Les différentes intensités d’entrainement

Quelles sont les différentes zones d’intensité de l’effort ? À quoi correspondent-elles aussi bien en termes de sensations que de nombre de battements cardiaques à la minute ? Ou d’effets bénéfiques sur la condition physique ? Voici des questions auxquelles nous allons tenter de répondre et qui pourront vous aider à mieux comprendre certains de nos autres articles dédiés à l’entrainement.

Par Guillaume Judas – Photos : Pixabay / Maratona Dles Dolomites / 3bikes / DR

Voici un article destiné aux sportifs d’endurance peu expérimentés, aux cyclistes et triathlètes qui roulent, courent ou nagent à la sensation, et qui disposent de peu d’outils ou de connaissances pour tirer le meilleur parti de leur investissement dans le sport. Pour qu’ils sachent de quoi on parle quand ils entendent « récupération active », « endurance« , « seuil », « PMA » (ou VMA pour les coureurs à pied), « puissance » ou « watts », ou encore « échelle ESIE » (Echelle Subjective d’Intensité de l’Effort). N’ayez crainte, ce dernier terme correspond à quelque chose de très facile à comprendre dans l’augmentation de l’intensité de l’exercice.

 

Comment calibrer l’intensité de l’effort ?

L’intensité de l’effort se calibre de différentes manières. D’abord aux sensations. Et/ou avec un cardiofréquencemètre (qui mesure le nombre de battements cardiaque chaque minute), et/ou avec un capteur de puissance (qui mesure les watts fournis en pédalant).

Les sensations

Parce que nous sommes tous dotés d’un minimum d’intelligence pratique, et qu’en dépit de quelques erreurs de gestion bien légitimes quand vous débutez, vous comprenez très vite comment gérer un effort en fonction de sa longueur et de vos possibilités physiques du moment. C’est fort de ce constat que l’entraineur aujourd’hui mondialement reconnu Frédéric Grappe a mis au point l’échelle ESIE en 1999. Il s’agit d’une graduation en sept niveaux de ce que vous ressentez en produisant un effort, et nommés de I1 (Intensité 1) à I7 (intensité 7). Ce sont des termes aujourd’hui utilisés par tous les entraineurs à vélo.

  • I1 : intensité légère, effort facile en décontraction, conversation aisée, correspondant à < 50 % de la puissance à PMA (puissance maximale aérobie), ou à < 75 % de la FC (fréquence cardiaque) Max. Objectif de l’entrainement : longues heures d’effort, décontraction, régénération.
  • I2 : intensité moyenne, correspondant à un effort d’endurance pure, aucune douleur musculaire, conversation facile, fatigue intervenant après 3/4 h d’effort prolongé, de 50 à 65 % de PMA et 75 à 85 % de FC Max. Objectif de l’entrainement : augmentation du niveau d’endurance, élimination active des déchets.
  • I3 : intensité soutenue, apparition des tensions musculaires, conversation difficile à tenir, épuisement sur 2h, de 65 à 75 % de PMA, de 85 à 92 % de FC Max. Objectif de l’entrainement : maintenir sans difficulté le niveau moyen d’intensité d’une épreuve sur la durée.
  • I4 : intensité critique, augmentation progressive des douleurs musculaires, conversation très difficile, épuisement à partir de 20 minutes, 75 à 80 % de PMA, 92 à 96 % de FC Max. C’est l’allure d’un contre-la-montre sur 20 minutes, ou encore ce qu’on appelle l’intensité seuil anaérobie. Objectif de l’entrainement : supporter les intensités élevées de la compétition, ou les difficultés (dénivelé) du parcours.
  • I5 : intensité sur-critique, augmentation très rapide et vite insupportable des douleurs musculaires, conversation très compliquée, épuisement entre 3 et 7 minutes, autour de 100 % de PMA et entre 96 et 100 % de FC Max. C’est l’allure d’une côté montée à bloc. Ou encore ce qu’on appelle la PMA. Objectif de l’entrainement : augmenter le seuil de tolérance à la douleur (pour les phases clés d’une épreuve, suivre ou faire la différence).
  • I6 : intensité sous-max, souffrance extrême pendant l’effort, proche de la nausée, épuisement entre 30 secondes et 1 minute, autour de 150 % de PMA, FC non significative. Objectif de l’entrainement : tolérance aux lactates (capacités de puncheur, sprint en côte).
  • I7 : intensité maximale, impression d’un effort en apnée, très court, aucune douleur musculaire, hyperventilation en fin d’exercice, effort max de 7 à 10 secondes, pic de puissance ou 250 % de PMA, FC non significative. Objectif de l’entrainement : développer la force maximale, améliorer les qualités gestuelles).

