Bigorexie : le confinement révèle-t-il votre addiction au sport ?

Si la période de confinement vous fait souffrir parce que vous ne pouvez pas vous entrainer comme vous le voudriez, si vous vous sentez mal à l’idée de ne pas remplir vos statistiques kilométriques, ou si vous refusez nos conseils en matière de pratique raisonnable du home-trainer, c’est peut-être que vous êtes atteint de bigorexie. 

Par Jean-François Tatard – Photos : JF Tatard / Pxhere.com / Pixabay.com

Il n’est pas encore 5h00 du mat’ que vous êtes déjà en train de courir à la frontale ou de pédaler sur les rouleaux. Visiblement ce n’est pas qu’une exception puisque vous y retournez le lendemain. Puis le surlendemain. Et ainsi de suite jusqu’à vous rendre compte que cela fait déjà plusieurs mois que ça dure sans aucune journée d’interruption. La période de confinement imposée par les événements vous rend malade et vous passez de longues heures chaque jour sur votre home-trainer. Une pratique déraisonnable vue de l’extérieur, mais vous ne voyez pas le problème. Jusqu’à parfois être dans le déni, prendre des risques avec votre santé et vous éloigner de votre entourage…

Le sport c’est d’abord un équilibre.

Comme tout ce qui est bon, il y a un risque d’addiction. Ne rigolez pas ! Oui, on peut devenir addict au vélo et à la course à pied. Le running et le cyclisme comme beaucoup d’autres sports et plus spécifiquement d’endurance, peuvent finir par occuper une place disproportionnée dans l’identité de la personne et générer des conflits entre le sport en question et d’autres aspects de la vie. On en voit énormément en triathlon. Des sportifs qui ne conçoivent pas une journée sans deux entrainements, quitte à ce que l’allure adoptée ne servent à rien en termes de progression. Mais il faut sortir. Dépenser des calories. Exister. Et si vous n’avez pas encore lu le livre de Bixente Lizarazu, je vous invite à profiter de cette période de confinement pour le dévorer. La bigorexie est la thématique de cette œuvre et ce nouveau vilain mot à la mode est le nom tout trouvé pour décrire ce mal. Il s’agit d’une vraie maladie reconnue d’ailleurs par l’OMS et qui se soigne même en psychiatrie du sport.

Et l’épanouissement dans tout ça ?

Les spécialistes du Centre d’Etudes et de Recherches en Psychopathologie désignent l’addiction au sport par ces termes :  » Besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités physiques et sportives en vue d’obtenir des gratifications immédiates et ce malgré des conséquences négatives à long terme sur la santé physique, psychologique et sociale.  » Cette définition paraît tellement éloignée de la quête d’accomplissement dont on fait éloge habituellement dans nos articles. Nous devons donc mettre en garde et freiner les potentiels excès de façon à ne conserver que les bénéfices et les intérêts de cette passion fabuleuse que nous avons tous pour les sports d’endurance.

La bigorexie c’est un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités physiques et sportives en vue d’obtenir des gratifications immédiates et ce malgré des conséquences négatives à long terme sur la santé physique, psychologique et sociale.

La planification

Une règle simple pour dévier de ce risque consiste à programmer son entraînement, afin de ne pas se laisser emporter par son envie parfois irrépressible de toujours trop en faire. Si vous prenez conscience de votre problème, vous devez mettre en place une planification et faire en sorte qu’elle soit strictement suivie. Il en sortira une gratification freinant ainsi vos ardeurs de coureur ou de pédaleur compulsif. Si cela n’a pas d’effet, une prise en charge psychologique est peut-être à envisager… Mais avant d’en arriver là, se fixer un objectif, suivre un plan pour atteindre le résultat, apprendre une logique d’entraînement avec ces différentes phases (développement, assimilation, surcompensation, affûtage, récupération) est déjà une bonne façon de se préserver.

Prendre un peu de recul permet de se libérer de ses addictions quand elles sont trop pesantes.

Des chiffres et des études ?

Malgré bon nombre de recherches de ma part, difficile de trouver des études fondées sur le sujet. Néanmoins de mon investigation ce qu’il en sort c’est que :

  • Ceux qui pratiquent de manière intensive le running ou le cyclisme ont finalement la même espérance de vie et que ceux qui n’ont aucune activité physique.
  • Courir ou rouler procure beaucoup de bonnes sensations, donc vous cherchez forcément à les retrouver.
  • Le dosage de sport dans la semaine dépend des caractéristiques très intimes et personnelles de chacun. Le seuil de tolérance raisonnable est donc très subjectif.

