Test du Factor One

Parmi tous les vélos aérodynamiques pour la route ou le triathlon proposés aujourd’hui sur le marché, le Factor One se distingue par l‘originalité de sa conception. Comme nous avons pu le constater au terme de notre essai, ce n’est pas la moindre de ses qualités.

Par Guillaume Judas – Photos : Sylvain Pigeau @3bikes.fr

 

Si l’on en croit les réactions suscitées sur la route auprès des cyclistes croisés ou qui ont accompagné nos sorties avec le Factor One, voilà un vélo qui attise la curiosité, l’envie (sans que cela soit péjoratif) et la sympathie. Un vélo cher – sans doute trop – mais qui laisse transparaitre un côté novateur et original, qui s’explique par l’histoire même de la marque Factor et de ses propriétaires actuels. Car au-delà des impressions totalement subjectives que peuvent laisser traîner une campagne marketing bien menée et une présentation générale très attrayante, force est de reconnaître que le Factor One est à l’image de la marque, détenteur d’une forte identité.

 

Factor, marque internationale

Factor est une marque anglaise à l’origine, lancée par des ingénieurs venant du monde de l’automobile, et qui s’est distinguée en 2012 en créant un vélo totalement novateur en s’affranchissant des règles UCI, mais extrêmement cher (près de 30 000 €) et sans doute bien trop en avance sur son époque pour connaître le succès. Le One-77 s’est vu supplanté ensuite par le Vis Vires, un poil plus consensuel et surtout un peu plus abordable. Ce vélo conservait toutefois une partie des caractéristiques originales instaurées par les créateurs de la marque, en termes de qualités aérodynamiques et de maniabilité. Puis ont succédé deux versions du One, dont le modèle que nous testons ici, avant d’explorer d’autres terrains avec le O2 pour la montagne (avec lequel Romain Bardet a terminé troisième du Tour de France 2017), le Slick purement pour le contre-la-montre, et plus récemment le Vista pour le Gravel. C’est à l’époque du Vis Vires que Factor cherche un fabricant spécialiste du carbone, et le trouve en la personne de Rob Gitelis, un Britannique installé à Taïwan depuis 25 ans, propriétaire d’une usine qui emploie 1000 personnes pour fabriquer pour Cervélo, Scott, Canyon, Argon 18, Zipp ou Enve. Lassé des exigences de rentabilité de certains de ses clients, il saisit l’occasion pour prendre le contrôle de Factor, s’associe avec l’ancien pro Baden Cooke, choisit David Millar comme ambassadeur, et en devient propriétaire. S’il ne dispose plus aujourd’hui que d’une centaine d’employés, tous sont désormais dédiés à la marque Factor, entre la R&D et la fabrication proprement dite. Entre les bureaux d’étude et la production il n’y a qu’un pas, aussi bien en termes de décision que de proximité géographique, de lancement de prototype que de tests sur le terrain, ou encore de remontées d’informations que d’évolution de la fabrication. Cette relation directe est extrêmement rare dans l’industrie du vélo, même en haut de gamme.

Un tube diagonal en deux parties

Parmi les deux originalités marquantes du One et directement issues des premiers modèles de la marque figure ce fameux tube diagonal Twin Vane Evo, séparé en deux parties.

 

D’abord conçu pour gagner en rigidité sans sacrifier le poids, il s’est avéré en réalité très performant sur le plan aérodynamique. Ce qui est facile à imaginer sans même passer par l’étude des fluides qui a été nécessaire pour valider le concept : le flux d’air est ainsi diffusé autour du double tube, et l’ouverture offre une résistance en moins. Ce même flux d’air extérieur au Twin Vane Evo, en provenance des fourreaux de fourche légèrement arqués est ensuite dirigé vers les haubans, eux aussi légèrement écartés de l’axe du cadre.

 

Le flux « central », qui passe à l’intérieur du tube, vient pour sa part contourner le tube de selle profilé. Au final, l’air est canalisé pour offrir moins de résistance, et donc plus de performances. Reste que cette architecture particulière vous expose en cas de pluie, avec les éclaboussures qui risquent de remonter directement en provenance de la roue avant, pouvant théoriquement de ce fait souiller les bidons. Notons cependant que nous n’avons pas eu l’occasion de tester ces conditions.

 

Un système complet à l’avant

L’autre originalité du Factor One, c’est toute sa partie avant nommée OTIS, avec une fourche à pivot externe, un poste de pilotage monocoque, et un système de fixation indépendant du réglage du jeu de direction. Ainsi, câbles, fils ou durites pour la transmission ou les freins passent à l’intérieur de la douille pour pénétrer directement dans les tubes.

 

Nous disposons ici d’un One équipé de freins à patins et d’une transmission Shimano Dura-Ace d’ancienne génération, mais avec un groupe hydraulique Di2 à disque, aucun câble ne serait apparent. Pour régler la hauteur du poste de pilotage, un système de cales permet la rehausse sans avoir à démonter les câbles ou les fils, ceux-ci cheminant à l’intérieur du guidon le cas échéant, puis dans la douille en passant par l’intérieur de la potence.

Cette fourche à pivot externe, en plus de sa forme effilée sur l’avant de la douille de direction du cadre, apporte rigidité et stabilité au poste de pilotage et à l’ensemble du vélo.

Cette fourche à pivot externe, en plus de sa forme effilée sur l’avant de la douille de direction du cadre, apporte rigidité et stabilité au poste de pilotage et à l’ensemble du vélo.