 

La mesure de la fréquence cardiaque

La fréquence cardiaque (indiquée en nombre de battements du coeur par minute) est le reflet indirect du niveau d’activité de votre organisme. Chaque mouvement ou effort implique un besoin en énergie des muscles, apporté par un flux sanguin plus important. C’est le coeur qui est chargé d’augmenter ce flux, en pompant plus ou moins rapidement pour envoyer le sang chargé en oxygène vers les muscles, ce qui implique des variations de sa fréquence de battement.

Chaque mouvement ou effort implique un besoin en énergie des muscles, apporté par un flux sanguin plus important

Après un test d’effort en laboratoire ou en croisant les données issues de votre expérience, vous pouvez utiliser la fréquence cardiaque comme une sorte de régulateur pour calibrer l’intensité de l’exercice, et au regard des zones de FC évoquées dans le paragraphe précédent. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette méthode est moins précise qu’un capteur de puissance, car il existe un décalage entre le début et la fin d’un exercice avec la hausse ou la baisse de la fréquence cardiaque, et que des facteurs extérieurs peuvent conduire à ce qu’on appelle une dérive cardiaque (température, altitude, déshydratation, infection…). Reste que l’affichage des battements cardiaques renseigne assez bien sur les sources d’énergie utilisées, et aide à la gestion de l’effort.

 

Le coeur est un muscle qui assure la circulation du sang, et comme tout muscle il se développe et s’entretient. Avec l’entrainement, le coeur voit son volume et son poids augmenter, avec un épaississement qui occasionne une augmentation de capacité du débit et une économie (ralentissement des battements) pour une intensité donnée. Pour assurer les fonctions vitales, sa taille et sa puissance lui permettent aussi de procurer plus de débit sanguin à chaque battement au repos. La fréquence cardiaque au repos diminue donc avec un entrainement régulier pour un sport d’endurance. Un sédentaire a une fréquence cardiaque au repos autour de 70 bpm (battements par minute), quand un sportif de haut niveau dans un sport d’endurance peut descendre en dessous de 40 bpm.

 

Cette fréquence cardiaque représente un indice de votre forme, dès lors que vous avez quelques références. Il n’y a pas de règles absolues dans le domaine, mais une variation de la fréquence cardiaque de repos individuelle renseigne sur une bonne adaptation à l’entrainement (si elle baisse ou reste stable), ou au contraire sur un début de fatigue ou de surentrainement, voire sur une infection (si elle augmente).

La fréquence cardiaque et les filières énergétiques

L’énergie dont ont besoin les muscles est fournie par la transformation biologique des aliments ingérés et stockés, et principalement le glucose qui est retenu sous une forme particulière dans les muscles et le foie, le glycogène. Mais la dégradation des acides gras (lipides) permet aussi la synthèse d’une énergie utilisable par les cellules. Pour que cette source d’énergie soit transformée en combustible, elle a besoin d’oxygène. Le tout est immédiatement converti en ATP (Adénosine Triphosphate). L’ATP est la principale source d’énergie directement utilisable par la cellule. Selon l’intensité de l’effort, l’organisme n’utilise pas les mêmes substrats énergétiques et ne produit pas de l’ATP de la même façon. La première filière énergétique (et la principale dans les sports d’endurance) est nommée filière aérobie, et crée de l’ATP en utilisant de l’oxygène, et en dégradant le glycogène et les acides gras. Cette filière produit peu de déchets dans l’organisme et ses limites dépendent du VO2Max (Volume maximale de consommation de l’oxygène) et des réserves de glycogène. Les deux autres filières énergétiques sont l’anaérobie lactique et l’anaérobie alactique. La première produit de l’ATP en dégradant le glycogène exclusivement, mais en produisant également de l’acide lactique, lui-même responsable d’une acidose musculaire, qui limite rapidement l’activité (rarement au-delà de 2 à 3 minutes à cette intensité très critique). La seconde produit de l’ATP en dégradant la phosphocréatine, présente en très petite quantité dans l’organisme, pour des efforts courts et explosifs de quelques secondes. Heureusement, les réserves de phosphocréatine se reconstituent rapidement, en quelques minutes. Le glycogène quant à lui ne se reconstitue pas avant plusieurs heures, ce qui explique que la gestion de l’effort et des réserves revêt toute son importance. Pour la filière anaérobie alactique, la fréquence cardiaque n’est absolument pas significative (la puissance en watts, oui !). Elle est un peu plus significative pour la filière anaérobie lactique, mais la durée et l’intensité de l’effort dépendent des réserves de glycogène (qui diminuent à vitesse grand V) et la capacité à supporter l’acidose. En clair, vous disposez de très peu de cartouches au court d’un entrainement ou d’une course. C’est surtout au sein de la filière aérobie que la fréquence cardiaque est importante, car selon le principe de Fick (1870), elle est en relation directe avec la consommation d’oxygène. Autrement dit, surveiller la fréquence cardiaque et s’assurer qu’elle reste dans les valeurs recherchées permet de gérer le potentiel énergétique sur des épreuves ou entrainements de long cours. Le glycogène est le premier carburant utilisé pendant l’effort, et c’est aussi le plus efficace. Mais les réserves sont limitées, au contraire des acides gras, un carburant moins efficace mais qui permet d’aller très loin. L’amélioration de la condition physique liée à un entraînement régulier et aux adaptations de l’organisme permet de repousser le seuil (en intensité, en puissance, en fréquence cardiaque) à partir duquel les réserves limitées de glycogène sont utilisées au profit des réserves de graisses.

