Partager la publication "Code de la route – Un cycliste décède : le parti-pris de la presse locale"
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Le traitement d’un accident de la route impliquant un cycliste cette semaine par la presse locale en Dordogne fait débat. Consciencieusement ou fort maladroitement, le journaliste de l’édition locale du grand quotidien régional Sud-Ouest limite les responsabilités du chauffard responsable. Une attitude fréquente qui entretient le sentiment d’impunité des contrevenants au Code de la route, et qui risquent des vies.
Par Guillaume Judas – Photos : Pixabay / Copies d’écran Sud-Ouest / DR
Mercredi 18 décembre à Bergerac (Dordogne), un octogénaire circulant à vélo était percuté par le chauffeur d’un camion, et décédait la nuit suivante alors qu’il avait été héliporté entre-temps vers l’hôpital à Bordeaux.
Un fait divers malheureux, et qui se reproduit bien trop souvent en France, où 175 cyclistes ont trouvé la mort sur la route en 2018 (chiffre en hausse tous les ans), soit 5% du nombre total de décès lors des accidents de la route.
L’Observatoire national interministériel de la sécurité routière estime même que pour chaque heure passée en selle sur la route, un cycliste a trois fois plus de chance d’être victime d’un accident qu’un automobiliste.
Des chiffres effrayants, et qui sont souvent mal relayés aussi bien par la presse nationale que par la presse régionale ou locale. Ou plutôt, qui sont parfois expliqués par l’imprudence des cyclistes, en oubliant que même maladroit ou mal intentionné, un cycliste n’a jamais tué un automobiliste derrière un volant. En oubliant aussi les règles fondamentales de sécurité lorsque les risques de collision sont les plus élevés, et notamment en doublant ou en croisant un ou des cyclistes.
Le traitement de l’information concernant l’accident de Bergerac est symptomatique du manque de conscience total des responsabilités de chacun, dans ce qui pourrait d’ailleurs être classé comme homicide volontaire. Même si ne connaissant pas tous les détails et circonstances, il ne nous viendrait pas à l’idée de présager du rapport final de l’enquête.
Néanmoins, voici ce qu’on apprend en lisant l’article de Sud-Ouest publié le 19 décembre, et mis à jour partiellement le 20 décembre après plusieurs plaintes sur Twitter.
Lien de l’article en ligne actuellement : Sud-Ouest
Dans un premier temps, le journaliste écrivait que le cycliste avait « percuté un camion qui le suivait« . Une maladresse corrigée en partie par la suite, mais qui démontre tout de même un parti-pris évident dès le début de l’article.
Une phrase corrigée par « Un cycliste qui circulait dans le sens Bergerac-Périgueux bifurquait à gauche, vers le quartier des Vaures, lorsqu’un petit camion qui le suivait est entré en collision avec lui. » On note que la notion de petit camion est mise en gras, et qu’on parle toujours de collision, alors qu’il s’agit purement et simplement d’un conducteur qui a percuté un cycliste par l’arrière. Il nous semble pourtant évident que le conducteur doit toujours rester maître de son véhicule, et que lorsqu’il respecte les distances de sécurité obligatoire (1m latéralement en ville, et suffisamment par l’arrière pour avoir le temps de freiner), cela ne devrait pas arriver.
Le journaliste poursuit : « Les circonstances dans lesquelles a eu lieu l’impact ne sont pas encore clairement établies, mais le cycliste a lourdement chuté. » On va vous expliquer ce qu’il s’est passé. Un « petit camion » (sans doute de plus de 3 tonnes) a percuté par l’arrière un cycliste de moins de 100 kg avec son vélo. Que croyez-vous qu’il puisse se passer dans ces cas-là ?
« Ne portant aucune protection, il était dans un état critique à l’arrivée des secours. » Le journaliste met en gras, et insiste donc sur le fait que le cycliste de portait aucune protection. De quoi parle-t-il ? D’un casque, d’une armure, d’une carrosserie ? Il semble oublier que le casque n’est pas obligatoire à vélo, sauf en compétition et sauf pour les enfants de moins de 12 ans sur la voie publique. Et oublier également qu’un casque de polystyrène n’a que peu d’effet face à un camion de 3 tonnes ou plus.
Interpellée sur Twitter ou dans les commentaires de l’article, la rédaction a consenti néanmoins à modifier plus tard ce paragraphe, à enlever la partie en gras, et à la remplacer par « La victime, qui ne portait pas de casque (…) » mais en laissant toujours sous-entendre que la victime, à cause du fait qu’elle ne portait pas de casque, portait une part de responsabilité dans son décès.
En revanche, on apprend plus loin dans l’article les réelles causes de l’accident :
« Ce jeudi 19 décembre, le conducteur du camion, sous l’empire d’un état alcoolique au moment des faits, a été entendu par la police nationale. »
Notons « l’empire » au lieu de « l’emprise » mais passons…
Ne fallait-il pas tout simplement commencer par là ? Un type bourré (interdit), au volant d’un camion suivait de trop près (interdit) un cycliste qui a voulu tourner à gauche (autorisé) et qui roulait sans casque (autorisé) et à cause de son inconséquence l’a tué.
Un père, un grand-père, un bonhomme parti faire un tour de vélo ou faire ses courses, fauché sur la route par un chauffard qui avait trop bu. La réalité est aussi crue que cela. Et tant que l’opinion public ne prendra pas conscience de tout cela, d’abord orienté par la simple explication des faits sans parti-pris de la presse locale, et ensuite tant que les pouvoirs publics n’apporteront pas de réponse adaptée à ce genre de comportement (une signalisation précise et fréquente sur l’interdiction de rouler trop prêt d’un cycliste, les risques encourus et de vraies sanctions), ce genre d’accidents, heu pardon, d’homicides se reproduiront.
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