Pourquoi les cyclistes grillent-ils les feux rouges ?

Dans cette rubrique CQFD (« Ce Qu’il Fallait Démontrer »), nous répondons à vos interrogations, voire à vos préjugés concernant la pratique du vélo ou du triathlon. Des questions simples, mais des réponses pas forcément si évidentes pour les novices ou pour ceux qui sont étrangers à notre milieu.

Comme tous les usagers, les cyclistes sont censés connaître et respecter le Code de la route, en commençant par s’arrêter aux feux rouges. Rares sont les cyclistes sportifs qui les respectent systématiquement. Voyons ce qu’ils risquent et pourquoi ils ne s’arrêtent pas.

Par Guillaume Judas – Photos : Pixabay.com, Flickr.com, 3bikes.fr

Parmi les mauvaises habitudes des cyclistes relevées par les autres usagers de la route, il y a le fait de griller les feux rouges. Comme si la signalisation et le Code de la route ne s’appliquaient qu’aux automobilistes. Or, du point de vue des adeptes du deux-roues, cette infraction est toujours moins grave que les queues de poisson ou le non respect des distances de sécurité par les conducteurs d’engins à moteur. Ceci s’explique par la sensation de danger et de vulnérabilité ressentie par les cyclistes sur la route, plus exposés par les attitudes des autres usagers en raison de l’absence de carrosserie, et aussi par le fait que comme nous le rappelions dans notre article précédent sur les cyclistes qui roulent à deux de front, si on peut fustiger à juste titre les incivilités et les infractions au Code de la route de certains cyclistes, nous n’avons encore jamais vu de vélo tuer un automobiliste derrière sa carrosserie.

Les règles du Code de la route s’appliquent évidemment aussi pour les panneaux Stop !

Il n’empêche, en grillant les feux, les cyclistes s’exposent encore davantage, et peuvent aussi être victimes d’un accident qu’ils auraient eux même provoqué. Force est de reconnaître pourtant que rares sont les pratiquants à vraiment prendre des risques volontairement, et s’ils s’accommodent à leur façon des règles, ils le font en pensant ne pas risquer grand-chose, du moins en termes de sécurité.

Évidemment, l’irrespect et le je m’en foutisme existent aussi parfois de ce côté-là malheureusement. 

Un cycliste ne peut pas perdre de points

Au-delà des risques physiques évidents pour quelqu’un qui s’engagerait dans un carrefour sans visibilité et sans tenir compte des autres usagers, avec les risques d’accident associés voire de blessures graves ou de décès, un cycliste risque une amende au même titre qu’un automobiliste. Ne pas respecter un feu rouge – et dans le cas d’une interception des forces de l’ordre – occasionne une contravention de quatrième classe avec une amende de 135 € (90 € minorée en cas de paiement dans les 15 jours). En revanche, un cycliste ne risque pas la perte de 4 points sur son permis de conduire, comme ce serait le cas pour une même infraction commise par un automobiliste. Selon le site de la sécurité routière, l’explication est assez simple : « Il ne peut y avoir de retrait de points que pour les infractions commises avec un véhicule pour la conduite duquel un permis de conduire est exigé. C’est ainsi qu’une infraction au Code de la route commise à bicyclette ou en voiturette, par exemple, ne donne pas lieu à un retrait de points, mais peut donner lieu à une amende. »

Un cycliste en infraction ne peut pas perdre de points sur son permis de conduire.

Cette impunité toute relative n’est pas sans agacer certains automobilistes, qui utilisent cet argument pour à leur tour commettre des infractions qui mettent en danger la vie des cyclistes. Cependant, et contrairement aux idées reçues, deux études récentes au Danemark et au Royaume-Uni réalisées avec des caméras de surveillance sur des intersections ont montré qu’en réalité les cyclistes commettent beaucoup moins d’infractions au Code de la route que les automobilistes ! Ils seraient en effet 14% des cyclistes au Danemark et 16% en Angleterre à griller des feux ou rouler sur le trottoir, quand 66% des conducteurs de véhicule selon l’étude danoise commettraient des infractions en ville (excès de vitesse, refus de priorité à un passage piéton, usage de klaxon en absence de danger immédiat, téléphone au volant, oubli de clignotant, dépassement d’un cycliste à moins d’un mètre…). Étonnant, non ? La vitesse est souvent en cause, notamment dans toutes les zones limitées à 30 km/h. 

Les raisons qui poussent les cyclistes à griller les feux rouges

Le non respect des feux rouges par les cyclistes trouve son explication par des justifications plus ou moins sérieuses, avouables ou compréhensibles par les autres usagers de la route. Que ce soit pour « tenir la moyenne » de la sortie, « éviter d’attraper froid« , ou « ne pas user les pédales et les cales en décrochant systématiquement le pied de la pédale« , le problème est surtout lié à la multiplication des feux dans les zones fortement urbanisées, et au temps passé par les sportifs pour traverser ces zones, alors qu’ils ne rêvent que de s’échapper au plus vite pour respirer et pratiquer leur sport.

La plupart des cyclistes sportifs n’aspirent qu’à sortir au plus vite de la circulation.

De même, pour les cyclistes en ville, la cohabitation avec les gaz d’échappement des autres véhicules est un vrai problème lié à leur santé car ils sont directement exposés. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales qui pousse les pratiquants à remonter la file de voiture stoppée derrière le feu, puis à se positionner juste devant, à l’écart des pots d’échappement, et prêts à repartir devant la file de voiture. Selon la déclivité de la pente à cet endroit-là et l’impatience des véhicules dans la file avant le redémarrage, cette position n’est pas très confortable, même si elle l’est toujours plus que si le cycliste restait au milieu de la file. C’est pour cette raison qu’existent parfois des SAS cyclistes, en première ligne devant les feux. 

Inconsciemment, et parce qu’ils ressentent la gêne provoquée lors de leur redémarrage, nombreux sont ceux qui « anticipent » le feu, ou le passent en glissant, afin de prendre un peu d’avance face au flot de véhicule.

Une anticipation qui devient une infraction, même si la très grande majorité de ceux qui la pratiquent prennent bien soin de vérifier qu’ils peuvent le faire en toute sécurité. À notre connaissance cependant, il n’y a pas de volonté d’ennuyer les automobilistes, mais plutôt de fluidifier le trafic et d’en sortir au plus vite. 

De nouveaux panneaux

De nouveaux panneaux, de plus en plus nombreux, autorisent les cyclistes à passer au feu rouge, mais sans avoir la priorité.

Avec ce constat et dans de plus en plus de villes, de nombreux feux rouges disposent de panneaux qui autorisent à passer au feu rouge, le plus souvent pour tourner à droite ou pour aller tout droit dans le cas de certaines intersections. Des panneaux qui ne donnent évidemment pas la priorité mais qui finalement ne font que justifier légalement l’usage, ou l’attitude de la plupart des cyclistes sportifs, peu respectueux des règles établies, c’est un fait, mais pas complètement inconscients non plus. Ils permettent d’éviter les frictions entre usagers et participent finalement à l’idée de partage de la route.

=> VOIR AUSSI : Tous nos articles de la rubrique CQFD

Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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