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C’est l’un des plus gros moteurs du Longue Distance tricolore. À bientôt 30 ans, le 16 janvier prochain, Charlotte Morel s’embarque dans une 16e saison de haut niveau qui pourrait l’emmener vers le Mondial Ironman à Hawaii en octobre, l’un des rêves de sa vie de triathlète. La maturité et l’expérience sont là, qui plus est débarrassée d’une vilaine blessure au dos qui l’a empêchée tout au long de la saison 2018 de s’exprimer pleinement. L’occasion de faire le point, de se projeter et d’en apprendre plus sur la Varoise.
Propos recueillis par Pierre-Maxime BRANCHE. Photos : Stef Candé, Lapierre.
3Bikes.fr : Début octobre, vous révéliez une discopathie côté droit et un début d’hernie discale. Avez-vous eu peur pour la suite ?
Charlotte Morel : Une blessure est toujours difficile à vivre pour une athlète. Mon plus gros objectif à ce moment-là était de trouver et traiter la cause pour ne pas que cela revienne, ne plus avoir de douleurs et pour pouvoir reprendre. Je suis passée par de nombreuses phases d’arrêt sur blessure durant ces quinze dernières années de haut niveau, mais je sais que si la détermination est là, on est toujours capable de revenir avec du temps et de la patience.
3B : Dans quelle mesure cette blessure a-t-elle affecté votre saison 2018 ?
C.M : Elle a commencé dès le mois d’avril, mais elle s’est énormément accentuée sur la fin de saison. Finalement, j’ai pu faire tous les gros objectifs clés de ma saison. Mais je pense que j’ai été pénalisée car je n’étais qu’à 60 % de mes capacités sur la jambe droite en raison de la douleur sciatique projetée.
3B : En avez-vous pleuré à certains moments ?
C.M : Oui… J’ai versé des larmes de tristesse et de déception.
3B : Durant huit semaines d’arrêt complet, le temps a-t-il été long et avez-vous été gagnée par l’ennui ?
C.M : Dix semaines d’arrêt complet exactement… Oui, le temps a été long. Cela fait très bizarre de passer de 25/30h d’entraînement hebdomadaire à zéro. J’ai passé beaucoup de temps à m’étirer, à me reposer. Après, j’ai toujours des choses en tête, donc je ne m’ennuie que rarement.
3B : De quoi avez-vous peur dans la vie ?
C.M : De manquer de temps pour faire tout ce que j’ai envie de réaliser et pour voir les gens que j’aime.
3B : Reprendre l’entraînement par 4×10′ footing avec récupération marche 1′ quand on est une championne reconnue, est-ce difficile ?
C.M : Oui et non. Comme je le disais, je suis déjà passée par plusieurs arrêts pour longue blessure en course à pied. Donc je sais ce que c’est. Et puis, j’étais tellement heureuse de pouvoir recourir que peu importe le temps, l’allure et la distance, c’était déjà énorme ! ?
3B : Êtes-vous… bigorexique ?
C.M : Je pense que je suis addict au sport et que cela fait partie de mon équilibre et de mon bien être. Lorsque je suis complètement inactive, je me sens mal. L’air pur, l’effort et la nature me permettent de me sentir en vie. On peut appeler ça une sorte de bigorexie.
3B : Quelle est votre définition du triathlète ?
C.M : Une personne qui pratique la natation, le vélo et la course à pied en enchaînement, une personne qui voyage à travers le monde, qui aime les défis, l’effort et le dépassement de soi.
3B : Votre course à pied est souvent pointée comme une faiblesse par rapport à votre natation et à votre vélo. Vous sentez-vous capable de la gommer ou l’acceptez-vous ainsi ?
C.M : Ma course à pied est pour le moment mon point faible sur Ironman. Sur les épreuves plus courtes, comme sur M et 70.3, je n’estime pas que ce soit mon point faible car j’ai déjà réalisé de beaux 10K et semi-marathon. Mais effectivement, sur Ironman, j’ai encore du mal à enchaîner une course à pied à la hauteur de mes capacités physiologiques. Les nombreux arrêts sur blessure en course à pied sont peut-être aussi responsables de cette difficulté.
3B : Quelle est votre séance d’entraînement préférée dans chaque discipline ?
