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Par Jean-François Tatard – Photos : UCI / Sigfrid Eggers – Deceuninck-Quick Step /DR
Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, ce jeune belge de 19 ans seulement (depuis le 25 janvier) attire déjà beaucoup de regards. Il s’est révélé au grand public en septembre dernier, en revenant d’Autriche avec deux maillots arc-en-ciel chez les Juniors. Gagner les Mondiaux en chrono et en ligne la même année constitue déjà un exploit en soi mais c’est plus encore la facilité déconcertante avec laquelle il a été chercher ses succès qui en fait un cas unique.
Du jamais vu
Les avis sont unanimes, quand on le compare à Eddy Merckx. Le meilleur coureur cycliste de l’histoire lui-même affirme qu’il est probablement encore plus fort que lui. Philippe Gilbert assure lui aussi qu’il n’a jamais vu quelqu’un de si talentueux.
Ainsi pour écrire cet article je me suis amusé à lire tout ce qui pouvait m’intéresser sur ce fait extraordinaire. J’ai regardé sur YouTube des vidéos qui concernaient ce « joyau ». J’ai lu des articles de presse. J’ai observé les critiques. J’ai demandé à des gens qui l’ont déjà vu à l’œuvre. J’ai même été sur ses comptes sociaux. Et j’ai ainsi compilé quelques unes des informations qui me semblaient les plus pertinentes pour illustrer mon papier.
Il n’y a pas si longtemps pour ne pas dire quelques mois, Remco était encore un joueur de foot prometteur. Il a commencé à taper dans le ballon à 5 ans et son talent lui a rapidement permis d’être sélectionné en équipe nationale dans les jeunes catégories, et même d’être remarqué par des clubs aussi prestigieux que le PSV et Anderlecht qui étaient prêts à lui offrir un contrat pro. Rien ne le prédestinait au cyclisme.
Souvent dans ce sport, où culturellement on y vient parce que papa était lui même cycliste ou que le contexte est favorable à sa pratique, rares sont ceux qui débutent fortuitement. Pourtant, dans un pays où le vélo est roi, Remco a toujours préféré regarder des courses de vélo à la télé que des matchs de foot. Ainsi, à la trêve de la saison de foot 2016, Remco pédale un peu plus que les autres années, si bien qu’il traine à rechausser les crampons la saison suivante. Et finalement, il ne les rechaussera plus…
Une précocité déconcertante
2017 : changement de sport ! Sur le traditionnel certificat médical de non contre-indication à la pratique sportive de début d’année, le médecin de famille habitué à lui délivrer une attestation pour le football va devoir revoir l’intitulé de l’activité. Cette fois c’est de cyclisme dont il va s’agir pour Remco Evenepoel. Mal aurait été venu que le Doc refuse la prescription, Remco gagne sept courses pour sa première année. L’année suivante, il gagne les championnats de Belgique de contre-la-montre et de la course en ligne. Sélectionné aussi immédiatement en équipe nationale, il remporte les championnats d’Europe à nouveau en contre-la-montre et également la course en ligne. C’est prodigieux ! Et pour prouver à la terre entière que ce n’est pas qu’un coup de chance, l’occasion de porter le maillot de champion d’Europe sera quasi inexistante, il humilie tout le peloton aux championnats du monde quelques semaines plus tard. Rebelote, il gagne le « chrono » et la course en ligne !
Un gamin convoité
À l’intersaison, la rumeur se propage. Toutes les équipes pros s’intéressent au phénomène Remco. Dans le peloton, on ne parle que de la façon dont le jeune prodige a écrasé la concurrence lors des derniers championnats du monde. L’image de son arrivée le vélo à bout de bras a fait le tour des réseaux sociaux. « Il paraît qu’il vient de commencer le vélo… », « mais où s’arrêtera-t-il ? », « c’est quoi son point faible ? », « il roule, il grimpe, il sprinte »… Les commentaires élogieux vont bon train. Les projecteurs sont braqués sur la nouvelle pépite du cyclisme mondial. Tout le monde s’intéresse à lui. Tout le monde le veut dans son équipe. Sollicité par Axeon Hagens Berman. Et même par la Sky. C’est finalement sous le maillot de la Deceuninck-Quick Step que l’espoir belge fera ses premiers tours de roues chez les pros.
Tout à apprendre
Il ne lui aura pas fallu longtemps pour continuer d’impressionner dès son passage chez les pros. Nous ne sommes encore qu’au mois de janvier, sur le Tour de San Juan en Argentine, et Remco frappe d’entrée en terminant 3 ème de l’étape contre la montre…
« Il n’est jamais trop tôt pour gagner,
il peut seulement être trop tard »
Troisième de la 3e étape ! Un contre-la-montre de 12 kilomètres particulièrement difficile qui a vu la victoire de Julian Alaphilippe, son coéquipier chez Quick-Step. Et la veille, déjà 15ème d’une étape où dans le classement on retrouve le gratin du cyclisme mondial, il nous envoie un message fort. On sait qu’il peut déjà jouer un rôle majeur avec les meilleurs. Pourtant il avoue qu’il n’a pas su gérer son effort. Il est en train d’apprendre à se servir du capteur de puissance. Et dans un cyclisme moderne où tout est régi par ces précieux indicateurs, on peut imaginer que lorsqu’il saura apprivoiser son potentiel extraordinaire, il risque bien de mettre tout le peloton pro en fil indienne.
À tout juste 18 ans et tout juste sorti des rangs Juniors, la nouvelle merveille du cyclisme a déjà impressionné quelques grands noms du WorldTour. Même Peter Sagan est venu le complimenter tant il a été impressionné par Remco durant ces premiers jours de courses chez les pros. Pourtant, Remco s’attendait à ce que cela roule plus vite. Il a été surpris de se retrouver « si facile » avec les meilleurs.
La Deceuninck-Quick Step a vite compris que cette convoitise peut se retourner contre son diamant. Elle a ainsi minutieusement établi sa carte de route. « Patience », en maître mot ! On ne le verra pas encore cette année sur le Tour de France. Dans un premier temps, des courses à étapes courtes seront privilégiées dans le programme. Tout simplement pour ne pas brusquer Wolfpack Puppy.
Ah oui, la Deceuninck-Quick Step n’a pas traîné a trouvé un surnom à sa jeune pépite. La team de Lefevere l’a déjà baptisé Wolfpack Puppy, littéralement traduit le « jeune chiot de la meute de loups ». Les anciens comme Philippe Gilbert l’ont déjà rapidement pris sous leur aile.
Mais quand ce mammifère carnivore va réellement sortir de sa tanière, nous risquons de découvrir un animal féroce dont l’appétit semble être au moins comparable à celui qu’on appelait le Cannibale. À suivre donc, avec le plus grand intérêt.
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