Les limites et le moment où on atteint la zone dangereuse

Nos limites sont très difficiles à déterminer. Parce qu’elles sont souvent biaisées par beaucoup d’éléments extérieurs. Mais aussi parce que nous sommes tous différents. À mon sens, le bon indicateur c’est quand même quand la contrainte est supérieure au plaisir. Gardez le plaisir comme maître mot ! Du plaisir, j’en écrirais un livre si on me le permettait. Et si Dieu existe, c’est pour moi la ressource la plus précieuse qu’il nous a léguée. Sa valeur est inestimable. Au-delà du bien-être, le plaisir favorise l’apprentissage, l’excellence, et dope la productivité.

Le bon indicateur c’est quand même quand la contrainte est supérieure au plaisir.
Même en période de confinement, une pratique trop intense du home-trainer n’est pas très saine, en plus d’être contreproductive.

Témoignage personnel

Je fais du sport depuis l’âge de 5 ans et entre 15 et 20 heures par semaine depuis l’âge de 13 ans. Ça ne m’a pas empêché de faire des études supérieures. Et aujourd’hui que j’en ai bientôt 40, j’en passe au moins 5 de plus à écrire ou à coacher. À côté, je travaille en moyenne 50 à 60 heures par semaine pour un job qui n’est pas directement lié au sport, bien que celui-ci a son intérêt dans mes fonctions. Je voyage également beaucoup pour mon boulot, et pourtant ça ne m’empêche pas de passer du temps avec ma femme et mes deux enfants, de m’occuper de ma maison et d’avoir une vie sociale épanouie avec ma famille et mes amis. Même si je suis conscient du danger et que cet équilibre demande beaucoup de vigilance de ma part pour être préservé et plus encore de bienveillance de mon entourage, je ne relève pas ou plus d’effets négatifs de cette pratique intensive. Au contraire… Si le bonheur se quantifiait sur une échelle de 0 à 10, au quotidien, aujourd’hui je situerais le mien à 11 ! Mais cette stabilité et cet équilibre subjectif, n’a pas toujours été évident. Cet équilibre est le résultat de prises de conscience successives. Et d’ailleurs rien n’est définitivement acquis, j’ai aussi conscience que ma nature profonde évolue. Et que ce rendez-vous avec moi-même pour analyser la situation doit être quotidien. Ce n’est pas de tout repos. Surtout que dans cette démarche pourtant égoïste tout ne dépend pas que de moi.

La famille est un pilier important qu’il ne faut pas négliger.

Quels sont les gens qui présentent le plus de risques ?

Les gens qui tombent dans la bigorexie ne sont généralement pas du plus haut niveau. Ce sont des gens qui se sont rendus compte qu’en courant ou en pédalant, ils allaient perdre du poids, ou se sentir plus heureux. Ils développent certaines hormones. Endorphine, dopamine, adrénaline. Et en deviennent accros. Souvent ce genre de coureurs ne prépare pas de compétition. C’est un aspect qui va de pair avec la pratique de masse. La course à pied et le triathlon plus récemment étant de plus en plus populaires, ces disciplines amènent des hordes de sportifs amateurs qui s’entraînent de manière très intensive, en se passant des conseils de professionnels de la santé et du sport. Les dégâts de cette pratique sur le long terme seront forcément associés à la bigorexie. Et pourquoi le running, le vélo et le triathlon ? Le running en particulier parce que c’est pratique, on court à n’importe quelle heure, n’importe où, aucune contrainte horaire…

Pour conclure, gardez le contrôle

Vous avez plusieurs alarmes à votre disposition : si vos performances diminuent, que vos références chronométriques baissent, que l’envie s’en va et que la contrainte fait de plus en plus régulièrement son apparition et dans une durée de plus en plus longue : méfiance ! C’est comme pour tout. Le poison est dans l’excès. Tout est toujours question d’équilibre. Apprenez à vous écouter ! Qu’est-ce que signifie l’excès ? C’est tellement subjectif. Faites ce que vous aimez dans un dosage qui est le vôtre. Soyez libre de vos choix. Ne regrettez rien. Mais par pitié, faites-vous juste kiffer.

=> VOIR AUSSI : Tous nos articles Coaching

Jean-François Tatard

- 43 ans - Athlète multidisciplinaire, coach en vente et consultant sportif. Collaborateur à des sites spécialisés depuis 10 ans. Son histoire sportive commence quasiment aussi vite qu’il apprend à marcher. Le vélo et la course à pied sont vite devenus ses sujets de prédilection. Il y obtient des résultats de niveau national dans chacune de ces deux disciplines.

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