La fréquence cardiaque dite « de réserve »

L’entraînement a peu d’incidence sur la fréquence cardiaque maximale. Celle-ci est individuelle et peut varier fortement d’un individu à l’autre. Elle diminue avec l’âge. Il existe plusieurs formules pour calculer la fréquence cardiaque maximale, dont la plus célèbre est la fameuse 220 – l’âge pour un homme et 226 – l’âge pour une femme (par exemple pour un homme de 40 ans : 220 – 40 = 180 bpm de fréquence cardiaque maximale). Ce n’est qu’une indication, le mieux est d’effectuer un test de terrain, qui consiste à effectuer une accélérations progressive après échauffement, jusqu’au maximum de ses capacités sur 3 à 5 minutes, et de noter enfin la fréquence cardiaque à la fin de l’effort. Vous pouvez ensuite noter votre fréquence cardiaque de réserve, qui se calcule en soustrayant la fréquence maximale à la fréquence de repos (par exemple 180 – 50 = 130). C’est à partir de là que vous ciblez une fréquence cardiaque qui correspond à une filière énergétique à privilégier pendant la séance. La formule dite de Karvoven permet de la calculer en multipliant la fréquence cardiaque de réserve par le pourcentage d’intensité voulu, et en ajoutant la fréquence de repos. Pour reprendre l’exemple de notre sportif de 40 ans avec une fréquence maximale de 180 et une fréquence de repos de 50, pour rouler à 85 % des capacités maximales, le calcul est le suivant : 130 (FC de réserve) x 0,85 (intensité cible) + 50 (FC de repos) = 160 bpm.

La mesure de la puissance

Enfin, le capteur de puissance est l’outil de référence des professionnels ou des cyclistes et triathlètes qui s’investissent totalement dans leur discipline. Le principe est le même que pour les sensations ou la fréquence cardiaque concernant les filières énergétiques, mais l’appareillage est plus précis et montre directement la production de l’effort à un instant T. Il permet de gérer précisément un effort en course ou à l’entrainement en fonction de la filière que vous souhaitez travailler, ou en fonction de vos qualités.

 

La valeur de référence est la PMA, soit la Puissance Maximale Aérobie, qui est la puissance (en watts) à laquelle le cycliste atteint sa consommation maximale d’oxygène. C’est la même chose que la VMA (en vitesse) en course à pied. C’est aussi la puissance maximum que vous pouvez tenir sur un effort de 5 minutes environ. Mais à chaque niveau d’intensité correspond une valeur de puissance en fonction du niveau individuel, et renseigne sur les qualités et possibilités de l’athlète. On parle alors de Courbe de Puissance Record (les records de puissance atteints en fonction de la durée de l’effort), qui peut montrer qu’un coureur est plus un sprinter qu’un coureur endurant (avec une puissance maximale très élevée, mais une puissance relativement faible sur des efforts longs), ou qu’un autre a de très fortes dispositions pour le contre-la-montre avec une puissance sur 20 minutes très élevée par rapport à sa puissance maximale. Mais nous y reviendrons prochainement !

-> VOIR AUSSI : Tous nos articles Coaching

Guillaume Judas

  - 53 ans - Journaliste professionnel depuis 1992 - Coach / Accompagnement de la performance - Ancien coureur Elite - Pratiques sportives actuelles : route & allroad (un peu). - Strava : Guillaume Judas

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Vous aimerez peut-être aussi