 

Le seul désagrément à l’usage provient de l’absence de possibilité de braquage de la direction : ce n’est pas gênant en roulant, mais complique le rangement du vélo dans le coffre d’une voiture ou une housse pour le transport. Notons la présence de petits tampons pour éviter que la douille externe ne vienne abimer la douille de direction en tournant le guidon à fond. Une précaution qui rappelle la haute technicité des fibres de carbone employées, légères et très rigides, mais qui peuvent aussi se révéler cassantes en cas de choc.

 

Des tubes aux formes élaborées

Factor précise d’ailleurs avoir retravaillé sur la résine qui lie les couches de carbone pour diminuer les risques de casse en cas de chute par exemple. Comme pour tous les cadres de haut de gamme, il serait également réducteur de parler d’un seul type de fibres de carbone pour la construction du One, compte tenu des différentes sollicitations auxquelles est soumis un cadre.

 

Formes, diamètres et composition des tubes sont élaborés aussi bien pour gérer les flux d’air que la rigidité latérale ou l’absorption des vibrations. Il en résulte ici un boîtier de pédalier au format BB Right, large et légèrement asymétrique, des bases directement dans la continuité du tube diagonal et de la boîte de pédalier, un tube supérieur concave en son sommet, ou encore un crevé dans le tube de selle pour accepter un pneu jusqu’à 28 mm de section et un serrage de tige de selle dissimulé dans un triangle reliant les tubes de selle et supérieur. Une réalisation complexe, mais efficace sur la route.

 

 

Vitesse et stabilité

Vendu d’abord en kit cadre (avec le poste de pilotage) à 5590 €, le Factor One à l’essai ici est monté avec un groupe Shimano Dura-Ace Di2 R9050, soit d’ancienne génération, mais secondé par des roues Black Inc. Fifty à pneu tout ce qu’il y a de plus récentes, avec leurs jantes de 45 mm de haut et leurs roulement Ceramic Speed d’origine.

 

D’ailleurs, le One est également fourni avec des roulements de pédalier Ceramic Speed, alors que pour l’occasion le dérailleur du groupe est aussi upgradé avec des galets de la même marque.

 

En dehors des câbles et du boîtier de connexion Di2 visibles devant le poste de pilotage, autant préciser qu’il n’y a rien à dire en termes de précision, de fluidité et d’efficacité de la transmission. Au niveau du freinage aussi d’ailleurs, puisque les étriers en Direct Mount sont très performants avec les jantes Black Inc. Bien que fixe par essence, le poste de pilotage monobloc se montre particulièrement confortable quelle que soit la position des mains adoptée. Il est en tout cas très rigide, tout comme l’ensemble de la partie avant du vélo.

 

Si la première sensation en danseuse à basse vitesse est surprenante du fait du décalage du pivot de fourche en avant de la douille, le vélo semble prendre vie au fur et à mesure que la vitesse de déplacement augmente.

Le vélo semble prendre vie au fur et à mesure que la vitesse de déplacement augmente

Dans les descentes et à haute vitesse, c’est un régal. Il est à la fois stable, précis et rassurant, et incite à prendre de l’angle dans les virages. Il est pour cela bien aidé par la sensation de confort qu’il dégage, ce qui est particulièrement étonnant pour un vélo de ce type. Les irrégularités du bitume sont très correctement absorbées, que ce soit au niveau de la selle ou du poste de pilotage. Et jamais le vélo ne semble vouloir rebondir sur la route. Il est suffisamment rigide latéralement pour soutenir avec efficacité les gros démarrages, sans être toutefois aussi vif et nerveux que certains de ses concurrents.

 

En revanche, si la partie centrale du vélo ne semble pas totalement verrouillée autour de la boîte de pédalier, elle pardonne quelques erreurs de braquet. Le vélo est ainsi assez polyvalent, et peut vous emmener tutoyer quelques forts pourcentages. Seul son poids un peu au dessus de la moyenne pour un vélo de ce prix l’empêche d’être réellement aérien. Mais il y a le O2 pour cela dans la gamme Factor. Le One est quant à lui un vélo destiné à rouler vite sur le plat avec un minimum de déperdition d’énergie, ou pour cruiser sur un parcours vallonné en tenant une très bonne moyenne. Le tout avec classe et distinction tout en préservant confort et sentiment de sécurité. Avec le One de dernière génération, Factor ne dénature pas l’esprit Grand Tourisme cher aux créateurs de la marque, venus du monde de l’automobile de luxe.

 

FACTOR ONE
NOTE : ***** 

LES + : stabilité, confort, freinage, travail des tubes, esprit Grand Tourisme, solutions techniques, coloris

LES – : poids, prix

CADRE : RGi Carbon
FOURCHE : RGi Carbon
ROUES : Black Inc. Fifty Clincher
PNEUMATIQUES : Schwalbe Durano (700×25)
PÉDALIER : Shimano Dura-Ace R9050 53-39
DÉRAILLEURS : Shimano Dura-Ace Di2 R9050
FREINS : Shimano Dura-Ace R9000
LEVIERS : Shimano Dura-Ace Di2 R9050
CASSETTE : Shimano Ultegra 11-25
POSTE DE PILOTAGE : OTIS Evo
TIGE DE SELLE : One Carbon
SELLE : San Marco Aspide
NOMBRE DE TAILLES : 7
POIDS : 7,56 kg en taille 52 sans pédales

 

PRIX : 5590 €  kit cadre et poste de pilotage (11 500 € environ complet)
Disponible pour freinage à patins ou à disque, uniquement pour transmission électronique.

CONTACT : www.factorbikes.fr et www.dagg.fr

-> VOIR AUSSI : Tous nos tests Matos

Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

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