la multiplication des expériences une sorte d’équivalence à la quête d’éternité. Comme si une vie bien remplie était une vie heureuse, riche et intense. Mais est-ce que vous pouvez être tout à fait certain que cette boulimie n’a pas de conséquences délétères au niveau de votre efficacité ? L’accélération de votre monde est à tous les niveaux : Internet et la mondialisation viennent secouer vos horloges. D’un point de vue économique, on vous demande d’être toujours plus productif. Dans la même vie, plusieurs changements s’opèrent (travail, mariage, changement d’association, changement de club, changement de sport, multifonctions, etc). La multiplication des communications également et des canaux d’échange (SMS, email, Messenger, Whatsapp, etc). Bref, la conclusion est la même : faire plus en un temps réduit !
L’accélération fait donc référence au temps mais aussi à la compression de toutes ces choses que vous avez à faire et notamment vos entraînements sportifs !
La vitesse est parfois indispensable
Et pas qu’un peu. N’espérez pas gagner la moindre course, même de quartier, sans vous sortir les tripes ou au moins étaler un minimum l’étendue de votre savoir-faire. Le VTTiste qui fait de la descente doit allier vitesse et perfection d’exécution pour gagner une course. C’est du pilotage de précision. Le mec qui va soigner vos blessures ne peut pas consacrer du temps à l’introspection dans une situation d’urgence. Il doit allier rapidité et intuition face à une situation de crise parce que dimanche il y a une course à laquelle tout le monde s’attend à un résultat. Le sportif amateur doit allier posture adaptée avec son travail et ses obligations de famille et organisation qui permettent de s’entraîner dans une vitesse d’exécution adaptée. Vos vies modernes vous laissent à penser que vous n’avez plus de temps à vous : « Je n’ai pas le temps d’aller rouler, je suis à bloc, il faut que je me dépêche. » Pourtant, vous savez quoi ? Vous avez 5 fois plus de temps libre qu’il y a un siècle…
La concurrence est rude. Partout. Mais la question est de savoir si pour aller vite le jour J il est indispensable d’aller vite tout le temps.
Pourquoi cette impression de surcharge ?
L’infobésité et la surcharge mentale font partie des maux de cette civilisation ! La pression est un mal nouveau. Vos parents ne la vivaient certainement pas comme vous. Et contrairement à une idée reçue, votre cerveau n’est pas fait pour exécuter plusieurs tâches similaires dans un même temps. « Le multitâche nuit gravement à l’efficacité« , disait mon père !
Rappelez-vous, lorsque vous avez appris à faire du vélo. Il n’était pas question de passer un coup de fil en même temps ou de regarder les informations. Par la suite et à force d’expériences des cycles se créent et permettent d’exécuter d’autres tâches en simultané. Un temps est cependant nécessaire pour passer de l’une à l’autre. La vitesse d’exécution ne peut être téléchargée comme dans Matrix. Il faut donc s’armer de patience. À force de répétitions, d’erreurs, de corrections, de lenteur d’exécution pour passer d’une action réfléchie à un automatisme. Méfiance, les gars (et les filles) car au-delà d’une perte d’efficacité la vitesse peut en fin de compte se transformer en burnout !
Il faut donc s’armer de patience. À force de répétitions, d’erreurs, de corrections, de lenteur d’exécution pour passer d’une action réfléchie à un automatisme.
Les bénéfices de la lenteur
La lenteur peut donc être très utile pour exécuter, à force de patience, un geste qui deviendra par la suite automatique et presque parfait ! La lenteur est nécessaire au spécialiste du contre-la-montre en cyclisme pour éduquer la position la plus aérodynamique et qui de prime abord est traumatisante musculairement. La lenteur est nécessaire au Vététiste qui doit apprendre à apprivoiser les trajectoires et la répartition des masses pour épouser au mieux les obstacles. La lenteur est nécessaire au triathlète qui devra exécuter dans l’eau ses gestes avec précision et beaucoup de lenteur. Observez-le, sa cadence n’est pas du tout celle du pilote de BMX qui tourne les jambes à plus de 180 tours par minute. Pour aller vite dans l’eau, c’est un geste parfait qu’il faut éduquer et qui n’a rien à voir avec la vitesse.
La lenteur est nécessaire aussi au coureur à pied pour apprendre à propulser l’énergie vers l’avant plutôt que de bondir comme un Marsupilami et de perdre tout le bénéfice de la puissance. Observez les athlètes en PPG quand ils travaillent les muscles en excentrique. Le geste est lent ! Et c’est dans cette lenteur que le muscle tire le plus de bénéfice de l’exercice.
En termes d’entrainement pur, la lenteur n’a pas que des vertus d’amélioration du geste. Les entrainements « lents » ou en tout cas en endurance de base, présentent des bénéfices insoupçonnés et inconnus des adeptes du « tout à fond et tout le temps« . L’entrainement lent favorise ce qu’on appelle la capillarisation, pour ouvrir les capillaires sanguins et favoriser les échanges sanguins. Ce qui améliore l’endurance musculaire, et donc favorise une progression à long terme. L’entrainement lent permet de consommer en priorité les graisses de réserve, et de donc de perdre du poids sans perdre de muscle. Enfin, l’entrainement lent permet de régénérer l’organisme, de faire circuler les déchets, et de mieux récupérer après une course ou un entrainement difficile.
Alors vitesse ou lenteur ?La lenteur est donc tout aussi nécessaire que la vitesse. La lenteur n’est pas une incapacité à exécuter une cadence plus rapide. C’est une forme de résistance au temps. Ne pas se laisser emporter par le temps mais garder du temps pour la respiration. Une certaine forme de sagesse se reconnaît à la volonté de ne pas brusquer la durée, de ne pas se laisser bousculer par elle, pour augmenter votre capacité à accueillir l’évènement, être encore plus efficace et être au final encore plus heureux. Cette lenteur exige que vous donniez au temps toutes ses chances et que vous laissiez respirer votre âme autant que votre corps à travers la flânerie parfois mais aussi l’écoute du corps et le repos.
En conclusion
Alors, faut-il privilégier la vitesse ou la lenteur ? Je vous aurais bien laissé avec ça mais pour qu’il y ait accélération, il faut qu’une décélération soit constatée. Et en vrai, il est fort probable que les deux soient utiles la plupart du temps dans votre pratique sportive. En effet, pour pouvoir accélérer, il vous faut pouvoir profiter d’un temps de récupération, de la respiration. Et l’histoire du sport vous apprend qu’après une forte intensité, il existe un temps de pause ou de récupération. De la même manière, les efforts cognitifs nécessitent des temps de contemplation, d’introspection. Il faut donc trouver le bon rythme pour alterner vitesse et lenteur. C’est à vous de savoir jauger vos limites et vous appuyer sur l’esprit critique et la confiance en vous. Et au final, prendre le temps de la lenteur demande finalement plus d’effort que d’accélérer.
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