C.M : Les séances en groupe pour la natation. Des sorties longues à travers les cols des Alpes pour le vélo. Pour la course à pied, des courses longues aussi, par exemple à SV1 (au seuil aérobie, ndlr).
3B : Une saison sans l’Embrunman, est-ce envisageable ?
C.M : C’est la course sur laquelle je prends le plus de plaisir. Que ce soit dans la préparation ou l’épreuve en elle-même. Ceci étant, pour me rapprocher de mon objectif, c’est-à-dire aller à Hawaii, j’envisage de ne pas faire l’Embrunman cette année.
3B : D’ailleurs, quels dossards accrocherez-vous en 2019 ?
C.M : Je devrais commencer par le Triathlon International de Cannes mi-avril ou l’Ironman 70.3 Marbella en Espagne fin avril. Puis, j’envisage l’Ironman 70.3 Barcelone ou l’Ironman de Lanzarote en deuxième quinzaine de mai. Il y aura ensuite l’Ironman de Nice fin juin. Après, ce sera à voir selon les résultats, mais j’espère le championnat du monde 70.3 à Nice début septembre et pourquoi pas le Mondial Ironman en octobre…
« Pour aller à Hawaii, j’envisage
de ne pas faire l’Embrunman cette année… »
3B : Le Courte Distance ne vous fait plus du tout les yeux doux ?
C.M : Je continue d’apprécier cette distance mais sans drafting ! Ça paraît très court et rapide quand on revient de l’Ironman ! Je garde dans mon programme des courses qui me plaisent comme le M de Marseille, le M de Cassis et les France Militaires.
3B : Vous arrive-t-il parfois de vous poser et de vous demander pourquoi vous pratiquez le triathlon ?
C.M : Oui ! Cela fait 18 ans que je fais du triathlon, dont 15 années que je pratique à haut niveau et que je ne fais que ça. Au quotidien, je partageais mes séances avec mon fiancé Fred (Frédéric Belaubre, ndlr), mais depuis qu’il a arrêté en 2015, mes entraînements ont une autre saveur. Depuis le début, je pratique le triathlon par amour pour le sport, la nature et pour le plaisir à travailler et enchaîner ces trois disciplines. La compétition est importante pour moi, mais elle est indissociable de cette notion de plaisir dont j’ai besoin pour performer.
3B : Dans votre préparation de course, avez-vous une approche mentale et psychologique de l’événement ?
C.M : Je fais un peu de visualisation mentale les jours précédents une course. À la fois sur une visualisation du parcours et des actions à mettre en place, mais aussi par la mémorisation d’images positives qui pourront m’aider dans les moments difficiles. Malheureusement, je ne prends pas le temps de le faire au quotidien. Mon père m’a offert un livre pour Noël « Méditer jour après jour». Serait-ce un message à me faire passer ?! (Rires) En tout cas, je vais tenter de m’y mettre.
3B : Qu’est-ce que vous apporte le Yoga ?
C.M : Un mélange à la fois de gainage, de proprioception, de renforcement musculaire et d’étirements. C’est vraiment complet et cela me permet de travailler ma posture profonde.
3B : Est-ce que vous supportez bien la pression (et je ne parle pas de bière !) ?
C.M : La pression extérieure est toujours difficile à supporter. Plus tu as des résultats significatifs, plus tu es attendue par les gens qui te suivent et par tes partenaires… Ce n’est pas toujours évident de supporter cette pression dans le sens où je n’ai pas envie de les décevoir. Mais en général, j’arrive à bien canaliser ce stress le jour J et à la transformer en énergie positive.
3B : Appréhendez-vous le jour où vous ne serez plus présentée comme athlète de haut niveau ?
C.M : Je pense que l’arrêt d’une carrière de haut niveau est toujours un moment difficile à passer. Il faut avoir un projet fort après le triathlon qui permette encore de se lever chaque jour avec passion et détermination. Pour ma part, je n’oublierai jamais tout ce que le triathlon m’a apporté pendant toutes ces années, mais je suis certaine que le jour où je tournerai la page du sport de haut niveau, d’autres merveilleuses choses palpitantes m’attendront. La vie est d’une grande richesse !
3B : Votre avenir est-il d’ores et déjà inscrit dans le coaching à travers la structure MYTRIBE ? Ou vous projetez-vous dans un autre secteur ?
