Le syndrome des loges

Cycliste du dimanche, ou athlète de haut niveau, les blessures n’épargnent aucun sportif. Elles nous rendent tristes et ronchons et méritent bien une fiche explicative en QQOQCP pour chacune. L’idée à travers cette succession de petits dossiers est de mieux les comprendre, d’adopter les bons comportements pour les éviter et la conduite à tenir pour mieux se rétablir.

Je vous propose ainsi de balayer à chaque fois, sous la forme du “QQOQCP” (Quoi, Qui, Où, Quand, Comment, Combien, Pourquoi) et en autant de dossiers que de blessures les plus récurrentes en cyclisme et en triathlon, toutes les possibilités de frustration liée à une mise au repos forcé.

Après le genou, la clavicule, les douleurs de selle, les douleurs de rachis, l’endofibrose de l’artère iliaque et la tendinite du tendon d’Achille, je vous propose aujourd’hui une fiche explicative – toujours avec la démarche du QQOQCP – cette fois-ci pour le syndrome des loges.

Par Jean-François Tatard – Photos : commons.wikimedia, Jean-François Tatard

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QUOI ?

Amis sportifs, ne vous est-il jamais arrivé d’avoir l’impression que les muscles de vos jambes se sentent compressés dans leur enveloppe ? Comme si l’augmentation de la pression dans la loge aponévrotique était significativement limité ? L’impression que la loge devient inextensible ? En médecine, on parle d’une ischémie musculaire dans la loge. Le premier symptôme est la douleur quelle que soit l’importance du traumatisme. Le diagnostic est clinique et est généralement confirmé par la mesure de la pression dans la loge musculaire. Le traitement est l’aponévrotomie.

Cette douleur peut s’accompagner d’une sensation de tension musculaire et de crampe avec parfois des signes neurovasculaires à type de paresthésie. Par ailleurs, c’est une douleur globale du muscle sans le point douloureux précis que l’on va retrouver dans une lésion musculaire. Enfin, on retrouve souvent un caractère bilatéral et la topogaphie peut être finalement assez évocatrice.

Le traitement chirurgical est la seule solution contre le syndrome des loges.

QUI ?

D’une manière générale, le syndrome des loges se retrouve essentiellement chez des sportifs jeunes de 20 à 30 ans. Il n’y a pas de notion de début brutal de la douleur comme dans une élongation ou un claquage. C’est beaucoup plus sournois.

Quant aux sports concernés ce sont essentiellement la course à pied mais également le foot ou encore la natation surtout si elle est pratiquée avec des palmes. En revanche, après bon nombre de recherches, amis cyclistes vous pouvez dores et déjà exclure cette piste si vous ressentez des symptômes associés. Car en effet, on ne retrouvera quasiment jamais de syndrome des loges lors de la pratique exclusive du vélo.

Les coureurs à pied sont les plus touchés par le syndrome des loges.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les membres supérieurs, on retrouve ces syndromes des loges habituellement lors de la pratique du VTT, du cyclo-cross ou du BMX. Enfin, on peut retrouver des syndromes des loges chez des professionnels pratiquant des activités contraignantes et prolongées comme pour ceux qui travaillent sur les chantiers ou encore chez les musiciens.

Les membres supérieurs peuvent parfois être touchés.

OÙ ? 

La localisation de la symptomatologie est un des éléments d’orientation majeure puisqu’il s’agit le plus souvent d’une douleur antéro-externe de jambe alors que les douleurs de type périostite ou fracture de fatigue réveillent une douleur à la partie médiale du tibia. Pour les autres localisations, on retrouve des sensibilités au niveau de la loge postérieure de la jambe, mais aussi de la cuisse ou encore de l’avant-bras. Mais n’oubliez pas, et c’est très important, car n’allez pas croire que c’est si facile, la localisation n’est pas un facteur d’orientation.

QUAND ?

Le cas le plus typique concerne la course à pied. C’est dans cette population qu’on retrouve le plus de cas. La douleur surviendra quasi toujours pour un même temps de course, sauf si l’athlète a fait un effort récent dans les jours qui précèdent. Dans ce cas, la douleur peut survenir de façon plus précoce effectivement. Mais là où c’est encore une fois piégeant, la douleur ne surviendra pas dans un autre sport. Si vous associez des séances de musculation par exemple ou que vous allez pédaler, il n’est pas du tout évident que vous retrouviez la douleur. Le fait d’avoir une douleur dans un sport spécifique. Et en l’occurrence le plus souvent la course à pied et pas de douleurs dans un autre sport est très évocateur. Classiquement, pour vous qui le lisez c’est le cas du triathlète qui souffrira en courant mais pas en vélo ni en natation.