C.M : Je m’épanouis aux côtés de Fred dans le développement de ce projet commun qui nous anime avec passion. Donc oui, cela ira certainement dans cette direction.
3B : En 2018, vous avez chevauché l’Aerostorm et l’Aircode de Lapierre. Avez-vous bénéficié d’améliorations personnelles par rapport à votre discipline ?
C.M : Effectivement, j’ai eu la chance de rejoindre Lapierre avec leurs vélos de qualité. J’avais une petite appréhension à changer de matériel et finalement j’ai tout de suite adoré ces deux modèles.
« J’avais une petite appréhension à changer de matériel
et finalement j’ai tout de suite adoré mes Lapierre. »
3B : Avez-vous rencontré les coureurs de Groupama – FDJ et regardez-vous le Tour de France ?
C.M : J’ai rencontré Thibault Pinot uniquement. Oui, j’adore regarder le Tour !
3B : Qui est votre meilleur(e) pote dans le tri ?
C.M : Difficile de ne citer qu’une seule personne ! Grâce au triathlon, j’ai eu la chance de rencontrer un grand nombre de triathlètes que ce soit au quotidien à l’entraînement, pendant les stages, sur les regroupement club et évidemment sur les courses où j’ai tissé des liens d’amitiés avec des athlètes internationaux. Allez, je peux citer… Delphine Pelletier qui a fait partie de ma construction dans le triathlon depuis 2004 et qui reste toujours une amie proche, à mes cotés aujourd’hui encore. Mais ce n’est pas la seule !!!
3B : Vos amis viennent dîner, quel est le menu ?
C.M : Colombo de poulet au curry, poivrons, lait de coco et amandes. En dessert, un fondant au chocolat. Bon et light.
3B : Côté cuisine, vous êtes plutôt Philippe Etchebest ou Cyril Lignac ?
C.M : J’adore cuisiner et j’élabore surtout mes propres recettes.
3B : À part La Compagnie Créole, qu’y a-t-il dans votre training playlist ?
C.M : J’écoute un peu tous les styles de musique lors de mes entraînements. Mais j’aime bien l’électro sur les séances rythmées.
3B : Qu’est-ce qui énerve Charlotte Morel ?
C.M : Oula… beaucoup de choses ! Je suis plutôt impatiente de nature, j’ai tendance à vite m’énerver, mais j’essaie de me contrôler.
3B : Dans quel domaine pourriez-vous nous surprendre, quels sont vos talents cachés ?
C.M : La cuisine ou ma faculté à faire beaucoup de choses différentes en même temps.
3B : Vous êtes invitée dans une soirée déguisée, quel costume choisissez-vous et pourquoi ?
C.M : Ça dépend vraiment du thème…
3B : Revenons au tri avec la question inévitable : verrez-vous un jour Hawaii ? Est-ce toujours un objectif, un rêve ?
C.M : Hawaii ! Seul l’avenir le dira. Mais je pense que cette année, avec le changement de système de qualification et l’ajout de 15 dossards pour les femmes, j’ai une carte à jouer. En tout cas, cette année ce sera l’objectif.
3B : Imaginons que vous franchissiez la ligne à Kona, la boucle sera-t-elle bouclée au point de tailler la route vers d’autres défis dans d’autres disciplines ?
C.M : Difficile de dire si je voudrais arrêter après Kona ou revenir pour faire mieux tant que je n’y ai pas été ! Le plus important pour moi est toujours de m’épanouir dans ce que je fais.
3B : Est-ce qu’une Diagonale des Fous vous ferait tripper ?
C.M : Carrément ! Le trail est une discipline qui m’attire pour le futur.
3B : Vous avez officialisé votre future union avec votre compagnon Fréd Belaubre. Qui dit mariage dit bébé (ou pas !)… avez-vous échangé avec Jeanne Collonge à ce sujet ?
C.M : Effectivement, j’ai la chance de me marier cette année avec Fred. On a un peu échangé avec Jeanne à Nice l’année passée ! Elle est super bien revenue après son bébé… Ça donne envie !
3B : La dernière question est libre : « What else ? »
C.M : Profitez de la vie, vivez la à 100 % en faisant ce que vous aimez avec ceux que vous aimez. Croyez en vous, tous les objectifs sont réalisables. Il suffit d’y croire.
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