S’il faut retenir un seul point essentiel dans le diagnostic : retenez surtout que la précision et la reproductibilité du délai d’apparition de la douleur sont probablement les signes les plus évocateurs.

La précision et la reproductibilité du délai d’apparition de la douleur sont probablement les signes les plus évocateurs.

COMMENT ?

Préparez-vous ! Vous allez passer un interrogatoire mais il est fondamental. C’est lui qui permet dans la plupart des cas de faire le diagnostic. Le doc interrogera le patient sur la durée d’évolution et on lui demandera également s’il y eu un arrêt du sport. On l’interrogera également sur les examens réalisés et les différents traitements effectués : utilisation d’antalgiques, d’AINS, d’infiltrations, de séances de kiné, d’ostéopathie et de rééducation.

Dans ce dernier cas, il est très important de faire préciser la nature et le contenu des séances de rééducation. On n’est souvent pas assez précis alors que le diable est souvent dans le détail. L’autre élément qui peut orienter vers un syndrome des loges est aussi qu’il soit parfois asymétrique, avec un caractère le plus souvent bilatéral 9 fois sur 10. En bref, il y a un moment où ça dépasse le supportable et la douleur va obliger le sportif à s’arrêter. Suite à l’arrêt, la douleur va nettement diminuer, mais la gêne peut persister encore quelques jours.

On ne retrouvera pas de douleurs à la palpation, à l’étirement ou lors des tests isométriques, et même les tests dynamiques ne fonctionnent pas toujours.

Autre complexité du problème, l’examen clinique est souvent normal. On ne trouvera rien ! Pourquoi ? Parce que majoritairement, on ne retrouvera pas de douleurs à la palpation, à l’étirement ou lors des tests isométriques, et même les tests dynamiques ne fonctionnent pas toujours. J’ai déjà vu des cas où le médecin fait monter le sportif sur ses pointes de pieds pour retrouver cette horrible sensation d’inextensibilité de la loge du mollet en concentrique et il ne se passe rien.

Alors pour obtenir des signes cliniques positifs, l’idéal est de pratiquer un examen post-effort et de constater de façon objective la “dureté” du muscle.

Il faut aussi éliminer les diagnostics différentiels. Ils sont beaucoup plus fréquents que le syndrome des loges et c’est en les éliminant que l’on s’orientera vers le syndrome des loges. Enfin, seuls les examens complémentaires permettent d’affirmer le résultat. La mesure des pressions intramusculaires permet par exemple de confirmer le diagnostic. Elle doit être effectuée en période symptomatique et fait par un praticien ayant une vraie expertise de ce type d’exploration. Ce n’est pas un examen que tout le monde peut réaliser comme ça. On peut aussi essayer le doppler, qui va permettre de rechercher des pathologies associées ou l’échographie qui peut éliminer une lésion musculaire. Dans certains cas, l’IRM, voire la scintigraphie musculaire, peut être proposée par le médecin du sport.

POURQUOI ?

C’est souvent un vrai capharnaüm. Le médecin du sport est souvent confronté à de nombreuses lésions musculaires, qu’elles soient aiguës ou chroniques, des douleurs d’origine neurologique ou osseuse ou des douleurs tendineuses. C’est la raison pour laquelle le diagnostic de syndrome des loges est souvent posé avec (trop de) retard, parfois après plusieurs mois, voire plusieurs années d’évolution. L’examen clinique a donc une importance capitale car c’est lui qui va permettre, dans la plupart des cas, de pouvoir orienter le sportif dans la bonne direction. Ainsi, quelques éléments simples sont à rechercher.

Les amis, si votre diagnostic est avéré et que vous aimez votre sport à ce point : bonne ou mauvaise nouvelle, vous le prendrez comme vous voulez, le traitement chirurgical est inévitable. Je le sais, la décision est difficile à prendre car ce traitement n’est pas nécessaire d’un point de vue médical. On propose une intervention chirurgicale uniquement pour continuer à pratiquer son sport. Cette démarche nécessite pour le médecin une longue discussion avec le patient. Il faudra bien lui expliquer que cette opération, outre toutes les complications potentielles liées à un geste chirurgical, entraînera une cicatrice assez importante, etc. Mais surtout le sportif devra choisir le plus souvent entre un geste chirurgical ou l’arrêt de son sport, le plus souvent la course à pied. 

CONCLUSION 

Dans les prochaines fiches explicatives, je vous propose de continuer de passer en revue les blessures qui nous paralysent le plus souvent. On verra ainsi la prochaine fois les traumatismes crâniens, les pathologies du poignet, les pathologies digestives, les fascites plantaires et les périostites.

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Jean-François Tatard

- 43 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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